«La cicatrice cardiaque résultant d'un infarctus du myocarde a été interprétée comme la preuve que le cur est composé de myocytes incapables de se diviser. Cependant des observations récentes ont apporté des preuves de la prolifération des myocytes dans le cur adulte. Nous avons donc étudié l'étendue de la mitose des myocytes après infarctus du myocarde chez l'homme» écrivent, dans un récent numéro du New England Journal of Medicine (daté du 7 juin), un groupe de chercheurs italiens et américains dirigé par le Dr Piero Anversa (New York Medical College, Valhalla, New York). Et cette étude soulève de réels espoirs quant à de nouvelles avancées thérapeutiques vis-à-vis de cette pathologie dont on connaît la fréquence et le poids sur les systèmes de santé des pays industrialisés. Les auteurs expliquent avoir recueilli des échantillons de la bordure de l'infarctus et de zones distantes de celui-ci chez treize patients décédés entre 4 et 12 jours après l'accident initial. Dix curs humains normaux ont d'autre part été utilisés comme témoins.Les myocytes étant entrés dans le cycle cellulaire de préparation à la division cellulaire ont été mesurés en marquant l'antigène Ki-67 du noyau, antigène associé à la division cellulaire. «La fraction du noyau du myocyte en cours de mitose était déterminée et l'index mitotique (rapport du nombre de noyaux en mitose sur le nombre de noyaux ne l'étant pas) était calculé, précisent les auteurs. La présence de fuseaux mitotiques, d'anneaux contractiles, de caryocinèse et de cytocinèse était également enregistrée». Dans les curs ayant eu un infarctus, l'expression Ki-67 a été détectée chez 4% des noyaux de myocytes dans les régions adjacentes aux infarctus et chez 1% de ceux se situant dans des régions distantes des infarctus. La réentrée des myocytes dans le cycle cellulaire s'est traduite par des index mitotiques respectivement de 0,08% et de 0,03% dans les zones adjacentes et distantes des infarctus. Des éléments caractéristiques de la division cellulaire (formation de fuseaux mitotiques, d'anneaux contractiles, de caryocinèse et de cytocinèse) ont d'autre part été mis en évidence ; autant de caractéristiques qui, selon les auteurs, démontrent qu'il existe bel et bien une prolifération de myocytes après infarctus du myocarde.«Nos résultats remettent en question le dogme disant qu'un cur adulte est un organe post-mitotique et soulève la possibilité que la régénération des myocytes puisse contribuer à augmenter la masse musculaire du myocarde» soulignent, en conclusion les auteurs. Le même groupe avait récemment publié dans les colonnes de Nature (daté du 5 avril) une étude portant sur l'infarctus expérimental de l'animal et également les cellules souches de moelle osseuse. Les chercheurs avaient tout particulièrement travaillé la question de la colonisation du myocarde lésé par ces cellules médullaires souches. «Le haut degré de plasticité des cellules souches nous a conduit à voir si un myocarde mort peut être restauré par la transplantation de cellules médullaires souches chez la souris», expliquaient-ils alors. En pratique, peu de temps après ligature coronaire, des cellules médullaires souches étaient injectées directement dans le myocarde jouxtant la zone infarcie. Les chercheurs ont alors constaté, neuf jours plus tard, l'apparition d'un nouveau tissu myocardique occupant 68% de la zone ventriculaire infarcie. Le nouveau tissu était constitué de myocytes proliférants et de structures vasculaires. «Notre étude montre que des cellules médullaires délivrées localement peuvent générer un myocarde de novo, améliorant le pronostic de la maladie coronarienne» concluaient alors les auteurs.Un autre travail, publié dans le mensuel Nature Medicine (daté d'avril) et portant également sur les cellules souches de moelle, démontre que, chez le rat, des précurseurs endothéliaux provenant de sang humain et injectés par voie veineuse induisent une revascularisation myocardique et une amélioration de la fonction cardiaque. Kocher, Itescu et coll. (Columbia university, New York) apportent là la preuve expérimentale que des précurseurs endothéliaux ayant des propriétés d'hémangioblastes peuvent être mobilisés dans le sang des donneurs (par l'administration de la cytokine (Granulocyte-Colony Stimulating Factor ou G-CSF), puis multipliés en culture. Après avoir provoqué un infarctus à des rats puis leur avoir injecté par voie intraveineuse ces cellules souches humaines, ils observent, deux semaines plus tard, une nette augmentation de la néoangiogenèse dans la zone infarcie et dans la zone péri-infarcie. Cette néoangiogenèse accrue s'accompagne d'une diminution de l'apoptose des myocytes hypertrophiés dans la zone péri-infarcie, d'une baisse du dépôt de collagène. Tous ces éléments s'accompagnent d'une meilleure fonction cardiaque. L'équipe américaine montre que la néoangiogenèse dépend d'une sous-population des cellules souches caractérisées par certains marqueurs de surface (CD117 et GATA2).A ces éléments de recherche expérimentale, il faut ajouter les résultats cliniques concernant les autogreffes de myoblastes récemment présentés à Paris par Philippe Ménasché (Hôpital Bichat) et Patrick Serreuys (Rotterdam). Le 20 janvier dernier, The Lancet avait publié un article cosigné par Philippe Ménasché (Hôpital Bichat, Paris), qui décrivait les résultats cliniques de première autogreffe de myoblastes dans le myocarde. Cette intervention avait été réalisée en juin 2000 chez un patient insuffisant cardiaque âgé de 72 ans qui avait reçu, dans le cadre d'un double pontage coronarien, une greffe de cellules prélevées dans la cuisse, mises en culture et multipliées in vitro puis injectées au sein du tissu cicatriciel. Au cours du «Paris Course on Revascularisation» organisé à Paris du 22 au 25 mai, le chirurgien parisien a présenté les derniers résultats de la phase I de cet essai de transplantation sous-épicardique de myoblastes. Entre juin 2000 et avril 2001, cinq patients insuffisants cardiaques de sexe masculin, âgés respectivement de 72, 66, 68, 39 et 55 ans ont été inclus dans cette phase d'étude clinique.Deux d'entre eux avaient présenté un infarctus inférieur, deux un infarctus antérieur et le dernier une lésion inféro-latérale. Leur fraction d'éjection systolique moyenne était inférieure à 0,30. Le nombre de cellules réinjectées a été en moyenne de 800 millions, dont plus de 65% de myoblastes dont la culture avait nécessité seize jours en moyenne. Les cellules ont systématiquement été réinjectées au cours de pontages bitronculaires. Un des patients est décédé en post-opératoire d'un infarctus mésentérique. Les auteurs expliquent qu'après un suivi de trois à dix mois, ils ont observé une amélioration symptomatique chez tous les patients survivants, associée à une majoration de la fraction d'éjection systolique de 13% en moyenne. A l'examen échographique et à l'IRM, ils ont aussi noté une récupération de la contraction myocardique dans la zone injectée. W