L'incidence de l'hypertension veineuse chronique dans la population générale est élevée. La prise en charge de cette pathologie au stade d'ulcère est difficile, occasionnant des séjours hospitaliers prolongés. L'écho-doppler permet l'évaluation précise des paramètres hémodynamiques, anatomiques et fonctionnels. Plus de la moitié des patients porteurs d'ulcères veineux ont une insuffisance isolée du réseau superficiel. Le traitement chirurgical est la méthode de choix pour ces patients, permettant la guérison de l'ulcère.
Le réseau veineux des membres inférieurs est constitué de veines superficielles, profondes et perforantes. Les veines saphènes internes et externes représentent le réseau superficiel et contribuent à 10% du retour veineux, les veines profondes assurent les autres 90%. Ces deux réseaux sont connectés par des veines perforantes, dont le nombre est variable (tableau 1).
L'insuffisance veineuse chronique (HVC) est liée à une hypertension, induisant un dème, une pigmentation cutanée, des troubles trophiques, voire un ulcère (tableau 2). Elle peut être due à une insuffisance :
a) du réseau superficiel : les varices sont des veines sous-cutanées, palpables, de plus de 4 mm de diamètre. Elles peuvent être primaires ou secondaires, liées à une insuffisance du système superficiel, causée par une incompétence valvulaire des veines saphènes interne et/ou externe et parfois des veines perforantes (fig. 1).
L'étiologie des varices primaires est inconnue. Toutefois, certains auteurs suggèrent qu'il existe une insuffisance valvulaire, liée à un excès de compliance due à une altération congénitale de la paroi veineuse.1 En effet, 50% des patients porteurs de varices ont une histoire familiale positive.2 L'âge semble également être un facteur prédisposant, avec une prévalence de la maladie d'environ 25% dans la population adulte.3 La prédominance féminine de cette pathologie est clairement établie (sex ratio M/F 1 : 1,5-3,5).2
Les varices sont une maladie des pays industrialisés, rarement rencontrée dans ceux du tiers-monde. L'obésité, la grossesse et la contraception sont d'autres facteurs de risque incriminés ;
b) du réseau profond : l'insuffisance des veines profondes est liée à une destruction des valves par un ancien thrombus, parfois recanalisé. Elle peut être la cause sous-jacente des varices secondaires. Le terme de syndrome post-thrombotique est utilisé lorsqu'il existe une association prouvée avec une ancienne thrombose veineuse profonde.4 Néanmoins, 60% des malades présentant une HVC avec ulcère, n'ont pas d'atteinte du système veineux profond, mais uniquement une insuffisance du système superficiel ;5,6
c) des veines perforantes : elles transmettent la pression de la jambe à la peau, provoquant une hypoxie du derme ;7
d) de la pompe musculaire (dysfonction de la musculature jambière).
L'HVC provoque une augmentation de la pression hydrostatique au niveau des capillaires, causant la transsudation de liquide et de protéines, associée à une migration érythrocytaire et leucocytaire. L'hémosidérine, provenant des hématies, et les mélanocytes activés par l'inflammation chronique induisent la pigmentation cutanée brunâtre caractéristique (dermite ocre). Une dermatite chronique peut se développer et créer un eczéma variqueux, à l'origine d'un prurit. La prolifération capillaire, la fibrose sous-cutanée et la liponécrose constituent le stade de lipodermatosclérose.
La microangiopathie joue un rôle-clé dans le développement des troubles trophiques. En effet, un manchon de fibrine et de fibrinogène engaine les capillaires et entraîne une diminution de la diffusion d'oxygène aux tissus adjacents, induisant une destruction tissulaire.7
La symptomatologie de l'HVC comprend un sentiment de lourdeur et de fatigue des membres inférieurs. L'dème est présent chez 60% des patients et fait état d'une phlébopathie fonctionnellement plus avancée qu'une dilatation veineuse seule.8
A un stade plus tardif, l'dème favorise l'apparition de la surinfection (cellulite) et contribue à une diminution de la mobilité de la cheville et à une altération de la pompe musculaire de la jambe.6 Les signes trophiques apparaissent ensuite sous forme de dermite ocre, d'eczéma variqueux, de lipodermatosclérose et finalement d'ulcère (fig. 2).
