En France, comme dans la plupart des pays industrialisés, la consommation d'alcool représente la part la plus importante du coût social des substances addictives ; supérieure au coût du tabac et de la toxicomanie aux produits illicites. «Cette vision purement économique se double dans notre pays d'une indulgence pour les conduites d'alcoolisation culturellement intégrées et acceptées comme une fatalité et d'un rejet de l'alcoolo-dépendant en tant que tel quand il perturbe les relations familiales, professionnelles et sociales» peut-on lire en introduction du rapport de conclusion de la conférence de consensus que l'Agence nationale française d'accréditation et d'évaluation en santé (Anaes) vient de consacrer aux modalités de l'accompagnement du sujet alcoolo-dépendant après un sevrage. C'est l'hétérogénéité des pratiques de prise en charge qui a conduit l'Anaes et la société française d'alcoologie (en liaison notamment avec la société suisse d'alcoologie) à établir des recommandations dans ce domaine dont nous commençons à donner ici un résumé. Ces recommandations font suite à une première conférence de consensus organisée en mars 1999 et consacrée au sevrage de l'alcoolo-dépendant. La conférence de 1999 avait révélé un consensus fort sur la justification, chez tout alcoolo-dépendant, d'une proposition systématique de sevrage complet et prolongé en l'intégrant dans un projet élaboré avec le patient. Or, si les modalités du sevrage peuvent être relativement codifiées et faire l'objet de recommandations internationales précises, autant l'entrée dans un processus d'abstention d'alcool complet et durable se heurte à des difficultés d'approche médicale, psychologique et sociale.Aujourd'hui, la première des questions soulevées est celle des acteurs et des moyens de l'accompagnement. «Sans intervention, l'évolution spontanée de l'alcoolo-dépendance est presque toujours défavorable puisque l'on compte moins de 10% de guérisons spontanées, peut-on lire dans le document de l'Anaes. Ce constat rend peu éthique l'absence de projet de prise en charge ; cependant, les difficultés méthodologiques des études comparatives expliquent en partie que, contrairement aux essais thérapeutiques portant sur les médicaments, peu d'études aient été menées sur l'évaluation de l'ensemble des thérapeutiques non médicamenteuses pour permettre d'apporter des résultats scientifiques incontestables. Les obstacles rencontrés (réalcoolisations, dépression
) sont partie intégrante du parcours du patient. Plutôt que de les considérer comme des échecs définitifs, il faut que patients et soignants les considèrent comme des moments d'un projet visant à atteindre le bien-être». Le soutien psychologique. On ne compte que fort peu d'études scientifiques cherchant à évaluer l'efficacité du soutien psychologique dans le traitement de l'alcoolo-dépendance et ce probablement du fait des difficultés méthodologiques. Il existe néanmoins un «accord professionnel fort» pour considérer que le soutien psychologique est le fondement même de la prise en charge de toute personne en difficulté avec l'alcool. «Ce soutien peut être assuré par tout thérapeute, médical ou paramédical, formé. Il nécessite présence, disponibilité, sollicitude. Le champ de compétences et la proximité auprès des patients des infirmiers et des aides-soignants leur font jouer un rôle majeur dans le soutien» estiment les experts réunis sous l'égide de l'Anaes. Plusieurs formes de soutien psychologique ont des effets thérapeutiques potentiels, qu'il s'agisse de l'écoute, de la relation d'aide, de «l'attitude de soutien psychologique» ou de la psychothérapie de soutien. Il importe avant tout de reconnaître l'importance du facteur temps, toujours coûteux en personnel, dans l'organisation du soutien psychologique. La psychanalyse et les psychothérapies d'inspiration analytique (PIP). La technique de la cure-type appuyée sur le travail de remémoration et d'associations libres s'avère généralement praticable aussi l'instauration du cadre et les modalités de la cure vont devoir être aménagées pour donner forme aux PIP. «Au silence et à la neutralité bienveillante du psychanalyste doit se substituer «l'avance de la parole» pour signifier au patient l'empathie du thérapeute et favoriser l'alliance thérapeutique. L'indication et le moment d'engager cette thérapie ne peuvent venir que de la demande du patient et après une certaine durée d'abstinence» soulignent les auteurs du rapport qui considèrent que les PIP doivent soumettre leurs résultats à une évaluation semblable aux autres techniques pour à l'avenir pouvoir être recommandées. Les thérapies cognitives et comportementales. On sait qu'il s'agit là de techniques psychothérapiques codifiées qui, en l'occurrence, permettent au sujet d'élaborer et d'utiliser des stratégies pour le maintien de l'abstinence. Parmi les différents programmes orientés vers l'abstinence et ayant fait l'objet d'évaluations cliniques contrôlées, le rapport de l'Anaes cite notamment : les entretiens motivationnels (qui, comme leur nom l'indique «cherchent à renforcer la motivation») ; l'entraînement aux stratégies de «coping» (plusieurs études ont montré l'efficacité de cette approche sur la réduction de l'intensité et la durée des rechutes) ; l'exposition au stimulus avec ou sans entraînement à la gestion de l'envie de boire (deux études ont montré l'efficacité de cette méthode dans le cadre de la stratégie de recherche de l'abstinence) ainsi que le «renforcement communautaire» qui a pour objectif d'éliminer les renforcements positifs de l'alcoolisation et d'accroître les renforcements positifs de l'abstinence (plusieurs études ont démontré l'efficacité de cette technique). «Toutes ces techniques doivent être utilisées par un personnel formé spécifiquement pour l'alcoolo-dépendance» soulignent les experts. (A suivre)