Nature, daté du 14 juin 2000, pages 810 à 813. La publication est signée Gabriela P. Saborio, Bruno Permanne et Claudio Soto. Les trois auteurs qui travaillent au Serono Pharmaceutical Research Institute de Genève, intitulent leur publication «Sensitive detection of pathological prion protein by cyclic amplification of protein misfolding». Et c'est aux yeux de plusieurs des spécialistes des maladies à prions que nous avons pu, en urgence, consulter une publication importante. C'est aussi, peut-être, une avancée majeure qui ouvrira la voie à un diagnostic ante mortem chez l'animal comme chez l'homme. Peut-être parlera-t-on, demain de la PMCA (Protein-Misfolding Cyclic Amplification) comme on parle aujourd'hui de la PCR (Polymerase Chain Reaction), découverte il y a dix ans par le Pr Alec J. Jeffreys (Département de génétique, Université de Leicester), dont l'annonce avait, elle aussi, été publiée dans l'hebdomadaire britannique Nature (daté du 21 novembre 1991), et qui a, depuis, révolutionné des pans entiers de la biologie comme de la médecine légale.Pour l'heure, tentons de comprendre. Il s'agit bien là d'une nouvelle méthode, révolutionnaire, de dépistage du prion pathologique responsable de l'ESB et de la variante de la forme humaine de cette maladie. «L'enjeu est le développement de tests diagnostiques suffisamment sensibles pour identifier la maladie humaine ou animale pendant la période pré-symptomatique, avant l'accumulation massive du prion anormal dans le cerveau» expliquent les chercheurs. Ces derniers estiment aussi, sans fausse modestie, que leur publication «ouvre une nouvelle possibilité pour le diagnostic des encéphalopathies spongiformes transmissibles pendant la phase présymptomatique de la maladie, applicable aux fluides tels que le sang ou le liquide céphalo-rachidien entourant la moelle épinière, ou à des tissus autres que le cerveau». Ils ajoutent, prospectifs, qu'elle pourrait s'appliquer à d'autres pathologies liées à des anomalies de configuration protéique, la maladie d'Alzheimer, peut-être.«Nous cherchions à reproduire in vitro ce qui survient in vivo dans les organismes malades. Et nous postulions qu'il y avait une possibilité d'amplifier les mécanismes physiopathologiques pour mieux les détecter», explique pour sa part le Dr Soto, spécialiste d'origine chilienne formé aux Etats-Unis qui a récemment rejoint le groupe pharmaceutique Serono. Dans les colonnes de Nature, les auteurs détaillent de quelle manière ils sont parvenus, à partir de données déjà connues concernant les propriétés physico-chimiques du prion normal et du prion pathologique, à fabriquer une méthode de détection originale grâce à différentes étapes sophistiquées de «sonication» et d'«amplification». Il s'agit, en d'autres termes, d'une «stratégie pour détecter de faibles quantités de PrPsc (prion anormal), en amplifiant des quantités indétectables de la protéine pour arriver à un niveau détectable».«Le groupe du Dr Soto est parvenu, de manière fort astucieuse, à partir d'acquis de la recherche fondamentale, à mettre au point une méthode diagnostique nouvelle dont la sensibilité apparaît de bien loin supérieure aux techniques déjà existantes, a pour sa part expliqué au Monde le Pr Dominique Dormont, président du Comité français des experts des maladies à prions. Cette méthode devrait permettre, a priori, de détecter le prion pathologique dès lors qu'il est présent dans d'autres tissus que ceux du système nerveux central. A ce titre, cette méthode pourrait avoir un impact essentiel en termes de santé publique».Postulons que cette voie de recherche débouchera sur des diagnostics précoces lors de la phase d'incubation. Ce serait bien évidemment une forme de progrès puisque, on le sait, le diagnostic de la forme bovine et de la forme humaine de la maladie ne peut, en l'état actuel du savoir scientifique et technique, être effectué qu'après la mort à partir d'un prélèvement cérébral pratiqué dans une zone connue pour receler de fortes concentrations de l'agent pathogène. On sait aussi que c'est ce procédé, qui, depuis le début de l'année, est mis en uvre en France après leur abattage chez tous les bovins âgés de plus de 30 mois destinés à la consommation humaine. Les firmes Prionics (Suisse) et Biorad (France/Etats-Unis) occupent la quasi-totalité de ce nouveau marché en pleine expansion. A Bruxelles, le Comité vétérinaire permanent de l'Union européenne vient de donner un avis favorable pour abaisser de 30 à 24 mois la limite d'âge pour le dépistage obligatoire chez les bovins. Les chefs des services vétérinaires de l'Union européenne ont d'autre part approuvé la proposition de tester de manière aléatoire les ovins et les caprins pour le dépistage des encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST).Dans ce contexte, nul doute que le test du Dr Claudio Soto a un bel avenir devant lui s'il parvient à établir le diagnostic ante mortem. Mais a-t-on pensé à la somme des questions éthiques concernant son application chez l'homme pour lequel la période d'incubation est estimée à plusieurs décennies ? Que se passera-t-il si l'on parvient à mettre au point un dépistage à partir du sang, ce qui signifierait que l'agent est bel et bien présent dans ce compartiment biologique, avec toutes les conséquences qui en découlent ? Tout cela nous renvoie à l'été 1985 lorsque les premiers tests de dépistage du sida apparurent. En France, la question qui, alors, agitait les personnes en charge de la morale et de l'éthique était celle de savoir s'il faudrait ou non tenir informés les donneurs de sang de leur résultat sérologique. Seize ans déjà. Et une nouvelle et angoissante problématique, individuelle et collective, émerge. La mort, bien sûr, toujours recommencée.A Richterwill, en Suisse, la police cantonale a annoncé qu'une vache qui n'avait pas hésité à sauter dans le lac de Zurich pour échapper à l'abattoir sera en définitive épargnée par son propriétaire. La police du lac avait dû ramener la bête au lasso sur la rive du lac. Le propriétaire de la vache, impressionné par le courage dont avait fait preuve l'animal, a décidé de la gracier.