Bien qu'au moment du diagnostic du diabète de type 2, le patient puisse souvent être traité par régime/activité physique seulement ou en ajoutant un antidiabétique oral, par la suite, à mesure que la dysfonction pancréatique endocrine progresse, une combinaison de deux ou trois antidiabétiques oraux agissant sur différents axes physiopathologiques, voire l'insuline, est souvent nécessaire pour obtenir un bon contrôle métabolique. Cette revue aborde le type de traitement antidiabétique à utiliser en fonction des caractéristiques du patient et dans le contexte de la disponibilité récente des glinides (répaglinide, natéglinide) et des glitazones (rosiglitazone, pioglitazone).
Le but du traitement diabétique doit être clair et précis pour le patient : il a pour but d'une part, de corriger les symptômes d'hyperglycémie lorsqu'ils sont présents et d'autre part, de diminuer les risques de complications chroniques micro et macroangiopathiques. Le premier but peut être atteint par le contrôle de l'hyperglycémie alors que le second doit obligatoirement prendre en compte les autres facteurs de risque, tels que l'hypertension artérielle, la dyslipidémie, le tabagisme, l'inactivité et l'obésité.
Dans cet article, nous limiterons notre discussion au contrôle de l'hyperglycémie. Le médecin doit, en accord avec le patient, établir des buts de contrôle glycémique. Ces buts peuvent être différents selon les pathologies associées (par exemple, accidents vasculaires cérébraux invalidants ou cancer métastatique) et selon l'âge du patient ; dans la plupart des cas, cependant, le but est l'euglycémie avec des valeurs glycémiques à jeun 1c) 1,2 Plusieurs études ont en effet confirmé qu'une prise en charge efficace de l'hyperglycémie était associée avec une diminution du risque de complications aussi bien micro que macroangiopathiques.1-3
Le traitement du diabète résulte d'un concept thérapeutique établi par le médecin et le patient ;4ce concept thérapeutique est intimement lié au fait que le diabète est une maladie chronique et que, par conséquent, l'éducation du patient et sa motivation sont devenues une composante du patient aussi importante et parfois plus que le traitement médicamenteux lui-même. L'éducation et la motivation du patient constituent donc un des buts majeurs de l'équipe médicale pour assurer le succès de la prise en charge du diabète ; ils visent à changer certaines habitudes du patient, habitudes alimentaires et inactivité, entre autres, qui ont joué une part importante dans l'apparition de cette maladie. Dans cette revue, nous allons discuter quels traitements choisir et quel est leur impact.
Nous n'insisterons pas sur la nécessité d'un régime alimentaire approprié au patient, établi sur la base d'une anamnèse alimentaire détaillée, visant à corriger l'excès de poids corporel et d'une activité physique régulière et adaptée. Ces principes restent la base du traitement du diabète de type 2 et sont parfois suffisants pour obtenir son contrôle métabolique.
Lorsque le patient a un diabète suffisamment décompensé (HbA1c > 8-8,5%) ou est symptomatique et qu'il se plaint de polyurie, polydipsie, un traitement complémentaire au régime est nécessaire ; dans ce cas-là, le médecin a trois options.5
Dans ce cas, l'anomalie majeure est la résistance à l'insuline (obésité, glucotoxicité), le traitement de choix est alors la metformine qu'il faut débuter à raison de 500 mg/j pendant 2-3 jours, puis d'augmenter le traitement tous les 3 jours pour arriver à une dose de 3 x 500 mg/j ou de 2 x 850 mg/j (tableau 1). Débuter le traitement par une sulfonylurée (gliclazide ou glimépiride, par exemple) est aussi possible car il existe toujours un défaut de sécrétion d'insuline accentué par la glucotoxicité (tableau 1) ; ce traitement est néanmoins, à moyen et à long terme, associé à une prise de poids plus importante comparé à la metformine.2 Une alternative aux sulfonylurées est constituée par le répaglinide ou le natéglinide (glinides), deux substances dont le mécanisme d'action et l'effet thérapeutique sont semblables aux sulfonylurées mais qui différent de celles-ci par leur durée d'action qui est d'environ 3 heures nécessitant une prise avant chaque repas (tableau 1).5
Chez ce patient, l'anomalie prédominante est un défaut de sécrétion d'insuline. Le traitement préférentiel est donc une substance qui stimule la sécrétion d'insuline, telle qu'une sulfonylurée ou les sécrétagogues à courte durée d'action (répaglinide, natéglinide). Il faut néanmoins, chez un patient non obèse, évoquer la possibilité d'un diabète de type 1 latent qui nécessiterait alors un traitement d'insuline. Le traitement par metformine reste une option efficace mais plutôt en combinaison.
