La loi sur la procréation médicalement assistée (LPMA) et son ordonnance sont entrées en vigueur le 1er janvier 2001. Le don de sperme est assimilé aux techniques de procréation médicalement assistée. Dans cette loi, la garantie du bien de l'enfant est érigée en principe fondamental et exige que les couples concernés soient informés de manière circonstanciée. L'enfant issu de dons peut connaître à sa majorité l'identité du donneur. L'action en désaveu vis-à-vis du père social est exclue. La Suisse est actuellement le seul pays des nations qui nous entourent à avoir organisé la récolte des données. L'ordonnance sur le contrôle du sang, des produits sanguins et des transplants entrée en vigueur le 1er juillet 2001, définit les examens obligatoires à effectuer chez le donneur visant à éviter la transmission de maladies sexuelles à la mère et génétique à l'enfant.
La pratique de l'insémination artificielle avec sperme de donneur (IAD) a été pendant des décennies la principale réponse au problème de stérilité masculine. Actuellement, les demandes de recours à l'IAD ont fortement ralenti au profit de nouvelles techniques telle l'ICSI (microinjection intracytoplasmique d'un spermatozoïde) apparue au début des années 90.1 L'IAD n'est pas une thérapeutique au sens habituel de la stérilité car il ne traite pas la stérilité masculine mais remplace les gamètes absents par ceux d'hommes volontaires et anonymes. Le 17 mai 1992, les cantons et le peuple, avec 73,8% de «oui», ont accepté l'article 24novies de la Constitution sur la protection de l'homme et de son environnement contre les abus en matière de techniques de procréation et de génie génétique. Cet article n'interdit pas la procréation médicalement assistée, mais il lui fixe des limites. Il est à noter que la loi adoptée, de par ses interdictions (le don d'ovocyte, la recherche sur l'embryon, le diagnostic préimplantatoire...), est une des plus restrictives d'Europe.2 L'insémination artificielle utilisant le sperme d'un donneur est assimilée aux techniques de procréation médicalement assistée. Le recours au don de sperme est accepté sous couvert d'un certain nombre de conditions que nous détaillerons dans cet article. L'article 24novies comporte plusieurs dispositions relatives à la bioéthique, en particulier «l'accès d'une personne aux informations relatives à son ascendance est garanti». Le lancement d'une initiative pour une procréation «respectant la dignité humaine» a été annoncé lors de la votation sur l'article 24novies. Cette initiative visait à interdire d'une manière générale la conception hors du corps de la femme (fécondation in vitro) et le recours à des gamètes de tiers pour la procréation assistée (méthodes hétérologues). Si cette initiative avait été acceptée, la Suisse aurait été le seul pays en Europe à avoir une réglementation interdisant la fécondation in vitro et l'insémination hétérologue. Le peuple helvétique s'est prononcé le 12 mars 2000 et a massivement rejeté l'initiative à raison de 71,8% de «non». Tous les cantons ont refusé. La loi fédérale du 18 décembre 1998 sur la procréation médicalement assistée (LPMA) est entrée en vigueur au 1erjanvier 2001, ainsi que son ordonnance d'application (OPMA) du 4 décembre 2000. Dans cette loi, la garantie du bien de l'enfant est érigée en principe fondamental et exige que les couples concernés soient informés de manière circonstanciée. Il est à relever que l'article 28 de la LPMA institue une Commission nationale d'éthique en lieu et place de la Commission centrale d'éthique de l'Académie suisse des sciences médicales créée en 1979. Le Conseil fédéral règle dans une ordonnance (OCNE) les tâches, la composition et l'organisation de la commission nationale d'éthique. Cette commission, indépendante et strictement consultative, suit l'évolution scientifique dans l'ensemble du domaine de la médecine humaine et élabore des recommandations en matière de pratique médicale. Elle a, par ailleurs, un rôle d'information. Ses membres (18 à 25) sont nommés par le Conseil fédéral pour quatre ans renouvelables au maximum trois fois.
L'article 2 de l'OPMA spécifie que tout médecin désirant pratiquer la PMA doit être titulaire du titre postgrade en gynécologie-obstétrique avec une formation approfondie en endocrinologie gynécologique et en médecine de la procréation. De plus, le demandeur doit avoir l'autorisation cantonale d'exercer la profession à titre indépendant. Toutefois, si le médecin entend pratiquer uniquement l'IAD, seul le titre postgrade fédéral en gynécologie-obstétrique suffit ainsi que l'autorisation cantonale.
