Malgré le pronostic réservé des cancers du rein métastatiques, une sous-population de patients peut bénéficier d'une survie prolongée avec un traitement adéquat. Une métastase unique doit être réséquée et/ou irradiée. Le pronostic est meilleur lorsque cette métastase apparaît tardivement par rapport au diagnostic. De nouvelles approches de traitement systémique existent actuellement pour l'hypernéphrome métastatique. L'interleukine 2 associée à l'interféron est une approche intéressante pour les patients en bon état général avec un nombre limité de sites métastatiques, principalement pour les lésions situées au niveau ganglionnaire ou pulmonaire. La mini-allogreffe de cellules souches périphériques et les programmes de vaccination sont des techniques plus récentes dont les résultats préliminaires sont extrêmement encourageants mais qui doivent être confirmées. A ce jour, aucun traitement systématique ne peut être considéré comme standard. L'inclusion des patients dans des protocoles bien conduits devrait permettre d'en définir.
Le pronostic des cancers du rein métastatiques est très réservé avec une survie médiane inférieure à un an. Malheureusement, l'hypernéphrome est habituellement diagnostiqué tardivement. En effet, la maladie reste souvent asymptomatique pendant un temps prolongé. Les signes d'appel les plus fréquemment observés sont : une hématurie, une douleur, une masse abdominale, une perte de poids, une asthénie. Chez 10% des patients, le premier signe d'appel est en rapport avec la présence de métastases. Les métastases hématogènes sont retrouvées le plus souvent au niveau osseux, pulmonaire et cérébral. Des métastases ganglionnaires par drainage lymphatique sont également fréquemment observées. Plusieurs facteurs interviennent pour déterminer le pronostic des patients présentant des métastases : l'état de performance selon Karnofski (ou ECOG), le nombre et le site des métastases, la perte de poids récente (>= à 10%) et le délai d'apparition des métastases (tableau 1).2,3
Trente pour cent des patients présentent une dissémination métastatique au diagnostic et parmi les 70% de patients restants, 25% développeront des métastases dans les cinq ans.
Nous passons en revue les différentes possibilités thérapeutiques dans la prise en charge des patients métastatiques.
La néphrectomie est souvent réalisée malgré le caractère palliatif de cette opération. Cette néphrectomie est particulièrement indiquée lorsque la tumeur primitive est responsable de douleurs, entraîne des hémorragies, une hypertension artérielle ou un syndrome paranéoplasique comme l'hypercalcémie et la polyglobulie. Exceptionnellement, une régression spontanée des métastases est observée après résection de la tumeur primitive (0,8% des patients).
L'évolution sous immunothérapie des patients néphrectomisés semble par ailleurs plus favorable. Parmi les 30% de patients qui présentent des métastases au diagnostic, 1,5 à 3,5% ont une métastase unique. Les patients qui présentent une métastase unique réséquable asynchrone au diagnostic de la tumeur primitive ont une survie estimée à cinq ans de l'ordre de 34%.4
La place de la radiothérapie dans le traitement du cancer rénal avancé est relativement limitée. Elle doit être considérée dans le traitement palliatif des métastases osseuses (après chirurgie de consolidation éventuelle) ou cérébrales symptomatiques. Une dose suffisante doit être administrée vu la radiorésistance relative de cette tumeur.
Tous les patients présentant une maladie trop avancée pour bénéficier d'un traitement local exclusif sont candidats à un traitement systémique. Malheureusement, malgré tous les progrès récents en oncologie, le cancer du rein métastatique reste un problème difficile. On ne peut donc qu'encourager la participation à des études cliniques qui évaluent les nouvelles modalités thérapeutiques.
Le cancer du rein est une maladie résistante à la chimiothérapie et seuls quelques cytostatiques ont permis d'obtenir une réponse objective dans environs 10% des cas avec cependant de grandes variations selon les études. Le 5-fluorouracil ou la vinblastine sont utilisés avec des schémas d'immunothérapie vu l'efficacité supérieure de ces combinaisons par rapport à la monothérapie.5
Historiquement, la progestérone à haute dose a été administrée dans cette indication. Le taux de réponse ne dépasse pas 2%. Les réponses sont toujours partielles, de courte durée et sans bénéfice clinique. Quelques réponses cliniques ont également été décrites avec du tamoxifène à haute dose.
L'interféron a été utilisé, seul ou en association avec la vinblastine notamment, dans de nombreuses études de phase II, avec des taux de réponse objectifs le plus souvent de l'ordre de 10 à 20% et une durée médiane de survie de six à dix-sept mois. Une augmentation de la survie médiane de 2,5 mois a été démontrée chez les patients traités par interféron par rapport à un groupe contrôle traité par acétate de médroxyprogestérone au prix d'une toxicité accrue.6 De même, une supériorité en terme de réponse et de survie a été démontrée dans une étude randomisée pour l'association interféron-vinblastin versus vinblastin seul.5 Ces observations ne sont cependant pas unanimement partagées.7,8 Une administration prolongée d'interféron est plus importante que l'administration de doses plus élevées durant une période plus courte. Le bénéfice observé intéresse à la fois la tolérance au traitement et l'activité anti-tumorale. L'apparition d'une réponse est habituellement lente (plusieurs mois). Le taux de réponse est plus important chez les patients en bon état général, qui ont subi une néphrectomie préalable ou qui présentent des métastases pulmonaires asynchrones. Bien que souvent utilisé dans le traitement du cancer rénal métastatique l'interféron est cependant à réserver à des patients sélectionnés, idéalement dans le cadre d'essais cliniques. Aucun bénéfice n'a été obtenu en associant l'interféron et l'acide 13 cis-rétinoïque.9La combinaison avec l'interleukine 2 sera discutée ultérieurement.
