La consultation médicale avant un voyage comporte une revue de la couverture vaccinale du voyageur et l'évaluation des besoins en matière de vaccins selon le type de voyage et la destination considérée. Le praticien doit établir des priorités en fonction des risques, de l'efficacité des vaccins et bien souvent du temps disponible avant le départ, un exercice souvent difficile. Cet article discute des différents critères à inclure dans l'évaluation de chaque situation individuelle de prescription vaccinale. La consultation médicale avant un voyage est une excellente occasion à saisir pour donner une information de qualité sur les vaccins nécessaires au voyage et ceux recommandés de façon plus large en Suisse.
La consultation médicale avant un voyage comporte une revue de la couverture vaccinale du voyageur et l'évaluation des besoins en matière de vaccins selon le type de voyage et la destination considérée. Toujours plus de voyageurs visitent des pays tropicaux dans lesquels certaines maladies transmissibles restent largement prévalentes.
Les conditions épidémiologiques rencontrées sur place varient continuellement. Par exemple, le programme d'éradication de la poliomyélite lancé par l'OMS et appuyé par le Rotary Club et d'autres donateurs, a vu un nombre croissant de pays déclarés sans polio, pour lesquels une dose de rappel de vaccin n'est plus nécessaire. La méningite à méningocoque, endémique dans de nombreux pays d'Afrique subsaharienne, prend régulièrement des dimensions épidémiques nécessitant alors une vaccination plus large des voyageurs, d'où l'importance de rester informé sur l'évolution des conditions épidémiologiques locales en consultant les médecins ou les centres experts en médecine des voyages, ou les sites internet en rendant compte régulièrement (cf. article de P. Bovier).
Par ailleurs, le nombre de vaccins disponibles augmente, couvrant un nombre croissant de maladies, incluant des combinaisons de vaccins et des spécialités nouvelles (tableau 1).1,2 Devant cette abondance, le praticien ne sait bien souvent plus lequel proposer au voyageur. Parallèlement, de nombreuses personnes s'inquiètent des possibles effets secondaires et questionnent l'utilité même des vaccinations. Dès lors, il est essentiel que le praticien soit bien informé des indications, des risques de contracter la maladie concernée par le vaccin, de l'efficacité du vaccin et des possibles effets secondaires, afin de pouvoir conseiller de façon éclairée le voyageur. Le vaccin devient-il alors une nécessité ou un luxe ?
Si quelqu'un est malade, qu'il souffre et s'inquiète de la tournure que prend la maladie, dans la majorité des cas, le médecin n'a pas trop de difficulté à faire accepter un traitement à son patient. Le patient est même prêt à supporter d'éventuels effets secondaires liés à un traitement qui va le guérir ou permettre d'équilibrer sa maladie. Lorsqu'il s'agit de proposer une vaccination, on se trouve dans le domaine de l'anticipation, des probabilités et de la prévention d'éventualités, mais dont on n'est pas certain qu'elles vont effectivement se produire. Vacciner, c'est arriver à convaincre quelqu'un en bonne santé de se protéger contre une maladie à laquelle il peut être exposé, sans qu'on soit sûr que cette personne la contractera si elle n'est pas vaccinée, tout en sachant que cette vaccination peut provoquer des effets indésirables ! Pas facile ! Impossible de convaincre sans être soi-même convaincu de l'utilité de cet acte. Pour cela, il est incontournable d'être correctement informé pour avoir une opinion éclairée. Dans de nombreux secteurs de prévention (arrêter de fumer ou de boire, vaccination contre la grippe, mesures de réduction des facteurs de risque cardiovasculaires) la conviction du médecin est un facteur clé dans la mise en application de la mesure considérée.
La décision devrait se prendre en pondérant les risques et les bénéfices de la vaccination. Elle est le fruit d'une évaluation par le médecin qui va recommander ou non le vaccin. Elle résulte également de l'attitude et de la demande du voyageur, de sa perception et du degré de prise de risque acceptable pour lui. Il y a donc dialogue et négociation afin d'aboutir à une décision acceptée par le patient et le médecin. Ce processus est important. Il responsabilise le voyageur par rapport à la prise de risque et à l'acceptation de la mesure préventive, en l'occurrence le vaccin. Il permet également de renforcer les liens de confiance nécessaires entre le médecin et son client. Divers facteurs vont influencer le choix des vaccins recommandés (tableau 2).