L'écho-doppler permet la détection du reflux et/ou d'une obstruction veineuse (système superficiel, profond et veines perforantes) et définit les paramètres anatomiques et fonctionnels des veines profondes et superficielles.9,10 Cette technique permet donc de diriger le geste chirurgical sur le site précis de l'atteinte veineuse.11
Les méthodes pléthysmographiques dynamiques sont actuellement utilisées pour quantifier le degré d'hypertension veineuse chronique, et pour définir les composantes superficielle et profonde.12
La phlébographie met en évidence l'état et l'anatomie des veines profondes et superficielles. Toutefois, l'écho-doppler offre des informations détaillées sur l'hémodynamique et l'anatomie du réseau veineux et tend à supplanter les méthodes invasives.13
Le port de bas de contention (30-50 mmHg) permet la prévention des dèmes et améliore la fonction musculaire. Le repos et la surélévation des membres inférieurs sont également des facteurs favorisants. Les traitements locaux des ulcères veineux sont associés à une perte de fonction prolongée et à des taux de récidive allant jusqu'à 60%.14 Toutefois, les ulcères anciens et avancés induisent une raideur articulaire de la cheville, voire une ostéoarthrite. Dans ces conditions la pompe musculaire ne joue plus son rôle de «cur périphérique». Dès lors, la chirurgie veineuse superficielle ne permet pas de restituer l'activité de cette pompe. Il convient donc de privilégier la physiothérapie, afin d'améliorer la fonction articulaire et musculaire, avant d'entreprendre un geste chirurgical.6
I Réseau superficiel et perforant : le traitement chirurgical est indiqué dans l'HVC, lorsque l'insuffisance concerne le réseau superficiel et perforant, ce qui représente jusqu'à 60% des patients.6 L'intervention consiste en une crossectomie avec ligature de toutes les collatérales après identification des veines fémorales et/ou poplitées. Une dissection soigneuse, considérant les variations anatomiques des jonctions saphéno-fémorales et poplitées, doit être réalisée. L'ablation de la veine se fait au moyen d'un «stripper», introduit dans la veine. La méthode de stripping par invagination au moyen du «stripper» d'Oesch diminue le risque de lésions nerveuses de 6% à 2%, par comparaison avec le stripping par avulsion au moyen de l'instrument de Babcock.3 Dwerryhouse et coll. ont montré que le «stripping» de la veine saphène réduit le nombre de récidives en comparaison avec la ligature seule de la jonction saphéno-fémorale.15
La ligature des veines perforantes incompétentes doit être réalisée, après identification pré-opératoire par écho-doppler.13 Le développement de la chirurgie endoscopique sous-fasciale des perforantes a permis la ligature des veines perforantes à distance de la zone ulcérée.16,17 En comparaison avec les méthodes de ligatures de perforantes par incision ou la méthode de Linton, la technique endoscopique diminue les problèmes de cicatrisation, occasionnant un séjour hospitalier prolongé.16 En cas de lipodermatosclérose et d'ulcère, il convient de réséquer le tissu atteint, de lier la ou les veine(s) perforante(s) et de faire une greffe de Tiersch dans le même temps opératoire.
Les branches variqueuses accessoires sont abordées par mini-phlébectomie, à l'aide d'un crochet spécifique.
I Réseau profond : le traitement de l'HVC est habituellement conservateur. La chirurgie est réservée à un groupe de patients sélectionnés, présentant des symptômes invalidants.
Lors d'occlusion persistante après thrombose iliaque sans atteinte fémorale ou poplitée, un pontage de part et d'autre de la zone occluse peut être réalisé, au moyen d'une veine saphène interne (opération de Palma), chez les patients présentant des plaintes de claudication veineuse. La perméabilité cumulée de ce type de pontage est de 75% à cinq ans.5
Lorsqu'il existe des valves incompétentes isolées, la correction directe de la valve ou la transposition d'une veine contenant une valve compétente sont deux techniques réalisables. Cette intervention apporte une amélioration de la symptomatologie dans 87% des cas, mais la récidive d'ulcère est de 37% à huit ans.18 La transposition d'un segment veineux lors d'insuffisance pluri-étagée des veines profondes offre également des résultats satisfaisants avec une amélioration clinique dans 75% des cas.19 Néanmoins, les reconstructions du système profond ne sont pas des interventions formellement reconnues (à l'exception de l'opération de Palma), en raison du manque d'études bien contrôlées, comparant la thérapie par bas de compression et le traitement chirurgical.
Bello et coll. ont démontré le bénéfice de la chirurgie des veines superficielles chez des patients porteurs d'ulcères, dans le cadre de maladie superficielle isolée. Dans leur collectif, la médiane de guérison de l'ulcère est de dix-huit semaines et le taux cumulé de guérison est de 82% à dix-huit mois.6
La récidive survient dans 40% des cas à cinq ans et environ 20% des opérations de varices se font pour récidive20 (fig. 3). Le stripping de la veine saphène interne en comparaison à la ligature de la jonction saphéno-fémorale, réduit le taux de réopération à six ans pour insuffisance de la jonction saphéno-fémorale de 21% à 6%. Les patients ayant eu la ligature simple de la jonction saphéno-fémorale ont présenté dans 71% des cas une récidive sur la veine saphène en place.15 Malgré l'argument de conservation de la veine saphène interne en vue d'un éventuel pontage artériel ultérieur, le taux de réintervention (20%) rend cette stratégie inadéquate.
Selon Dwerryhouse et coll. la récidive est liée dans 70% des cas à une néovascularisation.15 En effet, lorsque la veine saphène reste en place, en cas de ligature isolée de la jonction saphéno-fémorale, des «canaux de néovascularisation» rejoignent la veine laissée en place et induisent une récidive. Cette hypothèse est corroborée par la présence de vaisseaux histologiquement immatures lors des réopérations pour récidive. Cette théorie n'est toutefois pas unanimement acceptée. En effet, de nombreux auteurs pensent que la récidive est liée au développement de collatérales, non liées lors de l'intervention primaire, issues de la veine fémorale, suite à la ligature de la jonction saphéno-fémorale.21