Cette enquête représente un sondage d'opinion auprès de différents groupes sur l'image de la maladie psychique et les soins prodigués par les services de la psychiatrie adulte publique de Genève. Elle a été effectuée dans le cadre d'une réflexion sur la réorganisation en cours. Les souhaits d'amélioration ont aussi été étudiés. Divers groupes ont été sollicités pour le sondage : patients, médecins privés, partenaires sociaux et collaborateurs de la clinique de psychiatrie adulte. Les résultats indiquent une nette tendance à l'amélioration de la représentation de la maladie psychique et la perception d'une ouverture de la psychiatrie adulte sur l'extérieur. Les souhaits s'orientent vers la demande d'une meilleure collaboration entre la psychiatrie adulte et les autres partenaires de soins. Une demande d'information large sur la maladie psychique et le fonctionnement des services de psychiatrie est également formulée, de même que la création de dispositifs de formation ouverts aux partenaires de soins. Enfin, la constatation qu'il existe une surcharge en psychiatrie est unanime.
Dans le cadre du processus de réorganisation de la psychiatrie genevoise, actuellement en cours, un groupe de travail a réalisé un sondage, en mars 2001, sur une période de deux semaines. L'objectif était de faire le point sur l'image de la maladie psychique et de la psychiatrie auprès des patients, comme auprès des professionnels.
Le questionnaire a été adressé aux patients de la clinique de psychiatrie adulte (hospitalisés ou suivis ambulatoirement), aux médecins privés, psychiatres, généralistes et internistes ainsi qu'aux associations de patients et aux services sociaux (partenaires sociaux). Ont aussi participé les collaborateurs de la clinique de psychiatrie adulte soit : les médecins, les infirmiers, les pluriprofessionnels de santé (psychologues, psychomotriciennes, ergothérapeutes, assistants sociaux et animateurs), ainsi que le personnel administratif et d'exploitation.
Le questionnaire écrit était anonyme et identique pour tous les groupes. Il comportait quinze questions à choix multiple ainsi que trois questions ouvertes portant sur les souhaits d'amélioration et les changements d'image de la maladie psychique et la psychiatrie adulte. Pour les collaborateurs, deux questions sur le degré de satisfaction dans leur emploi remplacaient les questions ouvertes sur les changements.
Le taux de réponses a été comparable et représentatif chez les psychiatres, les généralistes et les collaborateurs (tableau 1).
La qualité de l'accueil est jugée bonne par les trois quarts des patients. En revanche, seuls 36% des médecins privés et partenaires sociaux, ainsi que 41% des collaborateurs formulent la même appréciation.
Les réponses données sur la maladie ou le traitement sont estimées toujours claires par la moitié des patients. Pour les médecins privés et les partenaires sociaux, ce taux est de 13% seulement, il est plus élevé chez les collaborateurs : 35%.
L'explication du traitement médicamenteux (usage et effets) est considérée comme claire par deux tiers des patients. Ce pourcentage tombe à 30% chez les partenaires sociaux et les médecins privés, et à 56% chez les collaborateurs.
La compétence dans les traitements est reconnue bonne par les deux tiers des patients. Chez les médecins privés et les partenaires sociaux, cette appréciation est de 44%, alors qu'elle est de 57% chez les collaborateurs.
L'accès pratique aux structures de soins est jugé satisfaisant par plus des trois quarts des patients et des médecins privés et partenaires sociaux, cette proportion est plus faible chez les collaborateurs : 63%.
Pour bénéficier de soins spécifiques, deux tiers des patients seraient d'accord de changer de lieu de traitement. Les médecins privés, les partenaires sociaux et les collaborateurs sont 85% à estimer que les patients y seraient favorables.
La clinique de psychiatrie adulte serait recommandée à des proches par 83% des patients, par 55% des médecins privés et partenaires sociaux, et par 64% des collaborateurs.
La prise en compte de l'avis des patients pour leur traitement ne se ferait pas selon un tiers des patients hospitalisés, et selon 2% des patients ambulatoires. Les médecins privés et les partenaires sociaux sont 10% et les collaborateurs 3% à exprimer cette opinion.
