La lévodopa, introduite il y a 28 ans, a été responsable du premier «effet Lazare» sur les patients parkinsoniens. Les complications à long terme du traitement, fluctuations motrices et non motrices «on-off», allaient progressivement remettre en question cet enthousiasme. Au début des années 90, la compréhension du déséquilibre d'activité entre les voies striato-pallidales interne directe (activatrice) et indirecte (inhibitrice) allait permettre une nouvelle approche de la thérapeutique du patient parkinsonien au stade avancé de la maladie. La stimulation sous-thalamique, qui a actuellement la faveur de la majorité, permet un second «effet Lazare», pour les parkinsoniens avancés, traitant tous les symptômes de la maladie de Parkinson à hauteur de la meilleure efficacité de la lévodopa, sans fluctuations, et, dans les meilleurs des cas, sans médication antiparkinsonienne. Quant à savoir si les greffes de cellules souches pourront un jour être la cause d'un troisième «effet Lazare», la réponse est dans l'avenir.
Vers la fin des années 60, Ehringer, Birkmayer et Honykiewicz,1,2 utilisant les travaux de Carlsson, le Prix Nobel 2000, trouvent qu'un déficit en dopamine est responsable des symptômes de la maladie de Parkinson. En 1967, Cotzias3 sera le premier à essayer une substitution de ce neurotransmetteur par la lévodopa, résultant en un «effet Lazare» de courte durée après une dose de quelques grammes de ce précurseur de la dopamine, synthétisé par Hoffmann-La Roche. Cette expérience a bien été reprise au cinéma dans le film «Awakenings», tiré du best seller américain d'Oliver Sacks. Ce n'est qu'après la découverte du bensérazide, inhibiteur de la décarboxylase périphérique sanguine, que la dose de lévodopa a pu être réduite par 100, rendant le traitement applicable aux patients. C'est ainsi qu'apparut la première «lune de miel», étape bien spécifique de la phase initiale de l'instauration de la médication où le patient recouvre quasi entièrement de ses symptômes, même s'il lui arrive d'oublier sa médication. Ceci ravala les techniques chirurgicales de l'époque (thalamotomie de Hassler et Riechert,4 pallidotomie de Svennilson,5 campotomie et subthalamotomie de Spiegel et Andy6,7) à une période glaciaire. Toutefois, l'optimisme de cette révolution thérapeutique fut bientôt limité par la découverte des effets à moyen et à long terme de la substitution de la lévodopa. En effet, les patients commençèrent progressivement à présenter, en moyenne 4-6 ans après le début du traitement, plus rapidement chez les jeunes que chez les patients âgés de plus de 70 ans, des fluctuations de la réponse à la médication sous forme de phénomènes de fin de dose (akinésie matinale, «wearing off» ou diminution de la durée de l'effet bénéfique) et des alternances, progressivement d'abord rythmées par les prises de leurs comprimés, puis de plus en plus rapides et imprévisibles, de moments de blocages sévères alternant avec des périodes de dyskinésies grotesques appelées fluctuations on-off.
