Le numéro de sexologie clinique du 21 mars 2001 a suscité un courrier d'une abondance totalement inhabituelle. A l'origine destiné à une discussion entre médecins, le contenu de ce numéro a été amplement repris par les médias grand public. De nombreux confrères, mais aussi des associations et des lecteurs occasionnels se sont manifestés à la rédaction de Médecine et Hygiène, la plupart pour désapprouver certains passages de ce numéro, quelques-uns pour approuver l'ensemble.Dans ce contexte, il nous paraît nécessaire de clarifier la position de la rédaction. Deux choses. D'abord, nous regrettons d'avoir publié certaines phrases de ce numéro, souvent d'ailleurs mises en exergue dans la polémique médiatique qui s'en est suivie. Elles expriment des positions non médicales, non scientifiques et extrêmes qui n'ont pas leur place dans une revue comme Médecine et Hygiène. D'autre part, il nous semble important de préciser que les différentes idées présentées dans les articles de ce numéro, et la perspective d'ensemble que lui a donnée celui qui l'a coordonné et en a choisi les thèmes, le Dr Maurice Hurni, ne sont en rien l'expression d'une vision de la rédaction de Médecine et Hygiène, même s'il revient à celle-ci d'en assumer la responsabilité.En revanche, le rôle de Médecine et Hygiène consiste bien à ouvrir des débats et à permettre aux différents avis et courants qui existent et se confrontent au sein de la médecine de s'exprimer. La discussion est le seul moyen de donner la possibilité à la pensée médicale d'évoluer. Nous ferons en sorte qu'elle ait vraiment lieu.Dr Bertrand KieferRédacteur en chefMonsieur le Rédacteur en chef,L'article «L'homosexualité et la question de la différence» a paru sous la rubrique «Tribune», ce qui signifie que son auteur est en droit d'y donner son opinion sans contrainte et de façon à susciter un débat. J'ai quelque peu hésité avant d'intervenir mais, tout bien réfléchi, je trouve cet article tranché et revêtu d'un vernis pseudo-scientifique susceptible d'induire en erreur certains lecteurs et de dénaturer les termes et définitions mêmes de la «Tribune».Dans un premier temps, le Dr N. Nicolaïdis reproche aux médias, à certains politiques et à quelques intellectuels de trop vouloir légitimer l'homosexualité. Il faudrait peut-être préciser à l'auteur que, même si de nombreux appels se font en faveur de l'homosexualité, la «différence» tant critiquée par l'article en question n'est toujours pas reconnue. Même s'il est plus facile de s'avouer aujourd'hui homosexuel, cet aveu et le «coming out» qui l'entoure restent une démarche toujours aussi difficile à supporter, en particulier par les jeunes homosexuels. D'autre part, cette légitimation n'est de loin pas évidente, malgré une pression constante des médias certes, dans la mesure où l'âge auquel un homosexuel découvre sa différence lui fait fréquenter un milieu (scolaire, estudiantin, d'apprentissage ou militaire) qui n'est de loin pas propice à de tels aveux tant il privilégie la référence au machisme et à la virilité.Ensuite, l'auteur parle à plusieurs reprises de différences et, après avoir fait un douteux parallèle avec l'influence néfaste exercée par certaines sectes, se garde bien de pointer du doigt cette différence en souhaitant ne pas trop la mettre en exergue mais en le faisant malgré tout ; démarche pour le moins contradictoire et ambivalente qui aboutit finalement au fait que cette différence est bel et bien soulignée et que la minorité représentée par les homosexuels est clairement montrée du doigt.Dans un troisième temps, et c'est là peut être l'aspect le plus critiquable à mon avis, l'auteur engage une vaste recherche qu'il argumente par des références à la psychanalyse, en particulier à Freud et à Lévi-Strauss en ce qui concerne la qualification de «pervers polymorphe» vis-à-vis de l'homosexuel. On s'écarte de l'aspect pamphlétaire d'une «Tribune» habituelle pour s'essayer à des références psychanalytiques et scientifiques qui pourraient faire accroire au lecteur moyen que le texte est issu d'une longue et précise recherche scientifique se référant à des auteurs connus.Plus loin, le Dr Nicolaïdis stigmatise «le pire du pire des conséquences de l'homosexualité,