La satisfaction des proches, quant aux relations entretenues avec la clinique de psychiatrie adulte, est estimée bonne par deux tiers des patients. Seuls 17% des médecins privés partagent cette appréciation, qui chute à 7% chez les partenaires sociaux. Elle est de 38% chez les collaborateurs.
L'organisation et l'information, liées aux sorties de l'hôpital ou changements de lieux de soins, sont satisfaisantes pour deux tiers des patients. Cette opinion est partagée par 32% des médecins privés, 17% des partenaires sociaux et 45% des collaborateurs.
La poursuite du traitement médicamenteux, au domicile, est clairement expliquée selon 95% des patients ambulatoires et 61% des patients hospitalisés ; 46% de médecins privés, 67% chez les partenaires sociaux et 66% de collaborateurs confirment cette appréciation.
L'information sur l'organisation des soins est jugée satisfaisante par la moitié des patients. Chez les psychiatres privés, seulement 18% jugent cette information satisfaisante, ce qui est supérieur à l'appréciation des autres médecins privés (généralistes et internistes) et partenaires sociaux : 8%. Quant aux collaborateurs, 31% partagent cette opinion.
L'organisation récente des soins, par spécificité de programmes, est mal connue. En effet, seuls 49% des psychiatres privés en connaissent l'existence, 14% des autres médecins privés (généralistes et internistes) et 29% des partenaires sociaux. Les collaborateurs ayant des activités de soins auprès des patients ont une meilleure connaissance des programmes (73%) que le personnel administratif et d'exploitation (31%).
Cinquante-huit pour cent des collaborateurs s'estiment tout à fait satisfaits du travail qui leur est confié. Toutefois, 13% des collaborateurs ont le sentiment d'être insuffisamment informés quant à l'organisation de leur travail.
L'image de la maladie psychique a changé selon les deux tiers des sondés, tous groupes confondus (fig. 1).
Les réponses aux questions ouvertes ont été regroupées par catégories et ordonnées selon leur fréquence d'apparition. Les résultats ci-dessous résument les représentations prédominantes quant aux changements de l'image de la maladie psychique.
Une tendance nette exprime que la honte et le tabou, entourant la maladie psychique, ont diminué ainsi qu'en atteste la réponse extrêmement fréquente «la maladie mentale n'est plus assimilée à la folie». La maladie psychique serait plus perçue comme une maladie dont on peut parler avec moins de craintes d'être stigmatisé. Elle devient également considérée comme une affection traitable. L'amélioration apportée par les nouveaux traitements médicamenteux, avec la possibilité d'une meilleure intégration des patients dans la société, est souvent soulignée.
Le recours au psychiatre se fait plus facilement et certaines affections sont plus connues telles que la dépression. Par ailleurs, l'usage des psychotropes semble se banaliser, y compris auprès de nouveaux groupes (adolescents, adultes ne souffrant pas d'une affection psychiatrique majeure) et la frontière entre «normaux» et «malades» serait moins nette qu'auparavant. Enfin, certains mettent en relation l'émergence de certains troubles psychiques avec des changements intervenus dans le contexte social (récession, fragilisation des familles).
La moitié des réponses indique un changement dans l'image de la psychiatrie adulte (fig. 2). Les répondants qui relèvent une absence de changements ajoutent parfois des commentaires, témoignant d'une insatisfaction. L'analyse qualitative des réponses aux questions ouvertes, sur la présence d'un changement d'image, indique deux tendances prédominantes.
La première tendance souligne des changements positifs. Au premier plan, il apparaît que la psychiatrie adulte n'a plus l'image d'une psychiatrie asilaire. En effet, si le milieu hospitalier fait encore peur, il n'est plus décrit comme «carcéral». Parallèlement, l'amélioration et le développement des soins ambulatoires sont mis en évidence. Un grand effort d'ouverture de la clinique sur l'extérieur (meilleures collaborations avec les soignants, les proches, les associations ou encore, manifestations ouvertes au public) est constaté.
