A l'occasion de sa réunion inaugurale, à Genève, du 30 avril au 3 mai 2001, l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) a planché sur la protection des propriétaires de ressources génétiques et de savoirs traditionnels (Lancet 2001 ; 357 : 1510).Des siècles durant, des forêts tropicales aux déserts, l'exploration des richesses végétales et animales a permis de développer des produits agricoles et médicaux. Or, sous l'influence du génie génétique, on assiste, depuis une vingtaine d'années, à l'explosion de la «bioprospection». Et, en même temps, à un intérêt accru, de la part des scientifiques des pays industrialisés, pour les savoirs dits «traditionnels», tels que la médecine chinoise, qui sont le fruit de générations de patientes mises au point.Parallèlement à la croissance de cet intérêt commercial, certains pays dit «en développement», ainsi que des communautés d'indigènes, ont dit leurs préoccupations d'être ainsi exploités, car les règles internationales de la propriété intellectuelle et du copyright qui protègent les inventions et les idées modernes ne leur garantissent que très peu de protection.«Supposons que vous donnez accès à une entreprise pharmaceutique à une ressource génétique que l'on ne trouve que dans un pays donné. Et que cette entreprise développe un produit ou un procédé qui doit ses caractéristiques essentielles au caractère unique de cette plante», explique Francis Gurry, assistant du Directeur général de l'OMPI. «La question est alors de savoir jusqu'à quel degré cette entreprise pharmaceutique doit partager les bénéfices qu'elle retire de l'exploitation de ce produit ou de ce procédé avec celui qui a fourni la ressource».Certains pays disposent de lois strictes mais elles sont l'exception plutôt que la règle. Par exemple, un brevet couvre en principe la médecine traditionnelle chinoise depuis 1993. Or, selon un rapport de l'OMPI, les traitements et les médicaments chinois faisaient l'objet, fin 1998, de 9900 dépôts de brevets.Durant la réunion inaugurale genevoise, les pays africains, asiatiques et latino-américains ont fait pression pour que soient instaurées de nouvelles règles et de nouveaux standards leur assurant une plus grande part des bénéfices obtenus grâce à leurs ressources. Toutefois, la délégation américaine a douté qu'il soit désirable et même possible de mettre au point un ensemble de règles complètes et uniformes qui soient valides pour le monde entier, étant donné les vastes différences entre les communautés indigènes et même à l'intérieur d'une région donnée.Compte tenu des différences Nord-Sud et de la complexité de l'enjeu, Gurry a indiqué qu'il est encore trop tôt pour prévoir si le résultat final sera un ensemble de lois ou quelque chose de moins spécifique.Comme première approche, les participants ont demandé à l'OMPI de «développer un modèle de clauses contractuelles» qui règle l'accès aux ressources génétiques et aux partages des bénéfices. Divers intervenants ont également demandé à l'OMPI de définir les composantes des savoirs traditionnels qui ont besoin d'une protection et d'examiner l'étendue de la façon dont le système actuel de propriété intellectuelle est déficient.«Cela peut sembler très peu. Mais comme début d'un processus international, c'est un résultat très positif», a dit Gurry. «Cela signifie vraiment qu'il y a un désir de considérer l'économie de la connaissance d'une façon complète et globale et non pas seulement comme l'économie occidentale de la connaissance incluant les savoirs traditionnels», a-t-il conclu.