C'est une fort intéressante étude d'évaluation économique et technologique que vient, en France, de rendre publique l'Agence nationale d'accréditation et évaluation en santé (Anaes). Cette étude concerne la coloscopie virtuelle et la place qu'elle peut ou non raisonnablement avoir dans une politique de dépistage du cancer colorectal. On sait que ce cancer est, dans les pays industrialisés, au premier rang des cancers pour les deux sexes, le troisième cancer chez l'homme et le deuxième cancer chez la femme. En France, on estime ainsi à 33 500 le nombre de nouveaux cancers colorectaux diagnostiqués chaque année. Dans le même temps, cette pathologie est responsable d'environ 16 000 décès prématurés.Le dépistage du cancer colorectal a été défini récemment comme une priorité de santé publique. Les tests de dépistage actuellement disponibles présentent cependant tous des limites. Le lavement baryté en double contraste est considéré comme un examen dont les performances diagnostiques demeurent insatisfaisantes. Il n'est pas utilisé comme test de dépistage.«La rectosigmoïdoscopie souple est peu pratiquée en France. Elle a l'avantage d'être un examen court mais le désavantage de ne permettre l'exploration que d'une partie du côlon et de présenter un risque de complications, rappellent les experts de l'Anaes. L'évaluation de son efficacité demeure insuffisante. La coloscopie est considérée comme l'exploration rectocolique de référence dans la mesure où elle permet de visualiser théoriquement la totalité du côlon et du rectum et de réaliser la biopsie et l'exérèse des polypes visualisés. La coloscopie est cependant un examen imparfait qui ne permet pas de détecter la totalité des cancers et des polypes colorectaux. Son utilisation isolément comme test de dépistage de masse est controversée car elle expose à un risque de complications non négligeable et a un coût important. De plus, l'acceptabilité et la faisabilité de cette stratégie ne sont pas connues».Quelle place, dans ce contexte, pour la coloscopie virtuelle (appelée également coloscanner), cette nouvelle technique d'imagerie du côlon qui utilise le scanner hélicoïdal et le traitement informatisé des images pour obtenir des représentations tridimensionnelles du côlon, simulant ainsi les images obtenues par coloscopie ?I Performances diagnostiques. Vingt et une études cliniques ont été réalisées jusqu'à présent dont trois études sur l'intérêt de la coloscopie virtuelle lors d'explorations incomplètes par la coloscopie et trois études qui ont inclus exclusivement des patients avec un cancer colorectal. Quinze études ont évalué la sensibilité et la spécificité de la coloscopie virtuelle dans le dépistage des polypes colorectaux selon un protocole globalement similaire. Neuf études ont fait l'objet d'un compte rendu détaillé dans la presse spécialisée. Ce sont toutes des études prospectives avec un protocole de type transversal comparatif ayant pris la coloscopie comme étalon de référence. La coloscopie virtuelle a été réalisée juste avant la coloscopie. L'analyse des images a été réalisée en aveugle par un ou deux radiologues non informés des résultats de la coloscopie. Les conclusions que l'on peut tirer des résultats de ces études ont une validité limitée (études de petite taille ; modalités variables ; examinateurs ayant une expérience limitée de la coloscopie virtuelle, etc.).Selon les études, la sensibilité de la coloscopie virtuelle a varié de 50% à 100% pour les polypes de taille supérieure à 10 mm, de 38,5% à 82% pour les polypes de taille comprise entre 5 et 10 mm et de 0% à 59% pour les polypes de taille inférieure à 5 mm.I Sécurité de l'examen et acceptabilité. La coloscopie virtuelle est un examen peu invasif, ne nécessitant pas d'anesthésie et présentant peu de risque de complications comparativement à la coloscopie. Le risque d'irradiation semble comparable ou légèrement supérieur à celui d'un examen baryté. Cependant, la coloscopie virtuelle nécessite une préparation du patient similaire à celle utilisée pour la coloscopie dont les principaux inconvénients sont les effets indésirables gastro-intestinaux et l'inconfort lié à la nécessité d'ingérer un volume important de solution. En l'absence de données sur de larges séries de patients, un risque de complications causées par l'insufflation colique ne peut être totalement exclu.I Efficience. L'évaluation de l'efficience de la coloscopie virtuelle, c'est-à-dire de son rapport coût/efficacité, ne peut être que fondée sur des hypothèses dans la mesure où les performances diagnostiques de cette technique ne sont pas établies et que son coût n'a jamais été estimé. Une étude économique menée aux Etats-Unis a montré qu'une stratégie de dépistage par la coloscopie virtuelle, suivie d'une coloscopie en cas de résultats positifs, est plus coûteuse qu'une stratégie débutant par la coloscopie d'emblée, sauf si le coût de la coloscopie virtuelle devait baisser. Selon certains investigateurs, ces erreurs sont potentiellement corrigibles dans le futur en raison du développement des techniques d'acquisition et de traitement d'images et de la plus grande expérience des examinateurs. La non-identification des polypes de taille inférieure à 5 mm est essentiellement due à un manque de résolution des images.Au total, pour l'Anaes, la coloscopie virtuelle demeure au stade du développement et ses modalités de réalisation ne sont pas optimisées. Les études cliniques effectuées jusqu'à présent sont essentiellement des études de faisabilité peu puissantes réalisées chez des sujets à risque élevé de cancer colorectal. Les conclusions établies à partir des résultats obtenus ont donc une validité limitée. Les performances diagnostiques observées sont variables mais clairement inférieures à celles de la coloscopie, notamment pour la détection des lésions planes et des polypes de taille inférieure à 5 mm. Le principal avantage de la coloscopie virtuelle est d'être un examen peu invasif, ne nécessitant pas d'anesthésie ou de sédation du patient et ne comportant pas de risque pour la santé, hormis le faible risque d'irradiation. Cependant, la nécessité d'une préparation du patient, similaire à celle utilisée pour la coloscopie, peut freiner son acceptabilité dans la population.L'ensemble des données disponibles ne permet donc pas à l'heure actuelle de recommander l'utilisation de la coloscopie virtuelle dans le dépistage du cancer colorectal. W