Cette technique diagnostique nouvelle est une alternative à la biopsie chirurgicale. Elle a sa place en cas de découverte d'anomalies mammographiques sans traduction clinique ou échographique.
Le dépistage du cancer du sein par mammographie est une méthode sensible, mais dont la valeur prédictive positive reste faible. En effet en moyenne, sur mille mammographies, cinquante présentent une anomalie, cinq à sept correspondent à un cancer. Pour rendre acceptable l'effet négatif de ce taux élevé de faux positifs, la généralisation du dépistage doit s'accompagner de l'utilisation de méthodes diagnostiques performantes et peu invasives. Les opacités mammographiques ont souvent une traduction échographique permettant la réalisation d'une biopsie percutanée, alors que la découverte d'un foyer de microcalcifications ou d'une opacité mammographique sans traduction échographique conduit le plus souvent à la réalisation d'une biopsie chirurgicale. Pour des microcalcifications, le rendement biopsique de la biopsie chirurgicale, défini par le nombre de cancers diagnostiqués par rapport au nombre de biopsies chirurgicales, n'est que de 30 % dans le programme pilote de dépistage du canton de Vaud qui s'est déroulé entre 1993 et 1998. En l'absence de méthode diagnostique percutanée, sept femmes sur dix ont subi une biopsie chirurgicale pour une pathologie mammaire bénigne.1 Pour les femmes présentant une pathologie maligne lors de la biopsie chirurgicale, une deuxième opération peut être nécessaire pour assurer un contrôle local adéquat, en particulier des tranches de section passant en tissu sain et procéder au traitement loco-régional y compris le curage axillaire. Toute image suspecte devrait conduire à réaliser une biopsie percutanée, afin de diminuer le nombre d'interventions chirurgicales pour des pathologies bénignes et de mieux planifier les opérations de cancer.2
Le développement de l'imagerie digitale autorisant l'acquisition en temps réel des images stéréotaxiques pour la localisation des lésions mammographiques d'une part et l'introduction d'une nouvelle aiguille (Mammotome ® Johnson and Johnson) d'autre part permet de réaliser des prélèvements tissulaires adéquats et peu traumatisants. Il s'agit de la biopsie mammaire micro-invasive assistée par le vide et contrôlée par mammographie stéréotaxique appelée communément «biopsie stéréotaxique avec Mammotome ®» (BSM).
La première étape de la BSM consiste à localiser précisément l'anomalie dans le sein par un examen en stéréotaxie numérique. La deuxième étape permet le prélèvement par la sonde.
La patiente est installée sur une table de biopsie qui est couplée à un appareil de mammographie stéréotaxique possédant une numérisation directe par caméra, procurant une bonne résolution spatiale de l'ordre de onze paires de lignes par millimètre et offrant une visualisation immédiate du cliché sur écran d'ordinateur.
Il existe deux types de table. Les premières combinent un appareil de mammographie standard à un système de stéréotaxie digitale. Elles sont polyvalentes, mais la patiente doit rester assise pendant toute la procédure. Les deuxièmes types sont dédiés uniquement à la stéréotaxie numérique. D'un prix plus élevé, elles permettent à la patiente d'être installée confortablement en procubitus et offrent un meilleur accès au sein. Celui-ci est placé au travers d'une ouverture de la table sous laquelle se trouve l'appareil de stéréotaxie (fig. 1 b).
La localisation stéréotaxique de la lésion se fait par deux clichés décalés d'un angle de 30°, permettant à l'ordinateur, par calcul trigonométrique, de localiser dans l'espace l'objet à biopsier (fig. 2a et b). Les coordonnées de la cible sont transmises au bras robotisé semi-automatique sur lequel la sonde est montée. Après une désinfection du sein, une anesthésie locale et une petite incision cutanée, le bras robotisé se positionne en face de la lésion à biopsier, l'avancement en profondeur étant effectué manuellement selon les informations de l'ordinateur. L'avancement des 19 derniers millimètres s'effectue par un mécanisme automatique à grande vitesse (fig. 1c). Cette étape est nécessaire pour vaincre la résistance et l'élasticité du tissu mammaire. Les microcalcifications ou les opacités sont en effet souvent circonscrites d'une zone de fibrose qu'un avancement lent risque d'écarter. Une fois la sonde positionnée au centre de la cible, les prélèvements sont effectués. Cette sonde se compose d'une aiguille coaxiale d'un diamètre de 11 G (3 mm), et porteuse d'une ouverture latérale au travers de laquelle un système de vide aspire le tissu mammaire. Cette ouverture latérale est alors fermée par un couteau cylindrique tournant à grande vitesse (fig. 1a). Le prélèvement ainsi obtenu est aspiré à l'extérieur du sein sans devoir retirer et repositionner l'aiguille, ce qui diminue l'agressivité du geste. En faisant subir un mouvement de rotation à la sonde, il est donc possible de répéter ces prélèvements selon une rotation de 360° autour de l'axe de la sonde. On effectue habituellement deux rotations permettant d'emporter seize prélèvements, dont le volume total varie de 1,2 à 1,8 cm3.3 Grâce au système d'aspiration, tout saignement peut être évacué. Les prélèvements sont ensuite radiographiés pour confirmer la présence des microcalcifications (fig. 2g). En fin de procédure, le site de biopsie est marqué d'un clip de titane passé à travers la sonde. Ce clip devra guider la tumorectomie si l'histologie révèle une pathologie maligne (fig. 2h). Après la biopsie, une compression manuelle est exercée pendant quinze minutes environ, suivie d'une application de froid d'une durée identique. La patiente est revue une heure plus tard afin de vérifier qu'aucun hématome ne s'est formé. Le repos à domicile pour douze heures est conseillé à la patiente. Le temps d'intervention est de 30 à 45 minutes et la prise en charge globale de 90-120 minutes. S'agissant du prix de l'intervention, l'OFAS ne s'est pas encore prononcé. Quoi qu'il en soit, cette approche diagnostique est donc moins chère, moins invasive et plus rapide à réaliser qu'une biopsie chirurgicale.2
La BSM est une méthode diagnostique.4 Si le résultat de la biopsie démontre des signes de malignité, une prise en charge chirurgicale est indispensable.4,5 Elle est idéale dans l'investigation des foyers de microcalcifications de nature indéterminée.4 En revanche, il n'est pas indiqué de procéder à l'ablation des micro-calcifications d'aspect bénin, correspondant à un fibro-adénome, à une maladie sécrétante ou à une ancienne cicatrice par exemple. L'indication à la BSM des foyers de microcalcifications d'aspect franchement malin est discutable.6 La BSM doit permettre d'affirmer l'existence d'un cancer invasif et/ou intracanalaire pour permettre une prise en charge chirurgicale optimale. Il faut donc que le volume de tissu mammaire emporté soit représentatif de la lésion. Le foyer suspect ne devrait donc pas mesurer plus de 2 cm.
