C'est à la suite d'une controverse déclenchée par un protocole de recherche sur le sida menée au CHU de Nice que le ministère de la Santé a fait savoir qu'il a demandé une modification de la méthodologie en raison des «risques encourus par les patients». L'entourage de Bernard Kouchner, ministre délégué à la Santé, précise que, dans ce protocole, les anesthésies générales devront être remplacées par des anesthésies locales et que les niveaux d'indemnisation des participants à cette étude seront harmonisés pour tous les groupes de patients, infectés ou non par le virus du sida. Cette décision relativement rare dans le domaine de la recherche biomédicale (ce travail avait reçu initialement le feu vert) met en lumière les différentes interprétations du caractère éthique ou non de certaines recherches ainsi que le poids toujours important du secteur associatif pour la défense des malades du sida.Mis au point par le Pr Pierre Dellamonica, chef du service des maladies infectieuses de l'hôpital de l'Archet (Nice), le protocole contestée vise à faire progresser la lutte contre les lipodystrophies (ou lipoatrophies) cutanées, l'un des plus fréquents et des plus ennuyeux effets secondaires des multithérapies antirétrovirales. Ce protocole avait reçu, début 2000, un avis favorable du Comité consultatif de protection des personnes dans la recherche biomédicale (CCPPRB) d'Aix-en-Provence, décision alors entérinée par le ministère de la Santé. Réunies au sein du groupe TRT-5, les associations de défense devaient dénoncer ce projet en janvier. «Cet essai sans bénéfice direct pour ceux qui y participent requiert une anesthésie générale pour les patients séropositifs, alors que les patients séronégatifs seront inclus seulement s'ils doivent subir une anesthésie générale pour un motif médical indépendant de l'étude, soulignait le TRT-5. Cet essai étant sans bénéfice direct, un dédommagement sera accordé : Fr. 4000. pour les volontaires sains et Fr. 3000. pour les séropositifs. Non seulement ce dédommagement est nettement insuffisant en fonction du risque encouru, mais il est nettement en défaveur des patients séropositifs. L'anesthésie générale met en danger la vie de ces patients déjà affectés par une affection de longue durée. Nous demandons l'arrêt complet de cet essai.» Le TRT-5 devait par la suite recevoir le soutien du Conseil national du sida qui demandait début avril la suspension de l'essai pour des raisons éthiques. Face à ces oppositions et à la demande du cabinet de M. Kouchner, le Pr Dellamonica a donc accepté de revoir quelques aspects de son projet. «Pour que les prélèvements de tissus soient de qualité, une anesthésie générale s'imposait, a-t-il expliqué au journal Le Monde. On me demande, pour des raisons éthiques selon moi fort discutables, d'abandonner cette procédure. J'ai donc dû modifier le protocole expérimental initial.» Le nouveau projet qui concerne 80 malades et 10 témoins prévoit des prélèvements pratiqués soit sous anesthésie locale, soit sous péridurale. Il devait être soumis à un autre CCPPRB, situé à Marseille. Une quinzaine de patients volontaires avaient déjà été inclus dans le premier protocole.