Comme on pouvait aisément le prévoir, la DHEA et ses vertus supposées sont, depuis peu, à l'origine d'une polémique originale. Ce phénomène met en lumière les failles et les incohérences de la situation réglementaire pour certaines molécules campant aux frontières de la pharmacopée. Tout le monde a en mémoire les initiatives médiatiques de grande ampleur visant à vanter la soi-disant efficacité «anti-vieillissement» de la déhydroépiandrostérone, molécule naturellement synthétisée par les glandes surrénales. Après une première opération publicitaire en 1995, le dossier s'était enrichi, il y a un an, de la publication dans la revue scientifique américaine Proceedings of the National Academy of Sciences, des résultats d'un essai clinique tendant à montrer que, dans certaines conditions, une supplémentation en DHEA pourrait avoir quelques effets bénéfiques.Une dose quotidienne de 50 mg administrée pendant un an à des hommes et des femmes âgés de 60 à 79 ans pourrait induire chez les femmes ce qu'il est convenu d'appeler un «réveil» de la libido ainsi qu'une amélioration de l'hydratation cutanée tandis que l'imagerie objectiverait une diminution de la dégradation de la trame osseuse et une augmentation de la densité de l'os au niveau de la hanche et du poignet. Les auteurs soulignaient qu'il restait à vérifier sur le long terme la signification de ces observations, notamment si ces images se traduisaient par une réduction du risque de fractures ; point important, ils soulignaient n'avoir observé aucun effet chez les hommes. Il n'en aura pas fallu davantage pour relancer la machinerie médiatique et alimenter les espoirs médicaux et financiers de tous ceux qui veulent voir dans cette molécule une rafraîchissante jouvence.C'en était trop pour le Conseil national de l'Ordre des médecins ; observant que certaines pharmacies d'officine affichaient qu'elles pouvaient vendre de la DHEA, il vient, par voie de presse, d'alerter les praticiens de ne pas prescrire ce produit «encore en cours d'évaluation» et qui «faute d'autorisation de mise sur le marché, ne peut être prescrit comme médicament». L'affaire est toutefois un peu plus complexe : la DHEA peut être considérée comme une «matière première à usage pharmaceutique» qui pourrait de ce fait être préparée par le pharmacien dès lors que l'ordonnance demanderait une prescription magistrale. «Rien n'est encore défini concernant la posologie adéquate, la durée du traitement, les indications et contre-indications et les effets secondaires indésirables» souligne l'Ordre qui conseille aux médecins de ne pas répondre favorablement aux demandes des patients et ce dans l'intérêt de ces derniers. L'instance ordinale précise que la responsabilité du prescripteur serait engagée en cas d'incident ou de poursuite, que «les obligations légales de la pharmacovigilance doivent être observées» et que les incidents ou accidents apparemment liés à la prise d'une substance pharmaceutique doivent être signalés. «La prescription médicale ne peut de ce fait rester clandestine» conclut l'instance ordinale. Rappelons que la DHEA fait aussi partie des substances dopantes interdites dans les compétitions sportives par le ministère de la Jeunesse et des Sports et que les pouvoirs publics n'ont engagé aucune action contre les sociétés qui, en France, commercialisent au grand jour de la DHEA ou de la créatine.