Rendu public le 19 février, le rapport du Groupement intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC)* prévoit un effet massif du changement climatique sur la santé humaine au XXIe siècle. Il devrait en résulter un accroissement des morts par suite des inondations, de la malnutrition et de l'extension de maladies infectieuses (Lancet 2001 ; 357 : 696).Les mille pages du document intitulé «Climate Change 2001 : Impacts, Adaptation and Vulnerability» reposent sur le travail de 700 scientifiques et représentent l'étude la plus exhaustive à ce jour sur l'impact du réchauffement climatique sur la planète (www.ipcc.ch). Créé en 1986 sous l'égide de l'Organisation météorologique mondiale et du Programme des Nations Unies pour l'environnement, le GIEC réunit près de 2000 chercheurs de toutes nationalités. Sa mission est d'évaluer l'information scientifique, technique et socio-économique disponible pour appréhender les risques des changements climatiques induits par l'homme. Ce rapport est le troisième après ceux de 1990 et 1995.«Les changements climatiques projetés durant le XXIe siècle ont le potentiel pour entraîner des changements à grande échelle et peut-être irréversibles dans les systèmes terrestres», indique un résumé du rapport. Et selon le président du GIEC, Robert Watson, qui est responsable scientifique à la Banque mondiale, les pays les moins développés risquent de subir les pires dommages résultant de la hausse prévue de la température. Cette hausse pourrait atteindre 5,8 degrés Celsius de température globale au cours du siècle prochain un chiffre bien plus élevé que celui auquel on s'attendait.Watson affirme qu'il est dorénavant clair que la pollution humaine plutôt que des fluctuations climatiques naturelles est responsable de ce phénomène. Le rapport prévoit une probabilité de moyenne à élevée d'une nette augmentation dans l'étendue géographique de la transmission de la malaria et de la dengue, qui affectent pour le moment 40 à 50% de la population globale.En outre, le rapport prédit une extension vers le Nord et vers le Sud des maladies infectieuses à vecteur (moustiques, serpents d'eau, mouche noire, mouche tsé-tsé, etc.) et une augmentation de la prévalence de la malaria, de la dengue, de la fièvre jaune et des encéphalites. La malaria pourrait aussi toucher l'Amérique du Nord, menace le rapport. Les maladies infectieuses non véhiculées par des organismes, tels la salmonellose, le choléra et d'autres maladies liées à l'eau et à la nourriture, pourraient également se répandre, surtout dans les régions tropicales et subtropicales.Le rapport prévoit que la fonte de la calotte glacière et des glaciers entraînera une augmentation de l'ordre de 0,88 mètre du niveau de la mer d'ici 2100. Les régions côtières denses en habitants telles qu'au Bangladesh, au Vietnam et en Egypte, ainsi que les petits états insulaires, connaîtront donc un risque accru d'inondations. Or, «tout accroissement des inondations augmentera le risque de noyade, de maladies diarrhéiques et respiratoires et, dans les pays en développement, de faim et de malnutrition», prévient Watson.Les experts du GIEC s'attendent à ce que le manque de pluie et d'eau dans les régions d'Afrique, enclines à la sécheresse, soit exacerbé, renforçant les pénuries alimentaires et mettant à mal le développement social des communautés. «Le changement climatique projeté sera accompagné par un accroissement des vagues de chaleur, et souvent par une augmentation de l'humidité et la pollution urbaine de l'air, ce qui devrait engendrer des morts liées à la chaleur ainsi que des maladies», soutient le rapport.L'impact devrait être plus grand chez les populations urbaines, affectant en particulier les personnes âgées, les malades et ceux qui ne disposent pas de l'air conditionné. Le rapport ajoute que de faibles indices laissent présager que dans certaines zones tempérées notamment en Europe la réduction des morts durant l'hiver en raison de températures plus clémentes serait supérieure aux morts surnuméraires dues aux hautes températures estivales.CommentaireCes jours, une pétition circule sur internet. Des cyberactivistes demandent de signer une courte lettre adressée à un certain Georges W. Bush. En refusant de signer le Protocole de Kyoto, ce serait lui le grand coupable de cette histoire d'effet de serre, dont les générations futures devront subir les conséquences qui restent pour l'heure très largement inconnues.Or, comment ne pas voir que c'est tout un mode d'être au monde qui est, avant cet homme particulier élu de surcroît à l'origine du changement climatique ? Ou, réciproquement, comment voir dans la lutte contre la volonté de Georges W. Bush de remercier le lobby texan du pétrole d'avoir soutenu sa campagne présidentielle, le combat par excellence contre l'effet de serre ?Bien sûr, les Etats-Unis, ce sont moins de 5% des habitants de la planète qui émettent environ 25% des gaz à effet de serre. Mais un tel déséquilibre dans l'origine des émissions ne devrait pas masquer que c'est tout l'Occident qui, à travers ses institutions, pousse le globe entier vers un mode de consommation proche de celui des Etats-Unis, Bush ou pas Bush.Ce déséquilibre ne devrait pas non plus masquer le fait que le Protocole de Kyoto n'est qu'un bien frêle pansement que les sociétés hyper-industrialisées proposent alors que leurs possibilités de contrôler l'expérience qu'elles font subir au système terre s'approchent de zéro.Au vrai, bien plus que le dernier occupant de la Maison Blanche, c'est toute une conception peut-être mortifère du développement qui devrait nous faire bouger. Mais comme toujours, nous préférons stigmatiser un coupable ! W