la dérive vers la pédophilie». A notre avis, l'auteur tombe ainsi dans la même facilité avec laquelle le problème de la pédophilie est généralement traité. Il abuse de la confusion qui fait penser à nombre de gens que la pédophilie n'est possible qu'entre des hommes et des garçons abandonnés à leur sort. Or, la pédophilie est par définition le fait d'aimer de façon perverse des enfants et de vouloir en abuser tout en prétendant que c'est pour leur bien. Le terme est d'ailleurs assez mal choisi et devrait être, comme le réclament plusieurs linguistes éminents, remplacé par celui de pédo-manie qui illustrerait plus le penchant pervers revêtu par ce défaut.Cela étant, pour nombre de professionnels de la santé qui nous en parlent, la pédophilie ou la pédo-manie ne sont de loin pas circonscrites à des homosexuels. Même si des dérives de ce type sont souvent signalées, les incestes à l'intérieur d'une même famille ou imputables à des amis proches de la famille vis-à-vis d'enfants du sexe opposé sont largement plus nombreux et, toujours selon les mêmes sources, nombre d'entre eux ne sont jamais révélés.Par cette définition, le Dr Nicolaïdis soutient le point de vue des pires sectaires pour qui l'homosexualité se résume automatiquement et simplement à des actes pédo-maniaques, ce qui est loin, je le répète, d'être la réalité.Enfin, le fait pour l'auteur de conclure que «toute légitimité de l'homosexualité pourrait mettre en cause l'infrastructure et la superstructure de l'espèce humaine» nous paraît être un raccourci saisissant se ralliant d'ailleurs aux thèses les plus extrémistes de l'église catholique. L'homosexualité n'est pas, n'en déplaise à l'auteur, une nouveauté sur cette planète et certaines civilisations l'ont parfaitement intégrée dans leurs murs sans pour autant dépérir ou se dépraver plus facilement que la nôtre à l'heure actuelle.Il est enfin regrettable que l'on montre les homosexuels comme une minorité activiste cherchant à tout prix à imposer leur vue des choses par une espèce de terrorisme intellectuel et moral. Les difficultés d'acceptation de cette différence que nous avons évoquées au début de cette intervention montrent que tel n'est pas le cas et que nombre d'homosexuels demeurent refoulés pendant de longues années, tant est grande leur crainte de se révéler sous leur vraie personnalité.A cet égard, l'article du Dr Nicolaïdis doit faire les délices de l'équipe valaisanne de Romandit qui a publié la fameuse annonce incendiaire dans le Nouvelliste, s'insurgeant contre l'organisation d'une gay-pride à Sion.En conclusion, et pour revenir à la définition même de la «Tribune» de Médecine et Hygiène, il faut laisser à cet espace une possibilité de se prononcer ouvertement, même sous la forme d'un brûlot provocateur, mais éviter de glisser vers des aspects pseudo-scientifiques et des affirmations ne reposant sur aucune recherche sérieuse, aucune enquête de quelque ordre que ce soit, ni aucune preuve scientifique.M. Jean-Marc Guinchard23, quai Charles-Page1205 GenèveMonsieur le Rédacteur en chef,Dans son éditorial de Médecine et Hygiène du 21 mars, le Dr M. Hurni, trouve l'article du Dr N. Nicolaïdis courageux. Il l'est. Il faut en effet oser publier dans une revue scientifique un travail aussi peu documenté, reflétant plus les convictions citoyennes de l'auteur que l'état actuel de la connaissance. Il n'est pas anodin non plus de prendre le risque de ridiculiser la psychanalyse alors qu'elle a déjà tant à faire pour lutter contre les assauts des sciences dites dures. Courageux encore de parler au nom de la psychanalyse, en faisant l'impasse sur les débats qui ont occupé et occupent encore le milieu psychanalytique, au sujet de la question homosexuelle. Le point de vue, par exemple, de Freud à ce sujet est teinté d'une réelle humanité à l'endroit des homosexuels en qui il a même pu entrevoir des collègues