L'indication à la biopsie d'une opacité mammographique est plus rare, bien qu'elle ne pose aucun problème technique. Nous ne l'effectuons que si elle n'a pas de traduction échographique, la biopsie écho-guidée étant un geste plus simple, moins traumatisant et moins coûteux qu'une BSM.
Les seules contre-indications réelles sont celles liées à des troubles de la coagulation. Si des anomalies sont mises en évidence par le laboratoire ou l'anamnèse, la biopsie est différée et des examens complémentaires sont requis. Si un problème de coagulation ne peut pas être corrigé, il est préférable de renoncer à la procédure percutanée et de procéder à une biopsie chirurgicale à ciel ouvert (permettant un meilleur contrôle de l'hémostase).
Si un saignement survient durant la biopsie, il signe soit l'effraction d'une artériole, soit la présence d'une zone d'hyperémie. Ce saignement ne doit pas empêcher la poursuite de la biopsie, mais nécessite le maintien d'une aspiration constante pour empêcher la formation d'un hématome.3 En fin de procédure, une compression adéquate permet de juguler ce saignement. Le nombre d'hématomes imposant une reprise chirurgicale ne dépasse pas 1%.7 Par ailleurs, les tissus profonds tels que ceux de la paroi thoracique ou de la plèvre ne peuvent pas se trouver dans la zone cible de la biopsie et ne seront donc pas lésés. Chaque procédure percutanée s'accompagne d'une contamination potentielle le long du trajet de ponction8 qui peut mettre le pathologiste en difficulté au moment d'une éventuelle reprise chirurgicale9 et dont la signification biologique n'est pas établie. Quelques travaux démontrent qu'il n'y a pas de différence sur la survie ni sur les récidives loco-régionales.10,11
La BSM a également ses limites. Les lésions trop proches de la paroi thoracique et celles de la partie haute du prolongement axillaire, des seins de petite taille et des foyers de microcalcifications très fins ne se prêtent pas bien à cette manuvre. Ces limitations dépendent de la table dont on dispose et de la morphologie de la patiente. Pour les confirmer, il importe d'installer cette dernière sur la table de stéréotaxie et de calculer la cible avant de conclure à l'impossibilité d'effectuer l'acte.3
La BSM est donc une procédure diagnostique.4 Le fait d'enlever toute l'image radiologique ayant révélé un cancer ne signifie pas que le processus pathologique a été totalement extirpé.5 La prise en charge de la patiente dépend du résultat histologique. En cas de carcinome canalaire invasif, de carcinome intracanalaire ou de carcinome lobulaire invasif, une tumorectomie emportant le lit de biopsie, centré par le clip, est indispensable.4 En cas d'hyperplasie canalaire atypique12 et de carcinome lobulaire in situ,13 une biopsie chirurgicale est nécessaire pour éviter de sous-estimer une lésion. L'indication à une biopsie en cas d'hyperplasie lobulaire atypique reste discutable.14 Le taux de faux négatifs de la BSM est comparable à celui des biopsies chirurgicales et se situe entre 2 et 5%.3
Cette technique met en jeu des appareils de mammographie. Elle doit donc être pratiquée par des médecins connaissant bien leur fonctionnement et la sémiologie mammographique. Il s'agit donc en principe de radiologues spécialisés en sénologie. Une étude récente a montré qu'elle nécessite une courbe d'apprentissage, le nombre de cas nécessaires étant d'au moins vingt patientes.15
Le succès de la BSM ne se limite pas uniquement à la réussite du geste technique. Il repose sur une collaboration multidisciplinaire et doit conduire à une meilleure prise en charge des patientes. L'indication à la BSM doit être posée conjointement par le clinicien et le radiologue. Ceux-ci doivent collaborer avec le pathologiste, dont le travail se trouve modifié de façon notable. Si le résultat histologique met en évidence une anomalie nécessitant une intervention chirurgicale, celle-ci sera décidée par l'ensemble des intervenants.