Depuis 1937, le traitement chirurgical de référence de la maladie hémorroïdaire est l'hémorroïdectomie pédiculaire selon Milligan-Morgan. En 1994, Longo propose une nouvelle approche de cette condition, consistant en une mucosectomie rectale circulaire basse associée à une anopexie. Les premiers résultats provenant aussi bien de la littérature que de notre expérience (vingt-sept patients opérés) semblent, à court terme, prometteurs. La morbidité faible est semblable à celle observée après opération de Milligan-Morgan. Les douleurs postopératoires sont par contre significativement moindres, permettant un retour rapide à une activité socio-professionnelle normale.
La maladie hémorroïdaire correspond à des dilatations du plexus veineux anal, associées à une distension du tissu fibreux.
On distingue, au niveau de l'anus, deux réseaux veineux largement anastomosés entre eux :
I un réseau supérieur, sous-muqueux, se drainant vers la veine porte, siège des hémorroïdes internes ;
I un réseau inférieur, sous-cutané, se drainant vers la veine cave inférieure, siège des hémorroïdes externes.
Les principales manifestations d'une crise hémorroïdaire sont des douleurs, une tuméfaction locale et des rectorragies. Le traitement d'un tel tableau est habituellement médical. On observe plus rarement un prolapsus et des thromboses, évolutions pouvant justifier une exérèse chirurgicale.
Dix pour cent des malades consultant pour une symptomatologie de maladie hémorroïdaire sont finalement opérés, selon une série de 21 439 cas rapportée par Bleday et coll.1
Parmi les nombreuses techniques opératoires de la maladie hémorroïdaire, celle décrite en 1937 par Milligan-Morgan, dite du Saint Mark's Hospital, est actuellement la plus largement pratiquée.2
Antoine Longo, en 1994, a proposé un nouveau traitement chirurgical de cette affection qui porte communément son nom.3 Cette technique consiste en une mucosectomie rectale circulaire basse associée à une anopexie (lifting anal). Elle est réalisée à l'aide d'une agrafeuse à usage unique (PPH 33, Ethicon Endo Surgery®). Il ne s'agit pas d'une hémorroïdectomie à proprement parler, mais d'une diminution de l'apport sanguin aux hémorroïdes internes, par transection veineuse, associée à un repositionnement des paquets hémorroïdaires dans le canal anal. Ce geste entraîne probablement, à moyen et long termes, une amélioration du retour veineux au niveau de ceux-ci.
L'intervention peut être pratiquée indifféremment, en anesthésie générale ou loco-régionale. Sa réalisation ne pose pas de problèmes techniques majeurs mais nécessite un apprentissage spécifique, permettant de maîtriser les aléas de l'opération et de réduire le risque de survenue de certaines complications. L'absence de plaie ou de suture anale basse prévient, à court terme, des douleurs majeures, telles que souvent observées après hémorroïdectomie classique. A plus long terme, le maintien d'une muqueuse anale intacte empêche certainement une éventuelle perturbation consécutive de la continence fine. L'hospitalisation est par ailleurs brève et une activité socio-professionnelle peut être reprise à court terme.
Notre expérience préliminaire porte sur vingt-sept patients (neuf femmes et seize hommes, cinquante ans d'âge moyen), opérés entre novembre 1999 et décembre 2000. Vingt-deux d'entre eux présentaient des hémorroïdes internes de stade III, deux de stade IV et trois un important prolapsus muqueux ano-rectal.
La durée opératoire moyenne fut de trente-cinq minutes, le séjour hospitalier de 3,4 jours. Quatre patients (11%) ont présenté une morbidité postopératoire précoce. Pour trois de ceux-ci (dont deux étaient anti-coagulés) il s'est agi d'une hémorragie, résolue spontanément sans reprise chirurgicale. Un autre a souffert d'une rétention urinaire aiguë nécessitant un sondage vésical.
Tous les patients ont été revus en contrôle, entre la 4e et 6esemaine postopératoire. La majorité (92,6%) se sont alors déclarés satisfaits du traitement. La reprise d'une activité socio-professionnelle décrite comme normale est survenue, en moyenne, à dix jours. Un patient a subi, deux mois après l'opération initiale et en anesthésie locale, un complément d'excision de muqueuse anale faisant prolapsus.
Plusieurs études publiées à ce jour font état de la faible morbidité associée à la technique opératoire de la maladie hémorroïdaire selon Longo (tableau 1).4 Néanmoins, il demeure légitime d'évaluer de manière critique les bénéfices réels de cette nouvelle approche par rapport à celle, traditionnelle, de Milligan-Morgan. Actuellement, trois études randomisées, comparant les deux techniques, tentent d'y répondre.5-7
La première, portant sur quarante patients, démontre l'avantage significatif en matière de douleurs postopératoires de la mucosectomie selon Longo, avec reprise d'une activité socio-professionnelle en moyenne après dix-sept jours, contre trente-quatre pour le Milligan-Morgan (Mehigan et coll.). Rowsell et coll. aboutissent, pour vingt-deux patients, aux mêmes conclusions, avec une reprise de l'activité socio-professionnelle à huit jours contre dix-sept jours après opération classique. Enfin Khalil et coll. s'appuyant sur une expérience portant sur quarante patients, démontrent l'avantage de l'opération de Longo sur le plan de la douleur postopératoire, sans différence significative en ce qui concerne la morbidité.
Le traitement de la maladie hémorroïdaire par mucosectomie rectale circulaire basse et anopexie selon Longo paraît ainsi être une technique attractive, surtout en raison de sa morbidité faible et d'une diminution marquée de la douleur postopératoire, réduisant les séjours hospitaliers et autorisant une reprise rapide de l'activité socio-professionnelle.
L'absence de plaie simplifie les soins postopératoires, ceux-ci consistant principalement en laxatifs et analgésiques mineurs.
Pour évaluer pleinement le bénéfice de cette technique force est toutefois de constater, à l'heure actuelle, que le recul reste insuffisant. En effet, des inconnues persistent en terme d'impact physiologique à long terme de l'interruption des réseaux veineux. Le taux réel de guérison ne pourra dès lors être apprécié qu'au terme d'un suivi minimum de douze mois.
Bien que le coût de l'agrafeuse permettant de réaliser une mucosectomie rectale avec anopexie pour maladie hémorroïdaire soit encore relativement élevé, le séjour hospitalier est bref et le retour à une vie socio-professionnelle précoce. De surcroît, la diminution spectaculaire des douleurs, bien que ne représentant pas un facteur économique quantifiable, est un élément d'importance primordiale pour le patient. Nous estimons dès lors que cette nouvelle technique opératoire peut, dans la plupart des cas de maladie hémorroïdaire interne de stades II et III ou de prolapsus muqueux ano-rectal nécessitant un geste chirurgical, être recommandée avec profit, représentant un réel progrès par rapport aux techniques excisionnelles. Il s'agit toutefois d'une opération qui doit être effectuée avec minutie, fort d'un entraînement poussé, si l'on veut limiter sa morbidité à un niveau acceptable.