potentiels. Vu les conditions faites à l'homosexualité au début du siècle dernier, on est là en devoir de considérer sa position comme réellement courageuse. Pour un historique des liens entre psychanalyse et homosexualité, nous vous renvoyons à l'article de Michel Tort et au livre de Kenneth Lewes.Dans son article, Nicolaïdis s'appuie de plus sur la psychanalyse pour faire de la «psychologie sociale». Cet exercice en soi intéressant nécessite toutefois une rigueur scientifique et une extrême prudence, autant de qualités dont ledit article est dépourvu.D'emblée, l'auteur nous dit respecter en tant que citoyen une ouverture envers cette minorité. Le contenu et les termes de son discours invitent toutefois plutôt au dénigrement des gays et des lesbiennes. Pour lui, le parcours sentimental des homosexuels est souvent «désastreux», ils délaissent très fréquemment un partenaire pour un plus jeune ou un plus riche... cherchent n'importe qui et à n'importe quel prix. De plus les homosexuels sont mis en comparaison avec les sectes dont la «dangerosité» est évidente. Par ailleurs leur psychopathologie menace l'individu et la cité... Cette forme de respect n'est pas sans rappeler Bergler, psychanalyste américain, considéré à l'époque par ses pairs comme un spécialiste de l'homosexualité, qui dans les années 50, parlait des homosexuels en ces termes : «Je n'ai pas de préjugés contre l'homosexualité, mais les homosexuels sont par essence des personnes désagréables, arrogantes, sournoises, couardes, soumises lorsque confrontées à l'autorité, sans merci lorsqu'elles ont le pouvoir».Ceci étant dit l'article de Nicolaïdis mérite commentaire. Quatre points me paraissent imposer un éclaircissement. Tous quatre procèdent du même principe, à savoir la volonté de travestir la réalité pour la faire coller à une théorie, en l'occurrence psychanalytique, et cela sans souci de vérifier le bien-fondé du lien qui devrait les unir. Ce faisant, Nicolaïdis prend sur lui d'affirmer :1. L'homosexuel risque de passer à des actes de violence et même de criminalité. A ce jour et à ma connaissance, il n'existe aucune étude mettant en lien homosexualité et criminalité. Par contre, il est clair que l'auto-agressivité est nettement plus présente chez les homosexuels que chez les hétérosexuels, le taux de tentatives de suicide chez les jeunes gays étant sept à huit fois supérieur à celui des garçons du même âge. Cette réalité sociale ne devrait-elle pas davantage préoccuper le thérapeute qu'est Nicolaïdis qu'une inclinaison à la criminalité et à la violence dont rien n'atteste l'existence dans les faits ?2. Les couples homosexuels ont un parcours sentimental souvent fort désastreux. Contrairement à ce qui est souvent dit, les homosexuels ne sont pas voués à la solitude et aux relations multiples et épisodiques. De nombreuses études épidémiologiques ont montré que la moitié des homosexuels vivent en couple. De surcroît dans mon étude de 98, rassemblant un collectif de 164 hommes homosexuels de 36 ans de moyenne d'âge, ceux d'entre eux qui vivaient en couple comptaient en moyenne sept ans de vie commune à leur actif. Il est indéniable toutefois que le mode de vie de ces couples diffère de celui des couples hétérosexuels. Il y aurait fort à dire sur ce sujet, mais là n'est pas le propos de ces lignes. On relèvera par ailleurs que la différence d'âge entre les partenaires d'un couple homosexuel est en moyenne plus grande que celle que l'on rencontre dans les couples hétérosexuels. Nicolaïdis pourrait, tout comme nous, y voir une tentative d'introduire de la différence dans trop de «même».3. L'homosexualité se propage... Là encore, il y a confusion. Il est indéniable que l'homosexualité est aujourd'hui plus visible que par le passé. Toutefois rien n'autorise à penser que cette plus grande visibilité s'accompagne d'une augmentation du nombre de personnes ayant des pratiques homosexuelles dans nos sociétés occidentales. On signalera ici l'étude de Schmidt (1994) qui a comparé, entre autres, les comportements homosexuels