Lorsque le diabète est très symptomatique et donc par conséquent particulièrement décompensé (HbA1c > 10%), mais que la situation est maîtrisable en ambulatoire, un traitement à l'insuline que l'on peut déjà commencer au cabinet par une injection d'insuline rapide est souhaitable.6 Il n'existe pas de schéma préférentiel de traitement chez ces patients, mais un traitement efficace et relativement peu contraignant consiste en deux injections d'un mélange d'insuline basale et rapide (Mixtard ou Huminsuline Profil) à faire avant le petit-déjeuner et le dîner. Le pourcentage d'insuline rapide dans le mélange est généralement de 20 ou 30% selon la quantité d'hydrates de carbone que le patient prend durant ces deux repas. Il convient de commencer par de petites doses d'insuline sous forme de mélange (14-18 U le matin et 6-10 U le soir selon le poids du patient), puis d'adapter rapidement les doses selon les glycémies du patient au jour le jour, soit par des consultations répétées souvent nécessaires pour l'éducation du patient (autocontrôles, injection d'insuline, régime, exercice physique et hypoglycémie), soit par téléphone. L'insulinothérapie doit a priori, chez un patient obèse, être considérée comme transitoire, le relais devant être pris après deux à quatre semaines, par les antidiabétiques oraux.
Une alternative au traitement d'insuline est constituée par la prescription d'une combinaison biguanide-sulfonylurée ou biguanide-glinides qui, associée à un régime quantitatif et qualitatif, peut parfois être suffisante, même chez des patients très symptomatiques. Cette alternative a l'avantage d'une prise en charge aiguë plus rapide et peut être tentée avec le recours à l'insuline si une amélioration rapide n'est pas observée ; elle nécessite cependant un contact journalier avec le patient en début de traitement pour s'assurer du succès ou de l'échec de la tentative.
L'étude UKPDS (United Kingdom Prospective Diabetes Study) nous a appris que la monothérapie, quel que soit l'agent antidiabétique oral utilisé, augmentait de 2 à 3 fois la proportion des patients qui pouvaient atteindre une HbA1c 1c 7
La détérioration progressive du contrôle métabolique du diabète au cours du temps a conduit à une prescription fréquente de combinaisons de médicaments (tableau 2) ; en effet, après trois ans de suivi, 50% des patients ont pu atteindre une HbA1c 7
Il faut souligner néanmoins que le traitement par metformine semble être associé à une diminution des complications cardiovasculaires plus importante qu'avec les autres modalités thérapeutiques et indépendamment de l'effet sur la glycémie.
Le principe de combiner différents traitements antidiabétiques est de pouvoir profiter de leurs effets respectifs sur des axes physiopathologiques différents, par exemple de combiner des substances qui diminuent la résistance à l'insuline avec celles qui augmentent la sécrétion d'insuline (tableau 2). C'est donc selon le mécanisme d'action principal d'un agent thérapeutique qu'un choix peut se faire en rapport avec l'anomalie physiopathologique majeure que présente le patient (résistance à l'insuline ou déficit de sécrétion d'insuline). Par exemple, l'association de la metformine, qui diminue la production hépatique de glucose, avec une glitazone qui diminue la résistance à l'insuline pourrait en théorie être préférée chez un patient diabétique obèse. Néanmoins, un patient obèse a aussi un déficit de sécrétion d'insuline ; par conséquent, un sécrétagogue peut aussi être considéré comme utile. Actuellement, il n'existe aucune étude comparative comportant différentes combinaisons d'antidiabétiques oraux ; le choix d'une combinaison repose donc plus sur une réflexion théorique, la connaissance personnelle de certaines substances et leur utilisation de longue date que sur des données bien établies.
