Ce n'est bien évidemment qu'un frémissement, un balbutiement, un timide espoir face à un considérable défi. Pour autant comment pourrait-on faire l'économie d'en parler ? En annonçant, à la fin du mois de juin sa volonté de lancer une bataille planétaire contre la pandémie de sida (voir Médecine et Hygiène des 30 juillet et 15 août 2001) l'ONU a mis en lumière l'évolution majeure que constitue l'arrivée des premières thérapies médicamenteuses antirétrovirales dans plusieurs des pays africains qui paient le plus lourd tribut à ce fléau. La session extraordinaire de l'ONU organisée à New York avait été précédée de l'annonce qu'un accord avait été trouvé entre le Brésil et les Etats-Unis sur le dossier complexe des médicaments génériques contre le sida. Il y avait aussi eu la décision de l'industrie pharmaceutique d'abandonner ses poursuites judiciaires contre l'Afrique du Sud, une mesure pour beaucoup due à la concurrence induite par les producteurs de médicaments génériques. La réunion de l'ONU a aussi été marquée par l'annonce des progrès actuellement en cours dans plusieurs régions du tiers monde.Ce sont les données fournies à New York par les Drs Peter Piot et Gro Harlem Bruntland (respectivement directeur général de l'agence Onusida et de l'Organisation mondiale de la Santé) qui aident le mieux à prendre la mesure de ce phénomène. Selon eux ce sont près de soixante pays dont quarante sur le continent africain qui sont aujourd'hui en situation de pouvoir, dès maintenant ou à court terme, avoir accès aux trithérapies ainsi qu'aux médicaments indispensables pour traiter les maladies opportunistes associées à l'infection par le VIH. De manière schématique on peut dire que les négociations en cours s'inscrivent dans le cadre du partenariat public-privé initié il y a un an ; un partenariat qui réunit les agences des Nations unies impliquées dans la lutte contre le sida ainsi que cinq multinationales de l'industrie pharmaceutique mondiale : Boehringer Ingelheim, Bristol Myers Squibb, GSK GlaxoSmithKline, Roche Pharma et Merck Sharp and Dohme.Au moment de la session de New York vingt-trois pays se sont déclarés intéressés et dix pays africains (Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Côte d'Ivoire, Gabon, Mali, Maroc, Ouganda, Rwanda et Sénégal) avaient déjà passé des accords avec les firmes afin de pouvoir bénéficier de réductions notables du prix des spécialités pharmaceutiques. Selon l'Onusida, le coût annuel des trithérapies antirétrovirales contre l'infection par le VIH est passé, en Afrique, de 12 000 dollars en 1996 à moins de 1000 dollars aujourd'hui. Une base de données identifiant les prix et l'origine des médicaments du traitement des infections opportunistes et de certains des antirétroviraux a été établie par l'Unicef, l'OMS et l'Onusida en liaison avec Médecins sans frontières. Trente-quatre firmes (dont 29 productrices de génériques) ont d'ores et déjà demandé à figurer sur cette base.Faut-il se réjouir ? Ce serait, comme l'observe le Dr Peter Piot, oublier l'essentiel : les rabais sur les prix n'ont rien changé au fait que ces médicaments sont toujours inaccessibles à l'immense majorité des vingt-cinq millions de personnes infectées par le VIH qui vivent sur le sol africain. Quelle que soit l'ampleur des réductions tarifaires et sauf à imaginer que les firmes acceptent d'aller encore bien au-delà de se qu'elles font des budgets supplémentaires sont indispensables pour permettre l'accès à ces molécules tout en aidant point essentiel à l'organisation d'une réelle politique de santé incluant le dépistage, la sécurité transfusionnelle et la prise en charge médicale. Dans ce contexte, la France a, devant les Nations unies, redit sa volonté d'organiser une forme originale de jumelage de «solidarité hospitalière» entre les établissements de santé et les personnels de soins des pays du Nord et du Sud. Ce projet est défendu par l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Suisse, le Luxembourg, la Slovénie, la Suède et l'Irlande.Faut-il redire l'urgence d'un tel sujet ? «Le sida et ses ravages sont l'une des préoccupations majeures des pays de la Communauté de développement d'Afrique australe (SADC), dont le Conseil des ministres s'est réuni à Blantyre à la veille du sommet annuel de l'organisation organisé du 12 au 14 août» rapportait il y a quelques jours l'Agence France Presse. «Avec moins de 5% de la population mondiale, l'Afrique australe est la région où plus de 50% des habitants vivent avec le VIH et celle où se sont produites 60% des morts du sida, a rappelé le vice-président malawite Justin Malewezi en ouvrant ce Conseil préparatoire au sommet. Le sida «fait reculer le développement» et il n'existe aucune région où la maladie ait atteint de telles «proportions dramatiques». Selon les statistiques internationales, un adulte sur quatre est infecté par le virus au Swaziland, au Zimbabwe et au Lesotho, un sur cinq en Afrique du sud, Zambie et Namibie et enfin un sur six au Malawi. M. Malewezi a également mis en avant la nécessité pour les quatorze pays de la SADC de combattre la pauvreté et d'agir pour alléger le poids de la dette. Depuis New York et Genève, l'ONU entendra-t-elle ce message et si oui trouvera-t-elle des éléments de réponse ?