chez les adolescents d'Allemagne fédérale entre les années 70 et les années 90. Il constate que le pourcentage de jeunes gens ayant eu des relations sexuelles avec des personnes du même sexe est passé, en vingt ans, de 18 à 2%. Il fait entre autres comme hypothèse que la plus grande visibilité de l'homosexualité s'avère être un frein à ces comportements, ceux-ci étant aujourd'hui assimilés à une identité homosexuelle.Par ailleurs, il est très surprenant de voir un psychanalyste concevoir l'homosexualité en termes épidémiques (propagation), ce point de vue allant à l'encontre de l'idée que tout est joué autour d'un Complexe d'dipe inachevé. Dans ces conditions on est en droit de penser qu'une plus grande visibilité de l'homosexualité n'a pas de fonction incitative à des comportements menaçant la fécondité occidentale, mais qu'elle permet éventuellement aux homosexuels et plus particulièrement aux jeunes un épanouissement et un plus grand sentiment d'appartenance à la société. Ce n'est du reste pas la seule faiblesse de logique que l'on rencontre dans le texte de Nicolaïdis. Il y a, pour ne citer qu'un autre exemple, paradoxe, selon lui, entre le désir des homosexuels d'être reconnus dans leur différence alors qu'ils dénient et la différence des sexes et celle des générations. Il s'agit là de deux niveaux logiques différents, un clairement conscient, l'autre relevant, pour ceux et celles qui n'ont pas été analysés, de l'inconscient. On peut émettre l'hypothèse que l'auteur confond ici réalité interne et réalité externe.4. Le pire du pire des conséquences de l'homosexualité, c'est la dérive vers la pédophilie. Là encore, en admettant que la théorie soit du côté de Nicolaïdis, la réalité est tout autre. Les études à ce sujet ne manquent pas. Nous citerons ici Groth (1978) et Jenny (1994). Ces deux études confirment le fait que les abuseurs d'enfants sont dans leur très grande majorité des hétérosexuels et que les homosexuels ne sont pas surreprésentés dans les collectifs de ces études. A la décharge de Nicolaïdis, il existe bien un exemple où pédophilie et homosexualité se sont conjugées, tout au moins dans notre culture, c'est celui de la Grèce antique.En conclusion, s'il nous paraît admissible, face à l'homosexualité qu'un individu fasse siens les présupposés et a priori que l'on rencontre dans la population non informée, il est plus difficile d'admettre qu'un intellectuel, de plus spécialiste de la chose psychique, se contente dans sa réflexion d'approximations aussi grossières, lesquelles peuvent se révéler par ailleurs lourdes de conséquences : en effet, Nicolaïdis ne peut certainement pas ignorer que l'accusation de pédophilie, entre autres, ne peut que favoriser le mépris et le rejet par la société de la communauté homosexuelle. Le plus grave dans cette affaire reste que la Société Suisse de Psychanalyse, dont Nicolaïdis est un membre respecté, pour ne pas dire craint, n'a jusqu'à ce jour fait aucun commentaire sur cet article. Il faut donc en conclure que cette société, et ses membres les plus jeunes en particulier, partagent les vues de l'auteur ou alors que tout débat au sein de ce cénacle est impossible. C'est peut-être là ce que Nicolaïdis appelle une saine intégration de la différence des générations. W Bergler E. Homosexuality : Disease or way of life. New-York : Hill and Wang, 1956. Cochand P, Bovet P. HIV infection and suicide risk : An epidemiological inquiry among male homosexuals in Switzerland. Social Psychiatry and Psychiatric Epidemiology 1998 ; 33 : 230-4. Groth AN. Adult sexual orientation and attraction to underage persons. Arch Sex Behav 1978 ; 7 : 175-81. Jenny C, Roesler TA. Are children at risk for sexual abuse by homosexuals ? Pediatrics 1994 ; 94 : 41-4. Lewes K. The psychoanalytic theory of male homosexuality. New York : Simon and Schuster, 1988. Schmidt G, et al. Changes in adolescents' sexuality between 1970 and 1990 in West Germany. Arch Sex Behav 1994 ; 23 : 489-513. Tort M. Quelques conséquences de la différence «psychanalytique » des sexes. Les