Pour les patients obèses, les combinaisons par antidiabétiques oraux (ADO) sont préférables à l'insuline car elles permettent de minimiser le risque d'hypoglycémie et la prise de poids. En outre, elles sont moins contraignantes. En bithérapie, la combinaison la plus utilisée actuellement est celle qui associe la metformine (3 x 500 mg/j ou 2-3 x 850 mg/j) à une sulfonylurée (gliclazide 1-4 x 80 mg/j ou glimépiride 1-6 mg/j). D'autres combinaisons sont néanmoins possibles ; leur efficacité sur l'hémoglobine glyquée peut être estimée par l'addition de l'effet moyen de chacune des composantes de la monothérapie.5 Les combinaisons suivantes peuvent être envisagées :
metformine-sulfonylurée : 2-4% de diminution de l'HbA1c ;
metformine-glinide : 2-4% de diminution de l'HbA1c ;
metformine-glitazone (rosiglitazone-pioglitazone) : 2-3% de diminution de l'HbA1c ;
glitazone-sulfonylurée : 2-3% ;
inhibiteur des *-glucosidases-metformine : 2-2,5% ;
inhibiteur des *-glucosidases-sulfonylurée : 2-2,5%.
Lorsque la bithérapie ne permet plus d'atteindre les buts thérapeutiques désirés, une triple association est possible chez les obèses, alors que chez les patients non obèses, le recours à l'insuline est souvent préférable :
metformine-sulfonylurée -glitazone ou inhibiteur des *-glucosidases ;
metformine-glinide-glitazone ou inhibiteur des *-glucosidases ;
metformine-sulfonylurée ou glinide-glitazone-inhibiteur des *-glucosidases.
Pour choisir une combinaison thérapeutique, il faut tenir compte des caractéristiques du patient (contre-indications à certaines substances, poids, effets secondaires observés), de l'efficacité présumée de la combinaison par rapport aux objectifs thérapeutiques, du prix et de la fréquence d'administration par rapport à l'observance thérapeutique. En outre, actuellement, l'association biguanide-sulfonylurée est la mieux connue et évaluée et résulte en une amélioration du contrôle métabolique chez la quasi-totalité des patients avec des effets secondaires relativement bénins lorsque les contre-indications et le principe de la prise régulière d'hydrates de carbone aux repas sont respectés.
Les nouvelles substances antidiabétiques sont néanmoins prometteuses et leur combinaison, entre elles ou avec les plus anciennes, ont apporté des résultats très encourageants.
Lorsque les combinaisons d'antidiabétiques oraux ne sont plus suffisantes pour réaliser un bon contrôle, l'insulinothérapie devient nécessaire (tableau 3).8 Le plus souhaitable est d'administrer une dose d'insuline basale au coucher avec pour but d'atteindre des valeurs de glycémie à jeun normales, et un relais par les ADO pendant la journée. Si cette option n'est pas suffisante, la deuxième étape est d'utiliser une injection d'insuline combinée basale-rapide le soir, au cas où le contrôle de la glycémie post-prandiale du dîner est mauvais. Enfin, la dernière étape est d'utiliser l'insuline aussi bien la journée que la nuit en maintenant dans la mesure du possible un traitement de metformine et/ou de glitazone (en l'absence d'insuffisance cardiaque) pour limiter les doses d'insuline.
Le contrôle métabolique optimal est un objectif difficile à atteindre chez de nombreux patients diabétiques. En effet, avec le temps, le patient nécessite fréquemment plusieurs traitements antidiabétiques oraux pour obtenir un bon contrôle car la dysfonction de la cellule à insuline progresse. Une bonne observance thérapeutique du patient pour le régime, l'activité physique et le traitement médicamenteux, combinés avec le développement de nouvelles substances devraient permettre d'obtenir dans le futur une meilleure prévention des complications aiguës et chroniques du diabète.