En langage épidémiologique, les risques se mesurent essentiellement en termes de morbidité et de mortalité. Pour une population donnée de voyageurs, combien vont être atteints par une certaine affection et combien risquent d'en mourir ? Ces questions se déclinent en fonction de la durée du voyage, la destination, de l'âge de la population concernée, de son comportement, des conditions et de l'environnement de ce voyage, des activités menées, etc. Au cours de ces quinze dernières années, de nombreuses études ont été menées pour cerner avec plus de précision le risque de contracter telle ou telle affection. Il s'agit d'études basées sur des questionnaires remplis par des voyageurs après leur retour, d'études de cohortes de personnes résidant plus longtemps sur le terrain (volontaires, missionnaires) ou encore d'enquêtes menées par compilation des cas d'une certaine affection, déclarés à une instance nationale, rapportés au nombre de voyageurs sur une période donnée. Ces travaux permettent d'aborder de façon plus objective cette notion de risque, et à mesure que de nouvelles études se diversifient et se concentrent sur certains types de voyageurs, de voyage ou de localisation, la quantification du risque s'améliore.
L'évolution épidémiologique locale peut se modifier selon les saisons. Par exemple, l'encéphalite japonaise est transmise essentiellement pendant la mousson dans le nord de l'Inde et au Népal ou au Vietnam. Sa transmission est répartie sur toute l'année plus au sud comme en Indonésie où la saisonnalité des pluies est moins marquée. Il en va de même de l'encéphalite à tiques, qui suit l'activité de ces arthropodes et présente deux pics de transmissions au printemps et en automne dans les régions d'endémie (Autriche, est de l'Europe, côte balte de la Suède). La transmission peut passer d'un mode endémique à épidémique localisé ou plus généralisé. C'est le cas de la méningite à méningocoque dans les pays sahéliens d'Afrique sub-saharienne. Classiquement endémique dans cette région d'Afrique, la méningite présente des cycles épidémiques à intervalles plus ou moins réguliers de huit à dix ans, bien que ces dernières années la fréquence des épidémies ait augmenté. Dans ces conditions, le risque augmente sérieusement, avec une incidence mensuelle passant de 0,04 à 200 pour 100 000 voyageurs non vaccinés.3 Le choléra est également endémique dans de nombreuses régions du globe et peut présenter des pics de transmission épidémiques, particulièrement lors de mouvements de populations importants ou de catastrophes naturelles. Toutefois, le risque de contamination des voyageurs reste très réduit, avec une incidence mensuelle de l'ordre de 0,2 à 13 cas pour 100 000. Les divers systèmes de surveillance épidémiologiques mis en place par l'OMS ou les CDC permettent de renseigner de plus en plus rapidement avec plus précision le praticien via divers sites internet ou publications.
Des études épidémiologiques plus spécifiques commencent à être disponibles, surtout en ce qui concerne le paludisme.4,5 Elles se concentrent sur un pays ou un lieu touristique très visité comme le parc Kruger en Afrique du Sud. Par ailleurs, de plus en plus de pays disposent de moyens plus performants pour identifier les régions à plus haut risque à l'intérieur du pays. On sait bien que le risque de contamination peut varier énormément d'un lieu à un autre, même d'un hôtel à un autre, comme récemment illustré pour la diarrhée du voyageur.6 Il est à espérer que dans un avenir pas trop lointain on puisse disposer d'une cartographie de plus en plus précise des zones à risques, comme cela est en train de se réaliser pour le paludisme.7 Toutefois, il s'agit de rester prudent et de ne pas devenir trop restrictif dans les indications à la vaccination, compte tenu des variations saisonnières et annuelles de la transmission, et des modifications d'itinéraires toujours possibles des voyageurs.
Entrent également en ligne de compte les caractéristiques de la maladie considérée. Quelle sévérité ? Quel taux de létalité ? Quels risques de complications avec séquelles ? L'attitude vis-à-vis de la rage, une maladie 100% mortelle ou de la fièvre jaune avec 30% de létalité, n'est pas identique à celle se rapportant à une affection à très faible mortalité (hépatite A). Le risque de séquelles est également à prendre en compte. Chacun connaît le risque de complications neurologiques de la poliomyélite, de l'ordre d'un cas de paralysie sur plus de cent infections. L'encéphalite japonaise comporte également un risque de séquelles neurologiques non négligeable.