Le laboratoire est aussi soumis à un certain nombre d'obligations. Il doit être dirigé, selon l'art. 4, par un médecin ou une personne ayant la formation universitaire adéquate (biologiste, microbiologiste, pharmacien, etc.). De plus, toute personne qui entend pratiquer le don de sperme doit exposer dans sa demande les moyens qu'elle veut mettre en uvre pour recruter les donneurs et les informer sur la situation juridique. Elle doit aussi faire part des moyens utilisés pour écarter les risques de transmission de maladies sexuellement transmissibles ou de maladies génétiques. Ceci implique l'utilisation de sperme congelé pour les inséminations hétérologues. Enfin, toute personne pratiquant le don de sperme doit garantir une consignation sûre des données. Ces données concernent, entre autres, l'identité du donneur, sa profession, la date du don de sperme, son aspect physique et ses résultats d'examens médicaux.
Les dons de sperme sont assimilés à des transplants. Le Conseil fédéral a fixé au 1er juillet 2001 l'entrée en vigueur de la loi fédérale du 8 octobre 1999 et son ordonnance du 23 mai 2001 sur le contrôle du sang, des produits sanguins et des transplants. L'ordonnance définit entre autres les examens sanguins obligatoires à effectuer chez les donneurs. Quiconque aura omis de tester le donneur et par conséquent le risque de transmission de maladie sexuellement transmissible s'expose à un maximum de 200 000. francs d'amende et cinq ans de prison au plus (art. 32). L'importation ou l'exportation à partir de la Suisse de paillettes est soumise à une autorisation d'exploitation délivrée par le service fédéral compétent. Un rapport annuel d'activité est adressé à l'autorité cantonale qui transmet les données à l'Office fédéral de la statistique. Cet organisme peut exploiter ces données et les publier. Le don de sperme doit être gratuit, mais le remboursement des coûts directs occasionnés au donneur est accepté.
Seul un couple marié peut recourir au don de sperme (art. 3, al. 3). L'article 5 définit les limites de l'utilisation du don de sperme. Les indications à recourir à l'insémination par sperme hétérologue sont :
I Une infertilité masculine absolue ou sévère considérée comme irréversible.
I Une impossibilité ou un refus de recourir à l'ICSI.
I Un risque de transmission d'une maladie génétique ou celui d'une maladie grave (par exemple si l'homme est porteur du virus du sida).
Le droit suisse interdit, par conséquent, l'insémination de femmes seules ou de couples homosexuels.
Les couples doivent être informés de manière circonstanciée. Les implications psychiques du don doivent être abordées et une assistance psychologique proposée au couple. Un délai de réflexion de quatre semaines devrait être observé entre l'entretien médical et le début du traitement. Le consentement éclairé et écrit du couple est requis.
Les donneurs doivent être choisis exclusivement en fonction de critères médicaux. Le risque de transmission de maladies sexuellement transmissibles doit être écarté autant que possible. L'article 25 de l'ordonnance sur le contrôle des transplants définit les tests obligatoires à pratiquer (tableau 1). Le sperme congelé est gardé en «quarantaine» au minimum six mois. Nous excluons du don les hommes ayant eu des antécédents de pratiques homosexuelles, de toxicomanie ou de rapports sexuels avec des prostituées. Certaines équipes proposent d'inclure les donneurs pour autant que ces pratiques remontent à plus de cinq ans.3 Dans le cadre de la banque de sperme du CHUV, les donneurs sont testés tous les trois mois. Le risque de transmission d'une maladie génétique à l'enfant doit être absolument évité. La normalité du caryotype et l'absence de mutations de la mucoviscidose ont été contrôlées avant l'utilisation des dons. Il n'existe pas de législation réglementant les examens génétiques à effectuer. La Société d'andrologie britannique propose de compléter le bilan génétique en fonction de l'ethnie du donneur, par exemple la recherche de la ß-thalassémie chez les Méditerranéens ou de la drépanocytose chez les Africains.4 Au premier entretien, les donneurs sont renseignés quant à la teneur de la LPMA et un exemplaire de cette dernière leur est fourni. Il leur est spécifié qu'ils ne peuvent donner leur sperme qu'à un seul centre et que le nombre maximal d'enfants issus de leurs dons est limité à huit. Une anamnèse soigneuse est prise et, pour autant que le donneur satisfasse aux conditions en vigueur, un contrat est signé. Les données physiques du donneur (poids, taille, groupe sanguin, couleur des cheveux, des yeux et de la peau) sont consignées. Un rendez-vous pour un spermiogramme est alors agencé. Ce n'est que si la qualité du sperme permet sa congélation que nous effectuerons les examens complémentaires infectieux et génétiques. La correspondance entre l'aspect physique et le groupe sanguin du père génétique et du père social est l'élément déterminant dans le choix du donneur à attribuer.