temps modernes, juillet-août 2000 ; 176-215.Dr Pierre CochandMédecin associéService de psychiatrie de liaisonLes Allières1011 LausanneMonsieur le Rédacteur en chef,Les articles parus dans Médecine et Hygiène n° 2339 du 21 mars 2001, en particulier ceux des Drs M. Hurni et N. Nicolaïdis, n'engagent que les convictions et les positions personnelles de leurs auteurs.A l'heure actuelle, la masse critique de nombreux travaux scientifiques publiés dans les champs médicaux et dans ceux des sciences sociales et des sciences humaines impose davantage de modestie et plus de rigueur. Les généralisations et les réductionnismes conduisent souvent à des conclusions sommaires que ne peuvent soutenir des institutions académiques.Pr Patrice GuexDépartement universitaire de psychiatrie adulteLausannePr François FerreroChef du Département de psychiatrieHôpitaux universitaires de GenèvePr Patricia RouxMme Maryvonne Gognalons-NicoletChargée de coursMme Josette Goenen-HutherMaître d'enseignement et de rechercheMme Isabelle GraessléChargée de coursUniversités de Genève-LausanneProgramme plurifacultaire/Etude GenreMme Maryvonne Gognalons-NicoletDépartement de psychiatrieUnité d'investigation cliniqueBelle-IdéeChemin du Petit-Bel-Air 21225 Chêne-Bourg Monsieur le Rédacteur en chef,C'est avec surprise et une grande déception que nous avons pris connaissance de votre revue no 2339 du 21 mars 2001 : le dossier sur le «sexoterrorisme» nous a heurtés. Le texte du Dr M. Hurni, au premier chef, est un pamphlet virulent et provocateur, qui n'a pas sa place dans une revue scientifique. Si l'on peut considérer certaines questions soulevées comme intéressantes et pertinentes, le traitement qui leur est réservé est totalement discutable, tant sur la forme que sur le fond : affirmations fallacieuses, sous-entendus, décrets et amalgames multiples, véhiculent une intolérance et une violence importante, avec comme cibles privilégiées les femmes et les personnes homosexuelles. Cette prise de position soi-disant scientifique n'engage que son auteur et fait fi de toute éthique et de toute déontologie ; par là même elle jette le doute sur l'intégrité des professionnels pris à partie, psychiatres et psychologues en particulier.Si le texte du Dr N. Nicolaïdis est moins virulent, il est tout autant pernicieux, énonçant certaines affirmations gratuites, voire scandaleuses, qu'on a pu rencontrer dernièrement dans le Nouvelliste (par une entité d'extrême droite peu recommandable).L'Association vaudoise des psychologues déplore la parution de ces articles et attend de Médecine et Hygiène une prise de position claire et définie à ce propos.Mme Elisabeth MaulazPrésidente de l'Association vaudoise des psychologuesCase postale 1011000 Lausanne 17Monsieur le Rédacteur en chef,Nous nous étonnons de la teneur outrancière des propos pour le moins apocalyptiques de trois rubriques publiées dans les colonnes de votre journal.Laissez-nous tout d'abord ressortir quelques affirmations pour le moins excessives : «les messages décervelants», «les idéaux mortifères», «les campagnes «féministes» contre les hommes». Lesquelles ? Celles contre la violence conjugale ? Ces campagnes sont faites dans le monde entier contre un phénomène que l'Organisation mondiale de la santé (OMS) qualifie de fléau, lequel coûte très cher à la communauté (coût estimé pour la Suisse des violences commises contre les femmes : plus de 400 millions de francs par année, voir l'étude de Godenzi et Yodannis).a D'ailleurs, est-ce être contre les hommes que de dire qu'un conjoint n'a pas le droit de battre sa femme comme plâtre ? Est-ce que tous les hommes considèrent la violence conjugale normale ? Non ! Et c'est fort heureux.Autre exemple, en gras et hors texte, donc valorisé par la rédaction : «encouragé par l'absence de toute réaction de milieux «autorisés», les mouvements les plus extravagants pour ne pas dire pervers laissent libre cours à leur volonté de modeler la société à leur convenance». Quels sont ces «milieux autorisés» ? De quel droit s'arroge-t-on celui d'être