Les limites du traitement médicamenteux ont dès lors entraîné l'apparition de nouvelles formes galéniques de lévodopa permettant une biodisponibilité meilleure et un taux sanguin plus prolongé, en association avec des agonistes dopaminergiques, mais le succès de cet ajustement ne fut que limité. Vers la fin des années 90, les techniques neurochirurgicales lésionnelles qui s'étaient affinées en précision et en performance regagnèrent progressivement leur place, notamment la lésion thalamique Vim pour le tremblement et la pallidotomie interne, redécouverte par Laitinen en 1992,8 et dont la pratique est encore en cours aux Etats-Unis de façon unilatérale, avec un succès qui porte surtout sur les dyskinésies, mais limité par l'impossibilité de pratiquer des interventions plus efficaces bilatérales sans troubles dysathriques et cognitifs sévères.9 La meilleure connaissance de la physiopathologie des noyaux gris centraux10 a permis d'individualiser un déséquilibre entre les voies striato-pallidales interne directe (activatrice) et indirecte (inhibitrice) via le noyau sous-thalamique, en faveur de la voie indirecte inhibitrice dans le syndrome parkinsonien. Ce déséquilibre, s'exprimant par une hyperactivité des neurones du pallidum interne et du noyau sous-thalamique, responsable de l'inhibition de l'efférence finale thalamo-corticale est la cause du freinage de l'activité motrice observée dans la maladie. La découverte par Bénabid11 de l'effet inhibiteur de la stimulation à haute fréquence sur les neurones des régions initialement lésées, a ouvert la porte à un traitement révolutionnaire, que l'on connaît actuellement sous le terme de stimulation cérébrale profonde. En effet, cette stimulation à haute fréquence permet de freiner de façon réversible et régulable l'hyperactivité des structures cérébrales désinhibées : noyau sous-thalamique, pallidum interne, noyau Vim thalamique). Parce que quasi atraumatique, cette technique est applicable bilatéralement à moindre risque, adaptable, selon les paramètres choisis, aux déficits et à l'évolution de ceux-ci dans le temps, et hautement performante à long terme (7-10 ans selon les cibles). Actuellement, après quelques années d'expérience, la stimulation thalamique Vim11 reste uniquement réservée aux tremblements non parkinsoniens, la stimulation pallidale découverte par Siegfried en 1994,12 bien qu'efficace, surtout sur les dyskinésies, nécessite le maintien du traitement et laisse apparaître, dès deux ans, des signes d'échappement progressif,13 ce qui laisse la stimulation sous-thalamique14 le traitement de choix actuellement reconnu par la plupart des équipes médico-chirurgicales de la maladie de Parkinson au stade évolué en phase de fluctuations on-off. En fait, dans les meilleurs cas, tous les symptômes de la maladie (tremblement, rigidité, akinésie-bradykinésie, troubles de la posture et de la marche, douleurs) sont traitables par cette méthode, avec un effet similaire à la meilleure réponse que le patient connaît avec la L-dopa, et avec disparition totale des fluctuations. Ce nouvel «effet Lazare», permet de faire retourner le patient du stade des fluctuations on-off à la phase initiale de «lune de miel» du début de son traitement, sans fluctuations, fait d'autant plus remarquable que ceci est possible sans médication chez 60% de nos patients, ou chez les autres avec une médication moyenne réduite de 75% de sa dose totale, une diminution moyenne de 90% des dyskinésies et des blocages, de 70% des douleurs off et une amélioration de 70-90% du score moteur. Les effets secondaires en dehors du risque de 1% d'hématome (avec hémiplégie et aphasie) et de 1% d'infection du matériel implanté, sont essentiellement des troubles de l'articulation, de l'humeur, de l'ouverture des paupières, une instabilité posturale et une prise de poids de 4-5 kg, mais pas de changements cognitifs significatifs. Il convient toutefois de mentionner qu'aucune étude randomisée et contrôlée en double-aveugle n'a été pratiquée jusqu'à présent, quel que soit le type d'opération effectuée, et l'évaluation du suivi pour ces stimulations sont de plus de dix ans pour le tremblement et de sept ans pour la stimulation sous-thalamique du parkinsonien.
Les critères actuellement reconnus pour opérer les patients sont : 1) une maladie de Parkinson d'une durée minimale de cinq ans selon certains groupes, au stade des fluctuations motrices sévères avec échappement aux ressources thérapeutiques pharmacologiques ; 2) une absence de démence ; 3) une IRM cérébrale normale et 4) une absence de comorbidité importante. Un contexte social et professionnel, un âge jeune et l'absence d'un autre pace-maker cardiaque sont souhaitables. Une évaluation cognitive et psychiatrique pré-opératoire est réalisée dans notre centre et des tests pharmacologiques évaluant la réponse au traitement médicamenteux (l'amélioration des scores moteurs doit être de plus de 25%) sont généralement exigés. La mise en place des électrodes se fait en anesthésie locale sous repérage IRM, parfois ventriculographie et électrophysiologie peropératoire avec enregistrement cellulaire et stimulation. La mise en place du matériel de stimulation se fait dans un deuxième temps opératoire, après essai avec un matériel externe provisoire sur quelques jours, par internalisation sous-cutanée du système en anesthésie générale de courte durée. La nécessité de réglages fréquents au début, puis plus espacés est une contrainte pour le patient qui ne doit pas attendre un résultat optimal immédiat, celui-ci pouvant parfois être différé d'un à trois mois après l'intervention.
