L'andropause (climatère masculin, androclise) est le terme utilisé pour décrire l'ensemble des symptômes associés au déclin de l'axe hypothalamo-hypophyso-testiculaire et notamment de la fonction gonadique chez l'homme avec le vieillissement. Ce déficit peut être d'origine centrale ou plus rarement périphérique (hypogonadisme-hypergonadotrope). Il s'accompagne de modifications psychologiques (troubles dysthymiques, chute de libido, etc.) et/ou somatiques (diminution de force musculaire, anémie, obésité abdominale, etc.).Le traitement substitutif par androgènes doit être envisagé lorsqu'un déficit est clairement démontré. Les contre-indications absolues sont les cancers prostatiques et mammaires ainsi que l'hyperplasie obstructive de la prostate, la contre-indication relative est la polycythémie. Une fois le traitement instauré, un suivi urologique annuel est indispensable.
L'andropause est le terme utilisé pour décrire l'ensemble des symptômes associés au déclin de l'axe hypothalamo-hypophyso-testiculaire et notamment de la fonction gonadique chez l'homme avec l'âge.
Parmi les causes étiologiques, un déficit en androgènes résultant d'une diminution avec l'âge de la testostérone biologiquement disponible est maintenant bien connu.1,2 Cette diminution, sujette à de considérables variations inter-individuelles, est beaucoup plus progressive et moins absolue que la diminution de la production d'strogènes observée chez la femme lors de la ménopause. Le déficit en androgènes aboutit à des plaintes non spécifiques telles que la dépression, la diminution de la force musculaire, de l'énergie, de la libido et de la fonction érectile.3La reconnaissance de l'andropause en tant qu'entité clinique incite à envisager une thérapie androgénique substitutive dans le but de prévenir, retarder ou inverser les manifestations cliniques liées au vieillissement et qui seraient imputables à un déficit androgénique. Cependant, ces manifestations étant peu spécifiques et d'origine multifactorielle, une controverse existe quant au diagnostic et au traitement.
Une fraction importante de la testostérone (~ 40%) est liée à la sex-hormone-binding globuline (SHBG) et n'est donc pas biologiquement disponible ; le reste de la testostérone est soit libre (~ 2%), soit faiblement liée à d'autres protéines plasmatiques comme l'albumine (~ 54%) et constitue la testostérone biologiquement disponible. La testostérone est normalement sécrétée selon un rythme circadien, avec des valeurs élevées le matin et des valeurs basses entre 20 et 22 heures.
La testostérone est essentielle au développement et au maintien des tissus reproducteurs (testicules, prostate, épididyme, vésicules séminales et pénis) et des caractères sexuels secondaires. Elle assure également d'autres fonctions importantes : support de la masse corporelle maigre, la taille des muscles et la force. La testostérone agit sur l'os, via son aromatisation en strogène, en stimulant sa formation. Au niveau psychologique, la testostérone semble être liée positivement à l'excitation sexuelle, l'«assertivité» et la sociabilité.
La diminution de la testostérone avec le vieillissement est d'origine multiple. On observe d'une part une atteinte du compartiment testiculaire avec une diminution du nombre de cellules de Leydig, une atteinte de la perfusion testiculaire et de la biosynthèse des stéroïdes et d'autre part, une atteinte du compartiment hypothalamo-hypophysaire avec la perte des variations nycthémérales des taux de testostérone, une diminution de la fréquence des pics de LH d'amplitude large chez l'homme âgé et une augmentation de la sensibilité des gonadotrophines au feedback négatif exercé par les hormones sexuelles.4 Enfin l'augmentation de la SHBG avec l'âge est un facteur essentiel de la diminution de la testostérone disponible biologiquement.2,3L'hypogonadisme chez l'homme âgé est donc à la fois d'origine périphérique et d'origine centrale.