autorisé ? Si notre mémoire est bonne c'est vrai que nous avons été qualifiées de «décervelées» et de «perverses», mais bon ! longtemps, ces milieux autorisés ont été masculins et blancs. Et il est maintenant prouvé que tout n'était pas rose sous leur égide. Et qui sont ces mouvements pervers ? Des groupes discriminés qui luttent pour leurs droits, tels que les mouvements de femmes et d'homosexuel(le)s.Nous nous étonnons que votre journal publie sans sourciller les amalgames pour le moins étranges de Monsieur M. Hurni, lesquels suscitent l'association des féministes aux nazis. Or, que l'on sache, à cette époque, ni les femmes ni les Juifs ni les homosexuel(le)s n'étaient au pouvoir. Mais il est advenu ce que l'on sait à nombre de ces «rebelles» et autres réfractaires aux «milieux autorisés» vêtus de chemises brunes.A propos, quel est le pouvoir réel des femmes en Suisse actuellement : deux femmes sur sept conseillers fédéraux, moins d'une femme sur quatre (23,5%) membres du Conseil national en 1999, sur 100 femmes qui travaillent, 16% seulement occupent des fonctions dirigeantes, contre un tiers chez les hommes.Une chose est sûre, et nous en sommes fières, maintes féministes notoires, dont Emilie Gourd, se sont très vite engagées contre le régime nazi. Ce qui n'a pas été forcément le cas des «milieux autorisés helvétiques».Nous nous étonnons, parce que votre journal, censé faire preuve de rigueur, ouvre ses colonnes à des propos dépourvus de toute base scientifique. Nous retenons par exemple dans le texte de Monsieur N. Nicolaïdis cette phrase pour le moins opaque pour tout criminologue doué de raison : «nombre de crimes mystérieux cachent des acteurs homosexuels...» Bon !!!Nous nous étonnons que, Rédacteur en chef, vous n'ayez pas conscience de ce qu'implique la rigueur journalistique : étayer ses dires, éclairer les différentes facettes d'un sujet... Ce d'autant plus que certains journaux se réfèrent à cette rigueur journalistique et scientifique pour reprendre presque intégralement les propos de vos collaborateurs (voir les manchettes et la Une du GHI (Genève Home Informations), journal à grand tirage et gratuit distribué dans tous les ménages genevois intitulé : Rapport homme/femme ça frise le sexoterrorisme...).Pour en revenir à la rigueur de tout(e) journaliste qui se respecte, et là soyez consolé ceux du GHI n'ont pas mieux fait leur travail, il eût été tout à fait normal, si déjà vous publiez les propos de Messieurs Hurni et Nicolaïdis, non seulement de s'en distancer dans un éditorial mais encore de donner en contrepartie la parole aux personnes incriminées. Cela tomberait sous le sens s'ils avaient dénigré le travail d'un médecin connu par exemple. Cela n'est pas tombé sous le sens dès lors qu'ils s'attaquaient à des femmes, qui plus est féministes et à des homosexuel(le)s.Nous nous étonnons que vous ayez laissé passer dans ce que l'on nomme le rédactionnel des propos qui se rapprochent fortement de ceux publiés, mais payés eux, dans une page publicitaire insérée dans le «Nouvelliste» voici quelques semaines. Propos sexistes et homophobes qui ont valu une avalanche de lettres de lecteurs et lectrices outré(e)s. Certaines choses, au même titre que le racisme et l'antisémitisme, ne passent plus, même sous couvert de rigueur pseudo-scientifique en 2001, et c'est tant mieux !Nous nous étonnons enfin que vous n'ayez pas eu la présence d'esprit de vous informer sur le travail que font certaines de ces fameuses «sexoterroristes» qui ont pignon sur rue à Fribourg, à Genève, à Neuchâtel, en Valais et encore dans les cantons du Jura, de Vaud et du Tessin. Ces «sexoterroristes» sont en effet engagées par leur canton respectif pour faire appliquer et respecter l'article 8, alinéa 3 de la Constitution fédérale.b Pour s'informer, un coup de fil c'est si facile à l'heure du grand village de la communication.Mmes Nicole Golay et Marianne FrischknechtConférence latine des déléguées à l'égalitéBureau de l'égalité hommes-femmesRue des Chanoines 171700 FribourgMonsieur le Rédacteur en chef,Lectrice