La session extraordinaire que l'ONU vient, à New York, de consacrer au sida (Médecine et Hygiène du 30 juillet 2001) aura notamment été marquée par l'annonce de la création annoncée par Kofi Annan, secrétaire général de l'ONU, d'un «Fonds mondial pour la santé et le sida». Cette initiative consiste, schématiquement, à récolter d'importantes ressources financières entre 7 et 10 milliards de dollars chaque année afin d'organiser et de soutenir la lutte contre le sida mais aussi contre la tuberculose et le paludisme, les trois fléaux infectieux les plus meurtriers à l'échelon planétaire. Après l'engagement initial des Nations unies, de la Grande-Bretagne et de la France, et après les contributions japonaise et italienne, annoncées lors du désormais tristement célèbre G8 de Gênes, ce Fonds réunissait, en août, un peu plus d'1 milliard de dollars. Pour sa part le secrétaire d'Etat américain, Colin Powell, a indiqué lors de la session que la future participation américaine tiendrait compte de l'efficacité de cette initiative. Or qui jugera de l'efficacité de l'utilisation à venir des sommes qui seront ici récoltées ? On est là dans la plus grande incertitude et les questions soulevées sont multiples.La première tombe sous le sens : comment parviendra-t-on à réunir chaque année 7 à 10 milliards de dollars ? Y aura-t-il, et à quel rythme, une dynamique public-privé ? Ces fonds seront-ils finalement affectés en totalité au Fonds ? Qui présidera, et de quelle manière, à l'articulation entre les autorités gouvernementales, les ONG et les agences de l'ONU ? Ou, pour le dire différemment, comment hiérarchisera-t-on la lutte généralement très médiatisée, contre le sida et celle contre la tuberculose et le paludisme qui n'attirent guère l'intérêt des médias et des autorités gouvernementales que leur pays soit ou non concerné ?L'initiative de Kofi Annan, avec cette perspective de pouvoir disposer d'une nouvelle source de financement voit, comme l'ont montré les vifs échanges de New York, resurgir une question essentielle : faut-il, dans les pays du tiers-monde les plus touchés par la pandémie du sida, privilégier la prévention ou le traitement ? Il est de ce point de vue symptomatique autant qu'inquiétant de voir l'affrontement entre des pays anglo-saxons pour qui le traitement des malades africains du sida est un luxe hors de saison et, d'autre part les pays latins, la France notamment, qui jugent impensable de ne pas associer thérapeutique et prévention. «Quand on veut tout investir dans le champ de la prévention, cela signifie-t-il, clairement, qu'il faut oublier ceux qui sont déjà touchés par la maladie alors même que des traitements existent ? a déclaré au Monde Bernard Kouchner, ministre français délégué à la santé lors de la session de l'ONU. Je trouve cela tout simplement immoral».