L'été, le bel été 2001, est là. Ce ne sont certes plus les chaleurs de l'enfance. Poulidor, Anquetil et Darrigade ont laissé la place à un américain ; un monstre froid qui trône trop aisément sur le Tour de France pour que l'on ne puisse voir là l'ombre portée du spectre du dopage. La chaleur, la belle chaleur qui plombait les vignobles de Bourgueil et qui fit les millésimes 1947, 1949, 1959 et 1964 est devenue une nouvelle menace faite d'ozone, de pic de pollution et d'alerte à la population automobile. Le cap du millénaire franchi et la planète se réchauffant, tout aurait-il perdu le goût d'autrefois ? Mais sans doute n'y a-t-il là que ratiocination, le fruit mâché du temps qui passe. Les enfants se passionnent toujours pour les maillots jaunes d'aujourd'hui et toujours pestent contre les siestes imposées par les mères qui leur interdisent de jouer sous le soleil.Eté 2001. La France s'étire sous la canicule, peine à s'indigner devant les accusations faites au Président de la République d'avoir utilisé, à des fins personnelles, des liasses de billets de 500. francs provenant des fonds secrets républicains, voire de sources inavouables. Les maires des grandes villes prennent des arrêtés «couvre-feu» que ne désavoue pas le Conseil d'Etat et qui visent à interdire la déambulation nocturne des mineurs non accompagnés dans les quartiers les plus défavorisés. La mode adolescente est aux «raves», ces regroupements festifs hors normes où circulent les produits illicites et euphorisants. En jachère dans son Luberon, le tout-Paris littéraire attend le prochain Houllebecq tandis que Bernard Franck et Jean d'Ormesson, l'un dans le Nouvel Observateur, l'autre dans Le Figaro, écrivent bellement chaque semaine comme ils pouvaient le faire au siècle précédent.Quant à la vache folle, pendant l'été, l'épidémie continue sa progression sur le Vieux continent. A La Haye, le ministère néerlandais de l'Agriculture annonce le 11e cas depuis le début de l'année. Macabre rituel : la vache, âgée de sept ans et les 105 autres bêtes du troupeau de vaches laitières d'une ferme d'Eerbeek, dans le centre du pays, ont été abattues. Il s'agissait, officiellement, du 19e cas d'ESB détecté aux Pays-Bas depuis 1997. En Italie, c'est le ministère de la Santé qui a pris la parole pour indiquer qu'un 21e cas avait été recensé. La bête, âgée de six ans, vivait en Lombardie. Le premier cas avait, officiellement, été diagnostiqué en janvier. De Barcelone : «un nouveau cas d'encéphalopathie spongiforme bovine a été détecté en Catalogne, dans le nord-est de l'Espagne, a annoncé lundi le gouvernement de la province autonome. Ceci porte à 42 le nombre de cas d'ESB recensés en Espagne. Il s'agit du troisième cas détecté en Catalogne depuis mars dernier. L'animal infecté, une vache âgée de sept ans provenant d'un élevage de la région de Gérone, a été abattu le 24 juillet ainsi que deux autres bêtes issues de la même exploitation, a précisé le gouvernement catalan».En France, 112 cas ont été confirmés depuis le début de l'année (61 dans le cadre du réseau d'épidémio-surveillance clinique ; 20 via l'épidémio-surveillance sur les bovins à risque et 31 grâce au dépistage systématique à l'abattoir des animaux âgés de plus de trente mois et destinés à la consommation humaine. Et la lutte quelque peu schizophrénique continue qui entend à la fois prévenir le risque et rassurer le consommateur. Le ministère de l'Agriculture vient ainsi d'entériner l'accord intervenu chez les professionnels de la viande pour renforcer l'étiquetage des viandes bovines. L'accord élaboré par l'Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes est rendu obligatoire par un arrêté publié au Journal officiel.Ce texte, qui complète le dispositif mis en uvre en 1997, vise à informer les consommateurs sur l'origine et la catégorie des bovins, qu'il s'agisse de génisses, vaches, jeunes bovins, taureaux ou bufs. Les étiquettes mentionnent déjà le pays d'abattage et le pays de découpe, précisions imposées par une réglementation communautaire le 1er septembre 2000. «Nous souhaitons que cet effort d'information et de transparence contribue à améliorer la confiance que les consommateurs accordent à la viande bovine française», précise le ministère. Un jour peut-être connaîtra-t-on le nom donné à la bête ; du moins si les éleveurs industriels donnent encore un nom à chaque tête de leur bétail. Rassurer le consommateur pour ne pas être la cible privilégiée de ceux qui ne vivent qu'en élevant des bovins
Toujours en première ligne, le ministre de l'Agriculture, Jean Glavany, se dit «excédé» devant la baisse continue du prix de la viande bovine au producteur et ce en dépit d'une reprise de la consommation.«Alors que la viande de buf a connu la plus grave crise de son histoire, son prix au producteur est au plus bas mais le prix de vente dans la grande distribution est au même niveau, voire plus élevé qu'avant la crise, déclare le ministre dans une interview accordée au quotidien Ouest-France. Certains utilisent le déficit de demande pour faire pression à la baisse sur les prix d'achat, sans pour autant répercuter l'ensemble de cette baisse auprès du consommateur». Selon les statistiques officielles, les prix des produits animaux ont baissé en juin de 1,6%. «Comment ne pas être scandalisé à l'idée que certains faiseurs d'argent importeraient de la viande bovine à très bas prix alors que nos éleveurs ont des difficultés à vendre leurs animaux ?» demande M. Glavany, qui rappelle que la viande française est étiquetée comme telle et que les consommateurs doivent aussi faire preuve d'«esprit critique». En clair, tant qu'à manger de la vache, mangeons de la vache tricolore. Bruxelles appréciera.