La LPMA reconnaît aux enfants à naître le droit à la connaissance de leurs origines génétiques. L'article 27 spécifie que l'enfant âgé de 18 ans révolus peut obtenir de l'Office fédéral de l'état civil les données concernant l'identité du donneur et son aspect physique. Il peut demander à rencontrer le donneur, mais ce dernier peut refuser. S'il existe un intérêt légitime, l'enfant a le droit d'obtenir ces données à n'importe quel âge. A la naissance de l'enfant, l'identité, le domicile, la nationalité et le lieu de naissance du couple receveur, du donneur et de l'enfant sont communiqués confidentiellement à l'Office fédéral de l'état civil à Berne qui tient un registre.
L'enfant conçu au moyen d'inséminations hétérologues ne peut contester le lien de filiation à l'égard de son père social et l'action en paternité contre le donneur est exclue.
La LPMA a érigé en principe fondamental le bien de l'enfant. Ceci se traduit en particulier par la possibilité à ce dernier de connaître ses origines génétiques. La loi laisse libre chaque couple de décider l'attitude qu'il adoptera vis-à-vis du secret de l'origine de la grossesse. En Europe, les lois anglaise, espagnole et suisse sont les seules à résoudre explicitement le problème des origines des enfants issus de don. Les lois anglaise et espagnole permettent à l'enfant d'accéder à des renseignements généraux sur les donneurs mais pas à leur identité (excepté si la santé de l'enfant l'exige). L'Allemagne et la Suisse sont les deux pays européens à considérer le droit de connaître ses origines génétiques comme garanti dans la constitution (tableau 2). Il est toutefois à relever que seule la Suisse a organisé la récolte des données et les centralise.
L'article 23 de la LPMA protège le donneur en établissant que l'enfant ne peut renier le mari de sa mère et que l'action en paternité contre le donneur est exclue. En Allemagne, la situation est tout autre. L'enfant peut, à sa majorité, dans un délai de deux ans, dans la mesure où il a connaissance de faits laissant douter de la paternité du mari ou du conjoint de sa mère, la désavouer. Une fois la filiation paternelle contestée avec succès, rien n'empêche qu'une action en paternité établisse un lien de filiation entre l'enfant et le donneur.
Pratiquement, nous avons constaté que la levée potentielle de l'anonymat a rendu plus difficile le recrutement des donneurs. Toutefois, la difficulté à recruter des donneurs existe aussi dans les pays où l'anonymat est un droit absolu. Par exemple en France, les CECOS (centres d'étude et de conservation du sperme humain) sont chroniquement en manque de dons. Contrairement à la Suisse, les donneurs doivent avoir prouvé leur fertilité et l'épouse (ou la concubine) doit avoir donné son accord aux dons...
La comparaison des législations des pays européens qui nous entourent est particulièrement intéressante (tableau 2). Elle est révélatrice de toute la complexité liée à la PMA au point de vue médical, juridique, biologique, social, éthique, et philosophique. La création de la Commission nationale d'éthique pour la médecine humaine, dirigée par le philosophe bâlois Christophe Rehmann-Sutter entend suivre l'évolution de la médecine et prendre position sur les questions que soulèvent ces domaines. Cette Commission indépendante et multidisciplinaire conseille l'Assemblée fédérale, le Conseil fédéral et les cantons sur ces questions difficiles que soulève la PMA.
La LPMA et son ordonnance (OPMA) ont comme avantage concret de procurer une protection adéquate à l'enfant et au donneur. Malgré certaines contradictions,5 cette loi offre une approche simple et transparente de l'insémination hétérologue. Elle règle le problème des origines de l'enfant issu des dons. La création d'une Commission nationale d'éthique indépendante des milieux médicaux devrait aider le législateur à adapter les lois en fonction de l'évolution des sciences, des murs et des mentalités.