Nous poursuivons ici l'analyse du rapport des conclusions de la conférence de consensus que l'Agence nationale française d'accréditation et d'évaluation en santé (Anaes) vient de consacrer aux modalités de l'accompagnement du sujet alcoolo-dépendant après un sevrage (Médecine et Hygiène du 25 avril et du 2 mai). Parmi les possibilités d'accompagnement des patients, le thérapeute doit savoir qu'il peut aussi compter avec :I L'accompagnement de l'entourage. Les situations d'alcoolisation impliquent toujours les proches de la personne dépendante à l'alcool. Les bénéfices d'une prise en charge précoce de l'entourage sont soulignés par plusieurs études. Des conséquences positives de l'accompagnement sont observées pour le maintien de l'abstinence dans les deux ans suivant le sevrage et pour l'amélioration de l'équilibre conjugal à court terme. Il ne semble pas exister de différences en termes de résultats, selon les diverses techniques utilisées. L'accompagnement peut se situer à plusieurs niveaux (information, éducation, soutien, psychothérapies individuelles, de groupe, ou familiale) tenant compte de la complexité des jeux relationnels de codépendance (au sens du DSM III R). Une vigilance particulière doit être exercée quant aux éventuelles violences intrafamiliales et maltraitance d'enfants. Pour sa part, le jury de la conférence de consensus recommande que l'accompagnement de l'entourage des patients alcoolo-dépendants «soit proposé le plus fréquemment et précocement possible.»I Thérapie conjugale et familiale. La vie conjugale est souvent mise à mal par l'alcoolisme de l'un des deux époux, il est donc important d'intervenir simultanément auprès de l'autre conjoint ou éventuellement auprès des deux membres du couple en cas d'alcoolo-dépendance conjugale. Une prise en charge psychothérapique de groupe, conjugale ou familiale, a démontré son efficacité.I Les moyens médicamenteux. Parallèlement à l'ensemble des mesures psychothérapiques et sociales qui doivent systématiquement être proposées aux patients alcooliques sevrés, on peut compter avec différents moyens médicamenteux qui font partie intégrante de la panoplie thérapeutique. Attention : leur prescription ne se conçoit qu'en association avec l'accompagnement psychosocial. Le traitement médicamenteux est une possibilité de médiation, facilitant le début de la prise en charge. Plusieurs études scientifiques ont cherché à évaluer leur efficacité. Leur interprétation est rendue difficile par le nombre important des perdus de vue, la durée limitée de la période d'observation (de 3 à 12 mois) et un suivi de sujets exclusivement issus de centres spécialisés.Deux médicaments visant à réduire l'appétence pour l'alcool peuvent aujourd'hui être proposés : l'acamprosate et la naltrexone. «Leur efficacité a été démontrée, mais s'avère modérée, voire controversée, y compris chez les sujets compliants. En l'absence d'études comparatives, il est impossible de déterminer l'efficacité relative et la place de chaque produit» peut-on lire dans les conclusions. Pour l'acamprosate, la durée du traitement recommandée par l'AMM est d'un an à la posologie de 6 comprimés par jour, pour un poids supérieur à 60 kg et de 4 comprimés pour un poids inférieur à 60 kg. Quelques études randomisées ont montré à trois mois et à un an un effet positif. Les effets indésirables sont limités. La diarrhée en est le principal et elle est dose dépendante. Il n'y a pas de caractère prédictif d'un sous-groupe de patients répondeurs. Pour la naltrexone, la durée du traitement recommandée par l'AMM est de trois mois. Rien ne permet de déterminer la durée optimale du traitement. La posologie est d'un comprimé par jour. Les effets indésirables les plus fréquemment rencontrés sont des nausées et des céphalées. La naltrexone ne doit jamais être utilisée chez des sujets en état de dépendance aux opiacés. Deux études randomisées contre placebo ont démontré une efficacité en termes d'amélioration d'abstinence en réduisant l'envie compulsive de boire (craving).Quant à l'effet antabuse (induit par le disulfirame), les membres du jury soulignent qu'«il n'y a pas d'indication pour l'induction volontaire, par le thérapeute, de crises aversives» et que «cette pratique ne saurait être recommandée.» «Son utilisation provoque chez le sujet consommant de l'alcool, une réaction très désagréable, faite de sensations de malaises avec anxiété et troubles neuro-végétatifs. Des réactions graves ont été décrites pouvant aller jusqu'au coma, au collapsus cardiovasculaire, voire au décès, soulignent les auteurs du rapport de l'Anaes. Lors du traitement, des complications graves comme des hépatites fulminantes, des réactions neuro-psychiatriques, des névrites optiques et des neuropathies ont été décrites. Le nombre d'études contrôlées est faible, elles ne plaident pas en faveur de son utilisation dans le maintien de l'abstinence.»En revanche, la consommation d'alcool, à la fois en quantité et en fréquence, est moindre chez les patients qui font l'expérience d'une réaction antabuse. «La prise de position par rapport au traitement antabuse est plus complexe qu'il n'y paraît, soulignent les membres du jury. La littérature livre peu d'arguments en faveur de son efficacité. Il ne fait plus partie du traitement de première intention, compte tenu du rapport bénéfices-risques défavorable et doit être réservé à des traitements ponctuels dans des situations ciblées.» Le jury demande que soient disponibles des enquêtes de pharmacovigilance conduites avec le disulfirame. Il rappelle que de nombreuses autres thérapeutiques médicamenteuses empiriques sont encore utilisées. Or, elles ne font l'objet d'aucune évaluation et, de ce fait, ne sauraient être recommandées. D'autres possibilités thérapeutiques sont en cours de développement.Au total, le traitement médicamenteux «intervient en complément de la prise en charge psychosociale et repose actuellement essentiellement sur l'acamprosate et la naltrexone.» Il apparaît d'autre part nécessaire de mettre en place des essais contrôlés pour l'analyse du maintien de l'abstinence à moyen et à long terme ; de la comparaison de l'efficacité et de tolérance des différents produits ; de la place respective de chaque produit selon la typologie des patients et des comorbidités ainsi que de la tolérance et de l'efficacité des bithérapies associant acamprosate et naltrexone. (A suivre) W