Il est établi que des réponses objectives complètes et durables ont été observées chez une minorité de patients (7 à 9%) atteints d'hypernéphrome métastatique traité par interleukine 2.10L'efficacité du traitement est essentiellement en rapport avec une stimulation des mécanismes de défense de l'hôte contre la tumeur. Le taux de réponse objective avec l'interleukine 2 est de l'ordre de 15%. Cette réponse est observée au niveau de tous les sites tumoraux y compris au niveau des os, de la tumeur primitive en place et des métastases viscérales. L'interleukine 2 peut être administrée par voie intraveineuse ou sous-cutané, en bolus ou en perfusion continue à doses diverses. L'intérêt respectif de ces modalités n'est pas établi formellement et fait l'objet d'investigations. Les effets secondaires liés au traitement par l'interleukine 2 restent importants et le traitement doit absolument être administré par des médecins ayant une expérience de la manipulation de ce médicament. Les effets toxiques les plus souvent observés sont l'hypotension et le syndrome de fuite capillaire (vascular leak syndrom) mais d'autres effets secondaires majeurs (cardio-respiratoires, rénaux, hépatiques, gastro-intestinaux et hématologiques) peuvent être observés, essentiellement après administration intraveineuse. La majorité des effets secondaires sont rapidement réversibles après arrêt du traitement mais ils justifient que ce traitement ne soit proposé qu'à des patient en bon état général.
Les premières études rapportant les résultats d'une association interféron-interleukine 2 étaient relativement optimistes avec des taux de réponses de l'ordre de 30% qui n'ont malheureusement pas été confirmés. L'étude randomisée publiée par Négrier et coll. en 1998 dans le New England Journal of Medicine2a montré un taux de réponse (18,6%) et un taux de survie sans récidive à un an (20%) supérieurs chez les patients ayant bénéficié d'un traitement combiné par rapport à ceux traités par interféron ou interleukine seul. Cependant, la survie globale des trois groupes n'était pas différente. Par ailleurs, alors que 425 patients ont été inclus dans cette étude, durant la même période 722 patients ont été jugés inaptes à sa participation, surtout pour altération de l'état général. Il en résulte que cette association ne peut être considérée comme un traitement standard.
Diverses combinaisons associant interféron-interleukine 2 et 5-fluorouracil ont été évaluées et des résultats encourageants ont été avancés en phase 2.11 Malheureusement, le bénéfice d'un tel régime par rapport à une association interféron-interleukine n'a pas été confirmé par les études randomisées.12
Des travaux préliminaires indiquent des taux de réponse jusqu'à 40% avec des programmes de vaccination. Le nombre de patients traités dans ces études est extrêmement réduit et il faut donc prendre ce chiffre avec beaucoup de précautions. Kugler et coll. rapportent sept réponses chez dix-sept patients vaccinés, quatre patients conservant une réponse complète sans récidive après vingt et un mois.13Les effets secondaires de ce traitement ont été peu sévères. La confirmation de ces premiers résultats par des études randomisées prospectives est cependant nécessaire.
Celle-ci consiste en la transplantation de cellules souches hématopoïétiques prélevées chez un donneur HLA compatible après conditionnement du patient au moyen d'un traitement non myélo-ablatif. La toxicité s'en trouve réduite par rapport à une allogreffe standard et elle peut être réalisée quasi en ambulatoire dans des centres spécialisés. La survenue d'une réaction du greffon contre l'hôte, l'obtention d'un chimérisme complet et l'arrêt du traitement immunosuppresseur sont indispensables à l'obtention d'une réponse. Actuellement, nous ne disposons des résultats que d'une étude avec un nombre limité de patients. Néanmoins chez ces patients très sélectionnés disposant d'un donneur familial, le taux de réponse est encourageant et avoisine 50%.14Comme l'effet anti-tumoral n'est observé que tardivement après l'instauration du traitement, la mini-allogreffe ne peut être envisagée pour des patients présentant une maladie rapidement progressive.
Actuellement, les agents anti-angiogenèse tels que l'endostatine ou l'angiostatine constituent de nouvelles pistes thérapeutiques. Leur mode d'action demeure encore complexe et nécessite des essais cliniques randomisés afin de déterminer au mieux leur efficacité thérapeutique.15
L'hypernéphrome métastatique garde un mauvais pronostic. Néanmoins, il est important d'identifier une sous-population de patients qui peut présenter une survie à long terme. Il s'agit d'abord de patients en bon état général avec métastase unique, apparaissant à distance du diagnostic, chez qui une approche chirurgicale et/ou une radiothérapie doit toujours être envisagée. Concernant les patients multi-métastatiques, une survie prolongée peut être obtenue chez une minorité d'entre eux par le biais d'une immunothérapie dont les modalités (interféron, interleukine 2 ou les deux) ne sont pas établies et qui devrait être réservée aux patients présentant des facteurs pronostiques favorables. La mini-allogreffe de cellules souches hématopoïétiques du sang périphériques et les programmes de vaccination ainsi que les traitements anti-angiogenèse sont prometteurs et en cours d'expérimentation. Idéalement, les patients devraient être inclus dans des études prospectives qui évaluent la place de chaque traitement et permettent de définir des options thérapeutiques standards pour chaque type de patient. Elles font cruellement défaut à l'heure actuelle.