L'existence d'un traitement efficace ou d'une vaccination post-expositionnelle peut entrer en considération dans l'évaluation de l'indication à la vaccination. C'est par exemple le cas de la fièvre typhoïde. Encore faut-il s'assurer que l'accès au traitement soit assuré et que le voyageur soit informé de l'urgence à instaurer un traitement rapidement et donc consulter un médecin. Les évaluations de l'utilisation d'un traitement de secours contre le paludisme ont montré qu'en cas de fièvre, les voyageurs attendent passablement avant de prendre leur médicament ou de consulter un médecin.8 Aussi est-il prudent d'offrir une protection par un vaccin et de ne pas compter uniquement sur un traitement en cas de maladie. Il en va un peu de même pour la rage. Une vaccination pré-expositionnelle de trois doses avant le départ permet d'éviter en cas de morsure l'injection de gammaglobulines et réduit le nombre de doses de vaccin à administrer. A ce propos, il faut savoir que, dans de nombreux pays, les gammaglobulines antirabiques d'origine humaine ne sont pas disponibles. Seules des gammaglobulines d'origine animale, comportant un risque de réactions anaphylactiques important sont trouvées localement. Les vaccins modernes hautement immunogènes et purifiés contre la rage, ne sont également pas toujours disponibles localement. On a donc largement avantage à proposer une vaccination avant un long voyage, particulièrement lorsqu'il est effectué dans des conditions à risque (vélo, randonnées) dans des régions isolées.
Certains voyageurs sont également plus à risque que d'autres, souffrant d'une maladie chronique, d'une immunité diminuée ou à risque accru de complications selon l'âge (personne âgée ou le jeune enfant). Par exemple, les personnes porteuses d'une hépatite C chronique sont à plus haut risque de développer des complications sévères s'ils contractent une hépatite A.9 La vaccination est plus que recommandée. Une personne splénectomisée ou présentant certains déficits du complément est à plus haut risque de contracter une infection à pneumocoque ou à méningocoque. Dans ces cas, vacciner est primordial.
L'accès facile à des services de santé de qualité peut jouer également un rôle important dans l'estimation du risque et donc de la décision de vacciner. Ceci est particulièrement important pour des voyageurs présentant une maladie chronique.
A l'heure actuelle, on dispose de vaccins très efficaces (tableau 3). En tête de liste vient le vaccin de la fièvre jaune. Avec une seule injection, la protection conférée est de l'ordre de 99% et cela pour dix ans. Son efficacité est telle que toute personne vaccinée peut être considérée comme protégée et non porteuse du virus, une des raisons pour laquelle ce vaccin est régi par le règlement sanitaire international. Le vaccin contre l'hépatite A est également très efficace, avec plus de 95% après une dose et 99% après deux doses. La protection conférée s'étend sur plus de dix ans, probablement jusqu'à vingt ans selon les projections calculées à partir de la persistance des taux d'anticorps. Le vaccin contre l'hépatite B a également une efficacité supérieure à 90%.
De façon générale, les vaccins contre les affections bactériennes sont moins efficaces que ceux contre les affections virales. Les vaccins bactériens tels que la typhoïde ont une efficacité de l'ordre de 70%, celui contre la méningite à méningocoque de 75 à 90%. En ce qui concerne ce dernier, il ne confère pas de protection contre le sérogroupe de type C chez les enfants de moins de deux ans, un groupe d'âge qui peut être touché par la maladie. Un nouveau vaccin conjugué, utilisé à large échelle au Royaume Uni, confère une meilleure protection chez les enfants de moins de deux ans.10 L'efficacité du vaccin contre la fièvre typhoïde démontrée chez des populations vivant en zone d'endémie, est encore discutée chez les voyageurs.11 Malgré une efficacité relativement faible, mais démontrée contre les formes miliaires ou méningées, le BCG, longtemps abandonné dans les pays anglo-saxons et dans de nombreux pays d'Europe, retrouve certaines indications non seulement auprès des enfants séjournant longtemps dans des zones d'endémie, mais également chez des expatriés humanitaires travaillant dans des conditions à haut risque de contracter une tuberculose multirésistante par exemple, les délégués du CICR visitant des prisons. Enfin, les nouveaux vaccins contre le choléra, plus performant et mieux tolérés, offrent des perspectives nouvelles dans le contrôle de la maladie.
La durée de la protection conférée joue également un rôle non négligeable dans la décision de vacciner. Certains vaccins comme celui de la fièvre jaune ou celui de l'hépatite A protègent pour plus de dix ans. La durée est même plus longue après les cinq doses de vaccin pendant l'enfance contre la polio ou le tétanos, ou à vie après les deux doses contre la rougeole. Pour l'hépatite B, il en va de même après les trois injections de base. Les vaccins contre la méningite ou la typhoïde ont une durée de protection plus brève et nécessitent des rappels.
Le tableau 3 résume pour différentes maladies leur incidence chez les voyageurs et l'efficacité des vaccins disponibles pour les prévenir.