Une déficience en testostérone peut se traduire par une diminution ou une perte de la libido et de la fonction érectile, des caractères sexuels secondaires et de l'énergie avec un effet négatif sur l'humeur.5,6 Au niveau somatique, on observe une augmentation de la masse graisseuse7 une diminution de la masse et de la force musculaire8 ainsi qu'une diminution de la densité osseuse et risque d'ostéoporose. En ce qui concerne cette dernière, il faut noter que les fractures observées chez l'homme âgé ont une morbidité plus importante que chez la femme de même âge.9
Le dosage de la testostérone totale a longtemps été utilisé chez l'homme jeune. L'augmentation de la SBHG avec l'âge rend son utilisation problématique chez l'homme plus âgé. La première approche consiste en un dosage de testostérone, accompagné de l'estimation après dialyse de la testostérone libre. Cette technique de référence est longue et coûteuse et n'est que très exceptionnellement utilisée en routine clinique. Les dosages indirects de testostérone libre (méthode par résine) sont peu fiables et en pratique de meilleurs résultats sont obtenus par calcul de la testostérone libre se basant sur la valeur de la testostérone totale et de la SHBG. Les valeurs ainsi obtenues sont étroitement corrélées avec les valeurs de testostérone «biodisponible» (libre et faiblement liée aux albumines).10La testostérone est sécrétée selon un rythme circadien, il est recommandé de réaliser les mesures à jeun entre 7 et 10 heures du matin. Ces variations circadiennes s'atténuent progressivement avec le vieillissement, il est donc recommandé de répéter les mesures à deux semaines d'intervalle afin de déterminer le véritable taux d'androgènes chez l'homme âgé.
Quelques questionnaires de détection simplifiée de l'andropause ont été développés. Parmi eux le questionnaire de St-Louis «Androgen Deficiency in Aging Male» (ADAM) développé par J. Morley11 et validé en Belgique.12 Les items du questionnaire sont repris dans le tableau 1.
Le test est considéré positif s'il est répondu oui à la question 1 ou 7 isolément ou à au moins trois des autres questions.
La sensibilité (80,14%) obtenue lors d'une étude réalisée à Liège est semblable à celle obtenue par J. Morley (88%). La différence de spécificité (32,33% contre 60%) serait quant à elle imputable à une différence de population.
Ce questionnaire constitue un élément de dépistage dont la dépression est la principale raison de faux positifs et dont l'incidence peut varier selon la population étudiée. Une mesure de la testostérone «biodisponible» ou de la testostérone libre devrait être réalisée chez toute personne ayant un questionnaire ADAM positif.13
L'andropause est considérée comme existante lorsque plusieurs symptômes et/ou manifestions cliniques d'un déficit en testostérone libre se manifestent au niveau de divers systèmes et fonctions organiques (tableau 2).
Il existe deux types de déficience androgénique :
1. La déficience androgénique primaire ou hypogonadisme-hypergonadotrope qui résulte d'une atteinte primaire du testicule. Dans cette situation, les taux de testostérone seront bas et les taux des gonadotrophines (FSH et dans une moindre mesure LH) seront élevés.
2. La déficience androgénique secondaire qui résulte d'une atteinte hypophysaire. Dans ce cas, les taux de testostérone et les taux de gonadotrophines seront bas.
Dans une étude récente, 9% des patients de plus de 50 ans présentent une déficience de type primaire et 30% présentent une déficience de type secondaire dont l'origine reste discutée.14 D'autres tests pourront être associés tels que l'analyse du sperme, l'examen par imagerie de l'hypophyse, des études génétiques, une densitométrie osseuse, une biopsie testiculaire et/ou des tests hormonaux dynamiques (tableau 3).
Chez l'homme jeune insuffisant gonadique, il est clairement établi qu'un traitement androgénique substitutif améliore les différents paramètres psychologiques (libido, fonction cognitive, etc.) et somatiques (force musculaire, qualité de l'érection, ostéoporose, etc.).
Chez l'homme âgé de plus de 50 ans, il existe encore peu d'études rigoureuses confirmant un effet aussi net sur les paramètres psychologiques et somatiques. L'étude de Morley11 démontre une amélioration du score du test ADAM après traitement substitutif chez des patients dont le bilan androgénique était abaissé.
En attendant les résultats des études contrôlées en cours dans de nombreux centres internationaux, il nous semble raisonnable de limiter le traitement aux hommes présentant des plaintes significatives (test ADAM ou analogue, positif) et dont le bilan hormonal montre une valeur de testostérone biodisponible ou libre inférieure à la moyenne de deux DS par rapport à une population d'hommes jeunes.
Le dosage des gonadotrophines éventuellement lors d'un test de stimulation par LRH pourra apporter un élément supplémentaire dans les cas de déficience testiculaire en voie de décompensation (PADAM, «Partial Androgen Deficiency in Aging Male»).