La seconde tendance indique des changements plutôt défavorables concernant plus des éléments concrets que l'image proprement dite. La surcharge de la psychiatrie adulte et la péjoration des conditions d'hospitalisation sont particulièrement relevées. Quelques réponses font état d'un sentiment de flou. A l'origine de ce dernier, sont mentionnées : les réorganisations successives, l'instabilité liée au tournus des médecins ou des cadres, ainsi que la difficulté à connaître les orientations théoriques des soins. De plus, les modifications d'intitulés fréquentes et les désignations des services par abréviations ou acronymes sont évoquées comme contribuant à la confusion.
Le souhait que se poursuivent les efforts de vulgarisation et de démystification, initiés par les médias et par la clinique de psychiatrie est très souvent exprimé. Chez les médecins privés comme chez les partenaires sociaux, émerge une demande de formation, sous forme de conférences ou de colloques, voire de conseils, donnés par la clinique de psychiatrie adulte.
Une seconde tendance forte a trait au souhait de l'amélioration de la collaboration, jugée encore insuffisante, entre les secteurs privés et publics, autour des soins et suivis des patients. Il émane en particulier, des critiques quant aux délais apportés aux lettres de sortie, voire à leur absence, quant à la difficulté à obtenir des contacts téléphoniques avec les soignants et quant au manque de préparation des sorties.
Le souhait d'une diminution de la surcharge est unanime et souvent accompagné de demandes d'augmentation de personnel soignant. L'amélioration des locaux et la mise à disposition de plus de chambres à un ou deux lits maximums, sont fréquemment demandées.
Des desiderata de soins spécifiques apparaissent, quant au besoin de structures de soins d'urgence autres que l'hospitalisation, quant au besoin de protéger les patients de la violence. Il émane une demande de soins ciblés, par exemple, pour les dépressions réactionnelles, pour les problématiques mixtes somato-psychiques sévères, pour les premiers séjours hospitaliers. Le souhait de lieux de vie offrant un encadrement soignant et social après les hospitalisations est majeur.
Enfin, des souhaits de soins plus orientés vers la compréhension globale du patient intégrant les aspects émotionnels, relationnels et sociaux sont exprimés par tous les groupes.
Pour la qualité des soins, les réponses des patients témoignent d'une plus grande satisfaction que celles des autres groupes. Ce résultat peut être interprété de diverses manières, soit les patients qui ont accepté de répondre sont les plus satisfaits des soins ce qui serait un biais d'échantillonnage, soit les attentes des professionnels sont plus idéalistes, rendant leur jugement plus critique.
Les collaborateurs ont en moyenne une meilleure appréciation de la qualité des soins que les professionnels externes. Il est possible que les carences de communication et d'information relevées contribuent à un sentiment d'insatisfaction qui se manifeste par des jugements plus critiques.
Pour les partenaires sociaux, la satisfaction des proches, l'organisation des sorties et la compétence dans les soins sont perçus comme des points faibles. On peut supposer que ces partenaires suivent plus particulièrement, sur le long terme, des patients fragilisés présentant des situations complexes, sur le plan médical et social. Ce serait donc pour ce type de suivi, nécessitant une étroite collaboration entre les partenaires de soins, que les carences apparaîtraient les plus accusées. D'autre part, les partenaires sociaux ne faisant pas partie du monde médical, ils sont peut-être plus exposés à recevoir les plaintes des personnes en contact avec la psychiatrie.
L'image de la psychiatrie adulte, mise en évidence par ce sondage, indique des points faibles auxquels il peut être remédié. La clarté de l'information relative aux programmes de soins apparaît comme une priorité, ainsi qu'une meilleure collaboration avec les familles, les médecins privés et les partenaires sociaux, permettant une prise en soins plus globale du patient.
La diffusion des connaissances en psychiatrie et l'appui, auprès des professionnels externes, sont largement demandés et leur mise en uvre constituerait un moyen privilégié pour poursuivre les efforts d'ouverture de la psychiatrie adulte.
Enfin, les progrès à réaliser en termes de communication et de qualité des soins sont à mettre en relation avec les moyens octroyés et la constatation unanime de la surcharge des services.
En conclusion, cette enquête, malgré ses limites, indique quelques pistes utiles et mériterait de pouvoir être comparée avec d'autres et répétée.
Certains items de ce questionnaire sont issus de l'étude de satisfaction parue dans CHUV Magazine, no 9, juillet 2000.