Avec la vaccination généralisée pour les maladies dites d'enfance et la quasi-disparition de ces affections dans les pays industrialisés, la perception du risque de la maladie et de ses conséquences s'est largement modifiée. Le grand public ne sait plus ce qu'est la diphtérie ou même la poliomyélite. Ces maladies qui faisaient des ravages il n'y a pas si longtemps ne sont plus perçues comme un risque réel par beaucoup. La crainte s'est déplacée de la maladie et de ses conséquences vers les risques liés aux vaccins : risques d'effets secondaires, risques de provoquer des pathologies de type auto-immun, risque de contamination, craintes d'«affaiblir» le système immunitaire, etc. Les maladies ayant disparu, l'amélioration de la sécurité des vaccins retient l'essentiel de l'attention. C'est une réalité et il faut à tout prix en tenir compte. Substances biologiquement actives destinées à créer une réaction immune, par définition, les vaccins ne sont pas inertes. Dès lors, des effets secondaires peuvent se manifester. Le plus souvent il s'agit d'une réaction localisée, liée à l'injection (douleur) ou au produit (induration, rougeur).12 Les adjuvants destinés à augmenter la réaction immunogène du vaccin comme par exemple les sels d'aluminium, créent une inflammation locale sensible. On peut également assister à une réaction systémique de type myalgies ou fièvre. L'administration simultanée de plusieurs vaccins augmente la fréquence d'effets secondaires.13 Dans une étude portant sur 984 voyageurs vaccinés, la proportion de personnes rapportant une réaction locale passe de 45% après une injection à 78% après trois injections ou plus, et de 25% à 70% pour une réaction générale. Dans la majorité des cas, il s'agit de réactions de type fatigue, malaise, céphalées, fièvre, douleurs articulaires. Quatre personnes (0,53%) rapportent avoir dû limiter leurs activités. Concernant la sclérose en plaques et le vaccin de l'hépatite B ou l'autisme et celui contre la rougeole, des études récentes montrent l'absence d'évidence scientifique dans cette supposée association.14,15Malgré l'absence de confirmation de ces craintes, les risques liés à la vaccination préoccupent un nombre important de personnes, bien souvent des personnes au niveau de formation et d'éducation élevé. Un gros travail de communication et d'information reste à accomplir dans ce domaine, tout en développant en parallèle des vaccins de plus en plus sûrs. Des efforts importants ont déjà été accomplis en la matière. Informer le voyageur de la possibilité d'effets secondaires liés à la vaccination est essentiel et doit être pesé avec les bénéfices attendus.
Le coût des vaccins en médecine des voyages n'est pas négligeable. Au moment d'un départ en voyage, il y a souvent addition d'une remise à jour des vaccinations de routine qui ont été négligées depuis des années, auxquelles viennent s'ajouter des vaccinations spécifiques liées au voyage lui-même. Pour un voyage de longue durée en Asie, lorsqu'on additionne la mise à jour DiTe, polio, parfois ROR, puis la vaccination contre l'hépatite A et B, la typhoïde, l'encéphalite japonaise, la rage, voire un test de mantoux, la facture s'élève rapidement, sans compter les médicaments contre le paludisme et la diarrhée. Les dépenses engendrées par les vaccins avant un voyage peuvent compter de façon significative dans les dépenses globales d'un voyage.
Les quelques analyses coûts bénéfice ou coût efficacité effectuées ont montré un coût élevé par maladies ou par décès évités par la vaccination.16,17 Plus intéressante est l'estimation du nombre de vaccinations nécessaires pour éviter un cas de maladie (NNT ou number needed to treat).Le tableau 3 résume les données correspondant à chaque vaccin. On observe une grande variation entre les différents vaccins, liée à la fréquence de la maladie et à l'efficacité du vaccin. Le nombre de vaccinations pour un cas évité varie de 170 pour l'hépatite A à plus d'un million pour des maladies avec une incidence très faible comme la méningite en période non épidémique ou la fièvre jaune. En période épidémique de la méningite, le résultat devient bien meilleur, soit 560 vaccinations pour éviter un cas de méningite. Par rapport aux interventions menées dans d'autres domaines de la prévention, comme la réduction des facteurs de risques cardiovasculaires, les résultats de l'ordre de quelques centaines obtenus pour les vaccins sont tout à fait performants.