généralement satisfaite de la qualité scientifique des articles et des réflexions amenées par certains auteurs dans votre revue, je suis à ce jour en colère. L'an passé déjà, Monsieur Hurni nous avait fait grâce d'un article ambigu. Et voilà que vous le laissez diriger le numéro du 21 mars 2001 de Médecine et Hygiène : Monsieur Hurni nous produit un éditorial et cinq pages toujours aussi confuses et inquiétantes qui culminent dans la phrase : «l'invention par les homosexuels de l'homophobie». L'homophobie, ici, est distillée par Monsieur Hurni. Quelques pages plus tard, Monsieur Nicolaïdis vient à son aide : «les homosexuels dénient la différence des sexes et des générations» : ils ne nient rien, ils ne sont pas comme les autres et en aucun cas ne mettent la démographie en péril. Comment Monsieur Nicolaïdis peut-il prétendre que «de nombeux crimes mystérieux cachent des auteurs homosexuels» ? Quelles études cite-t-il pour prétendre : «le pire du pire c'est la dérive vers la pédophilie» ? (deux références datant de 1912 et 1949 !). Quand à la dégradation de l'estime de soi qui menace les homosexuels, elle provient directement de ce genre de discours qui ne sont en rien nouveaux, hélas ! Pensées dangereuses enrobées de concepts psychiatriques : attention la psychiatrie a aussi ses dérives terroristes !En quoi ce genre d'article fait-il progresser l'art ou la science médicale ? En quoi ce genre de discours rendra-t-il le monde meilleur ? Comment peut-on publier de telles salades dans une revue médicale sérieuse, alors que déjà dans le Nouvelliste, ça passait mal ?Dr Murielle Lasserre-BaumMédecin praticienRue Sainte-Claire 31350 OrbeMonsieur le Rédacteur en chef,Le dossier «Sexologie clinique» du n° 2339 a suscité notre consternation. C'est en tant qu'homosexuels et simples citoyens que nous vous répondons.Ces articles s'adressent à des médecins et prétendent à une certaine scientificité. Or ils ont en commun d'être traversés de préoccupations idéologiques et de reposer sur des préjugés infondés deux attitudes qui sont loin d'être scientifiques.On y trouve la théorie du complot : «les mouvements les plus extravagants pour ne pas dire pervers laissent libre cours à leur volonté de modeler la société à leur convenance». Dans les années 30, on a déjà dit cela à propos des Juifs et des Francs-Maçons.Il est question d'«une attaque aux liens sociaux, aux liens amoureux et à la sexualité» ce qui est d'une ironie cruelle quand on pense aux attaques longtemps menées contre les liens sociaux, affectifs et sexuels de la minorité gaie et lesbienne. Et pour couronner le tout, on lit que l'homophobie est une invention des homosexuels. Autant dire que l'antisémitisme est une invention des Juifs.Plus grave : l'amalgame entre homosexualité et pédophilie, cette dernière étant décrite comme une dérive de la première. Et pour affirmer que tous les homosexuels dénient la différence des sexes et des générations, on invoque un Freud qui ne s'est jamais exprimé en ces termes à propos de l'homosexualité.Et que dire de l'odieux QCM d'autoévaluation, qui donne à ces opinions subjectives une valeur de connaissances objectives qu'il faut assimiler ?Oui, notre société a un problème avec l'homosexualité, oui, il y a des homosexuels qui ne se sentent pas bien dans leur peau. L'homophobie, ils ne l'ont pas inventée, ils l'ont intériorisée et ils en souffrent. Une étude suisse récente a montré que les adolescents homosexuels sont plus nombreux à se suicider ou à tenter de se suicider que les jeunes hétérosexuels.Le fait est que la majorité des difficultés auxquelles sont confrontés les homosexuels ont pour origine les attitudes homophobes, les préjugés et les discriminations réelles (violences verbales et physiques) auxquels ils font face durant toute leur vie. Les articles en cause en sont la confirmation. Venant de la part de psychologues, médecins-psychiatres et psychanalystes, cela nous fait peur.M. Jean-Paul GuisanResponsable Accueil et CommunicationDialogai11-13, Rue de la NavigationCase postale 691211 