En comparaison, les données actuellement disponibles de la stimulation pallidale permettent une amélioration moyenne de 40% du score moteur, moins bonne que la stimulation sous-thalamique notamment pour ce qui est de l'akinésie, de la rigidité et du tremblement, mais supérieure pour les dyskinésies, mais nécessite de garder la même dose de médication antiparkinsonienne, voire de l'augmenter. Les effets secondaires sont essentiellement des flashs visuels lors des changements de paramètres, vu la proximité du tractus optique, une dysarthrie, des paresthésies, une réduction de la fluence verbale et des dyskinésies. Le taux de complications est le même que pour la stimulation sous-thalamique, mais l'effet semble se neutraliser progressivement après deux ans.13
Après les travaux de Dunnett chez l'animal en 1991,15 des greffes neuronales ont été tentées chez l'homme. Il s'agissait d'abord d'autogreffes de surrénales pratiquées par Madrazo16 au Mexique à la fin des années 80, dont les résultats se sont montrés décevants, le tissu greffé ne survivant pas et l'intervention n'amenant qu'une amélioration marginale des déficits. Des greffes de cellules ftales dopaminergiques sont initialement plus prometteuses. Elles nécessitent toutefois quatre à huit ftus, avec les difficultés éthiques y relatives. La preuve de leur survie est toutefois révélée par le PET-scan à la fluorodopa, qui révèle une augmentation de la captation du radiotraceur dans la région greffée, et la preuve de la survie et de la colonisation du tissu est apportée par l'analyse du cerveau de patients décédés.17 Après une latence de trois mois environ, maximale à un an, le traitement immunosuppresseur n'étant pas nécessaire, l'amélioration commence à se porter après une phase d'aggravation initiale avec recrudescence des dyskinésies.17,18,19 Des épisodes confusionnels ou dépressifs sont reportés, de même que des hématomes et des infections ou des syndromes frontaux. Actuellement avec un recul de cinq ans, l'amélioration des scores moteurs et des fluctuations est inférieure à celle de la chirurgie, de l'ordre de 40% d'amélioration des scores moteurs et des fluctuations, mais deux patients sont sans fluctuations et sans traitement en Suède18 alors qu'une étude récemment parue en double-aveugle, conduite aux Etats-Unis, a montré des résultats catastrophiques avec perte de contrôle de la croissance du tissu greffé entraînant d'importantes dyskinésies et des troubles psychiatriques.20
Les greffes de cellules ganglionnaires sympathiques stellaires, de cellules paraganglionnaires, les xénogfreffes porcines, de cellules souches génétiquement manipulées, de facteurs de croissance neuronaux ou de cellules encapsulées sont encore dans leurs stades précliniques. La technique des greffes de cellules souches est cependant celle qui retient actuellement l'attention des centres les plus à l'avant-garde de par le grand potentiel de leur effet, et pourrait être à l'origine d'un troisième «effet Lazare» chez les parkinsoniens, dont le point d'impact serait la restauration et non plus la substitution ou la correction électrophysiologique des déficits.
En conclusion, après un premier «effet Lazare» à la fin des années 60, avec l'introduction de la lévodopa, les malades parkinsoniens souffrant de fluctuations «on-off» bénéficient depuis quelques années d'un nouvel «effet Lazare» grâce à la stimulation sous-thalamique. Il est possible que le futur des thérapies avec les cellules souches, ou la thérapie génique vectorisée par des virus neurotropes inactivés transforme encore une fois leur espoir dans la même amplitude.