Si l'estimation du risque et des bénéfices de la vaccination, l'efficacité du vaccin considéré et sa durée de protection jouent un rôle clé, d'autres paramètres d'ordre pratique modulent également la décision de vacciner. Bien souvent le voyageur se présente quelques jours seulement avant le départ, rendant l'administration de plusieurs doses successives d'un vaccin comme celui de l'hépatite B impossible. Les schémas de vaccination courts sont certes très utiles. C'est le cas de l'hépatite B, l'encéphalite japonaise ou la rage pour lesquelles trois doses peuvent être administrées en moins d'un mois (0, 7, 21-28 jours). Mais bien souvent ce délai de trois semaines est dépassé et une sélection plus restrictive doit être faite. On va alors favoriser les vaccins obligatoires comme la fièvre jaune et ceux dont l'efficacité et la durée de protection sont les meilleures. Rares sont les voyageurs qui ne voyagent qu'une fois ! La majorité récidivent et de ce fait vacciner a aussi un aspect d'investissement utile pour le voyage suivant. Ainsi, on peut proposer au voyageur de commencer une vaccination contre l'hépatite B à l'occasion de cette première visite et de la poursuivre après son voyage. Pour l'hépatite A, le vaccin a remplacé les gammaglobulines, même quand le voyageur vient quelques jours avant son départ. L'objectif est double : vacciner pour débuter une vaccination à compléter plus tard par une deuxième dose, et offrir une couverture pour le voyage. En effet, la protection est déjà effective dans la semaine qui suit l'injection.
L'attitude du voyageur joue également un rôle dans la décision. Certains sont d'emblée réfractaires et ne demandent que le strict minimum. D'autres au contraire veulent se protéger contre tout et ne prendre aucun risque. Dans les deux cas de figure, le praticien doit informer, moduler, négocier dans un sens ou dans l'autre pour arriver à un compromis reflétant la nécessité en relation avec les risques encourus et non exclusivement la perception du voyageur concerné.
Rappelons enfin que la vaccination lors d'un voyage est une excellente occasion pour faire le point sur les vaccinations de routine recommandées en Suisse (DiTe, polio, ROR, hépatite B). La majorité des voyageurs sont réceptifs aux vaccins lorsqu'ils partent en voyage. Rappeler l'importance de la vaccination contre la grippe ou le pneumocoque pour les personnes de plus de 65 ans ou présentant une maladie chronique est important.
Les difficultés d'évaluation des risques et l'incertitude liée à toute décision médicale ne doivent pas nous faire oublier les bénéfices des vaccinations. Tout d'abord les vaccins restent une des interventions médicales préventives avec le meilleur rapport coût-efficacité. Le coût des vaccins utilisés en routine est bien inférieur au coût du traitement des maladies auxquelles ils se rapportent. Leur utilisation large permet de réduire, voire de faire disparaître de nombreuses maladies telles que la rougeole, le tétanos, la poliomyélite ou la diphtérie. Toutefois, une bonne couverture vaccinale doit être maintenue au risque de les voir resurgir. De nombreux exemples illustrent cette réalité : épidémie de poliomyélite dans une communauté religieuse hollandaise non vaccinée en 1992, forte progression de la coqueluche en Angleterre dans les années 70 liée à une diminution de la couverture vaccinale, réduction des cas de méningite à H. influenzae depuis l'instauration de la vaccination dans le schéma de vaccination de routine des enfants. La circulation de nouvelles souches (W135) de méningocoques lors du pèlerinage de la Mecque en mars-avril 2000 a causé plus de 250 cas de méningite en Arabie Saoudite et plus de 100 cas dans 14 pays d'où venaient les pélerins, alors que grâce à la vaccination rendue obligatoire suite à l'épidémie de 1987, il n'y avait plus eu d'épidémie malgré l'afflux chaque année de 2 millions de pélerins.18 C'est dire que l'effort doit être maintenu sur la durée et dès que l'on baisse la garde le risque de réapparition est bien réel.
L'effort de quantification des risques permet toujours plus de mieux conseiller les voyageurs, même si les données épidémiologiques se rapportent à des études de population et non à des individus. Quantifier le risque individuel reste difficile et la décision finale reste le fruit d'une discussion entre le voyageur et le praticien, dans laquelle le niveau de confiance joue un rôle clé comme dans toute relation thérapeutique. L'évaluation des attentes du voyageur doit être mariée aux exigences épidémiologiques. Lorsqu'un vaccin efficace est disponible comme c'est le cas pour l'hépatite A, même s'il s'agit le plus souvent d'une maladie relativement bénigne, les voyageurs préfèrent de plus en plus être vaccinés que de prendre le risque. Le confort prime. Un confort qui a un coût certes, mais qui relève également du libre choix du voyageur qui en assume le prix en connaissance de cause. Une information de qualité sur les bénéfices et les inconvénients possibles des vaccins donnés aux voyageurs implique un praticien à même de choisir et de conseiller, un art difficile certes.