Genève 21Monsieur le Rédacteur en chef,Nous nous référons au dossier du n° 2339 consacré à la sexologie clinique. Notre association a été étonnée et surprise de trouver dans une revue scientifique plusieurs contributions non scientifiques et pleines de préjugés à l'égard de la sexualité en général et de l'homosexualité en particulier.Lorsqu'on connaît toutes les souffrances infligées aux homosexuels pendant de trop nombreux siècles à cause de l'ignorance et de l'obscurantisme, on est inquiet de retrouver cette crainte voire cette haine des homosexuels sous la plume de ceux qui constituent l'élite scientifique de notre société.Monsieur Moël VolkenSecrétaire généralAntenne Gay SuisseZinggstrasse 16Postfach 75123001 BerneMonsieur le Rédacteur en chef,Nous avons été très choquées par les articles des Drs Hurni et Nicolaïdis parus dans votre numéro du 23 mars 2001. En tant qu'organisation nationale faîtière, représentant les femmes homosexuelles, défendant leurs intérêts et luttant pour leurs droits, nous nous devons de réagir à ces deux textes.Les propos de ces deux psychiatres sont scandaleusement homophobes. Ils devraient pourtant savoir, en leur qualité de spécialistes, que l'homosexualité a été rayée de la liste des pathologies mentales par l'Association des psychiatres américains en 1973, suivie depuis lors par l'OMS et bon nombre d'associations de psychiatres de par le monde. Or, vos deux auteurs soutiennent que l'homosexualité est un désordre psychiatrique et que les homosexuel(le)s sont par conséquent des malades (qu'il faut bien entendu «aider»).Que cela soit leur opinion personnelle est une chose, mais justifier cette position par des théories psychanalytiques en est une autre. D'autant plus que l'inacceptable interprétation (criminalité, dérive vers la pédophilie) qu'en fait le Dr N. Nicolaïdis semble plus guidée par les préjugés dans lesquels baigne notre société que par une réelle analyse des travaux de Freud.Quant à l'opinion du Dr M. Hurni à propos du féminisme, nous ne pouvons que regretter son manque de connaissance du sujet. La lutte des femmes est encore aujourd'hui légitime, dans la mesure où l'égalité n'existe trop souvent que sur le papier et non dans les faits. Il ne s'agit pas d'une «absurde et révoltante discrimination des hommes», mais d'un combat visant à ce que cessent les discriminations envers les femmes. Le fait que le Dr Hurni admette le patriarcat comme un fait établi et qu'il désire que cela reste ainsi relève encore une fois de son opinion personnelle.Nous regrettons donc, et nous en sommes étonnées, que de telles positions insultantes soient relayées par votre revue qui se veut pourtant sérieuse.Nous aimerions que notre lettre soit publiée dans votre courrier des lecteurs, non pas pour lancer une polémique mais afin qu'un autre avis puisse être lu.Mme Ariane RossiOrganisation suisse des lesbiennes LOSSchwarztorstrasse 22Case postale 4553000 Berne 14Communiqué officiel de la Société suisse de psychanalyse.Monsieur le Rédacteur en chef,Au nom de la Société suisse de psychanalyse, je vous informe que les conceptions, opinions et jugements de valeur exprimés par M. Nicos Nicolaïdis dans l'article L'homosexualité et la question de la «différence» paru dans le no 2339 de Médecine & Hygiène ne représentent pas le mouvement psychanalytique ni aucun organe de la Société suisse de psychanalyse. Par conséquent, ses propos n'engagent que lui-même.Pr Juan ManzanoPrésidentSociété suisse de psychanalyseService médico-pédagogiqueCase postale 501211 Genève 8Réponse du DrN. Nicolaïdis1Monsieur le Rédacteur en chef,Merci de m'avoir envoyé les lettres de réponse à mon article du 21 mars. Je ne peux pas répondre à chacun de vos lecteurs, qui ont interprété personnellement mes propos. Je réagis donc de façon générale à leurs argumentations et, au risque d'être répétitif, je vais souligner les axes principaux de mes réflexions de psychiatre et de psychanalyste.Ainsi je persiste et signe, en disant que dans la structure psychique et les défenses du sujet homosexuel il y a dé