Dans certains cas (~ 10% dans notre expérience personnelle), les plaintes subjectives sont très importantes mais ne s'accompagnent d'aucune altération de l'axe gonadique : il s'agit vraisemblablement de patients souffrant de dépression importante ne souhaitant pas consulter le psychiatre ou le psychologue en première intention.13
Il n'existe que deux contre-indications absolues au traitement androgénique substitutif : le cancer prostatique avéré et le cancer mammaire auxquels on associe parfois l'hyperplasie obstructive de la prostate. Il est toutefois possible que de nouveaux composés à venir (SARM, «Specific Androgens Receptors Modulators») dépourvus d'action prostatique puissent être utilisés à moyen terme.
L'hyperplasie non obstructive de la prostate ne constitue pas une contre-indication mais demande un suivi particulièrement attentif.
L'effet stimulant des androgènes sur l'hématopoïèse demande également un suivi particulier en cas de polycythémie. Les dyslipidémies peuvent être soit améliorées, soit aggravées par le traitement substitutif tandis que les apnées du sommeil peuvent être aggravées.
Un examen clinique et biologique général ainsi qu'un examen urologique classique associé au dosage du PSA doivent toujours être réalisés avant de débuter le traitement puis en cours de traitement. L'intérêt de la réalisation d'une échographie prostatique, voire d'une série de biopsies, reste à discuter.
Un abaissement de la testostérone biologiquement disponible et un test ADAM positif associés à des manifestations cliniques d'une déficience en testostérone plaident en faveur d'un traitement androgénique substitutif. Le traitement androgénique substitutif se présente sous différentes formes administrables selon trois voies (intramusculaire, per os ou transdermique) (tableaux 4, 5 et 6) dont les avantages et les désavantages sont repris dans le tableau 7. Les effets favorables seront non seulement d'ordre sexologique mais également d'ordre psychologique et métabolique (voir ci-dessus).
Les critères d'équilibration par le traitement seront d'ordre clinique et biologique.
Sur le plan clinique, il faudra se souvenir que la plainte d'impuissance sexuelle (dysfonction érectile) et/ou de diminution de désir sexuel (libido) est souvent d'ordre multifactoriel. S'il est bien admis que chez les patients insuffisants androgéniques, l'équilibration hormonale constitue la première étape indispensable avant d'envisager d'autres thérapeutiques, cette approche est toutefois rarement suffisante et une approche plus complète urologique, psychologique, voire métabolique, sera indiquée.
Sur le plan biologique, on peut estimer que le but à atteindre est une valeur normale ou normale basse de testostérone biologiquement active circulante, selon le degré d'insuffisance testiculaire et pour autant qu'il n'y ait pas d'insuffisance hypophysaire associée. La normalisation des valeurs basale et stimulée par LHRH de la LH plasmatique constitue également un critère de bonne équilibration.
L'innocuité de ce type de traitement avec un contrôle métabolique et urologique annuel a été démontrée sur une période de dix ans d'utilisation de la forme orale à résorption lymphatique (undécanoate de testostérone). Cette façon d'administrer la testostérone est particulièrement bien adaptable au jour le jour. Il est vraisemblable que les autres formes, pour autant qu'elles ne soient pas hépatotoxiques, et qu'elles soient bien utilisées, sont également dénuées d'effets délétères significatifs (tableau 8).
Une diminution significative des taux de testostérone biologiquement disponible est observée chez l'homme en fonction du vieillissement. Les androgènes joueraient bien un rôle dans le déclin fonctionnel lié à cette période de la vie. Le nombre d'études de thérapie androgénique substitutive est encore relativement limité mais plaide en faveur d'un potentiel réel de cette thérapie notamment sur la densité osseuse, la masse musculaire, la force musculaire et l'hématocrite. La plupart des études suggèrent également un impact positif sur l'humeur et sur le comportement sexuel. Les résultats concernant l'effet de thérapie androgénique substitutive sur le bilan lipidique sont controversés mais pourraient être favorables. Si le cancer mammaire et le cancer de la prostate sont des contre-indications majeures, l'hyperplasie prostatique ne constitue pas un obstacle. Il se pourrait toutefois que seule une petite proportion (10%) des hommes vieillissants tire un réel bénéfice d'un traitement androgénique substitutif. En effet, il ne faut pas perdre de vue que de nombreuses manifestations de l'andropause peuvent être attribuées à une diminution d'autres hormones telles que l'hormone de croissance (HGH) et l'insulin-like growth factor (IGF-1) ainsi que la déhydroépiandrostérone. L'absence d'un consensus clair concernant l'intérêt, les indications et les modalités pratiques d'un traitement substitutif androgénique incite donc à la prudence et demande des études complémentaires dans un cadre multidisciplinaire.