Les intoxications médicamenteuses aiguës sont une cause fréquente d'admission dans les services d'urgence. L'un des buts de la prise en charge est la décontamination digestive qui consiste à limiter l'absorption systémique de la substance présente dans le tube digestif. Cet article discute des diverses méthodes de décontamination digestive à la lumière des prises de position récentes communes de l'American Academy of Clinical Toxicology (AACT) et de l'European Association of Poisons Center and Clinical Toxicologist (EAPCCT), qui ont revu la littérature de façon extensive. Des recommandations de prise en charge sont également proposées.
Les intoxications médicamenteuses aiguës sont une cause fréquente d'admission dans les services d'urgence, estimée entre un et trois cas pour mille habitants par année, avec une mortalité inférieure à 1%.1 L'un des buts du médecin-urgentiste est d'identifier rapidement les cas à risque de développer de sérieuses complications suite à l'absorption de substances à fort potentiel toxique (tableau 1) : ces patients doivent bénéficier d'un traitement visant soit à diminuer l'absorption digestive, soit à réduire la toxicité par l'administration d'antidotes.
Les buts de la prise en charge des intoxications médicamenteuses sont bien connus (tableau 2), mais les indications et la validité de ces différents traitements restent discutées.2
En 1993, la Société de réanimation de langue française, dans une conférence de consensus,3 a précisé la place des différentes méthodes d'épuration digestive dans la prise en charge des intoxications aiguës. Ces recommandations visaient notamment à réduire le nombre de lavages gastriques, et tout particulièrement dans les cas inutiles comme les ingestions de produits dépourvus de toxicité, les intoxications par des produits à des doses inférieures aux doses toxiques, les intoxications aux benzodiazépines et hypnotiques apparentés et les intoxications aux opiacés. Les effets de ces recommandations ont été étudiés4 et on relève deux ans après leur parution une diminution de 83,5% du nombre de lavages gastriques ainsi qu'une augmentation de 92,3% de la prescription de charbon activé.
Cet article discute des diverses méthodes de décontamination digestive en se basant sur plusieurs prises de position que l'American Academy of Clinical Toxicology (AACT) et l'European Association of Poisons Center and Clinical Toxicologist (EAPCCT) ont publié depuis 1997,5après une revue extensive de la littérature sur les méthodes de décontamination digestive.
Il s'agit d'une substance préparée à partir des racines de la plante Cephalis ipecacuanha, qui induit des vomissements par un mécanisme à la fois périphérique en stimulant les récepteurs de la muqueuse gastrique et central par stimulation de la zone chimio-réceptrice de l'area postrema du cerveau. Lors de l'administration d'une posologie adéquate, presque tous les patients vomissent après 25 à 30 minutes. Le sirop d'ipéca a été longtemps utilisé comme premier agent pour prévenir la toxicité des substances ingérées. Les doses proposées sont de 15 à 30 ml suivies de l'administration de 250 ml d'eau.
Les contre-indications à l'administration de sirop d'ipéca6 sont la compromission des réflexes de protection des voies aériennes, l'ingestion d'hydrocarbures, de substances caustiques ou de substances capables de diminuer les réflexes de protection des voies aériennes à court terme. La prudence est également de rigueur si les vomissements induits risquent d'aggraver la situation clinique (patients âgés, débilités). L'administration de sirop d'ipéca peut être compliquée par des vomissements persistants, des diarrhées, une léthargie avec obnubilation pouvant concerner jusqu'à 15% des patients.6 On rapporte également des syndromes d'aspiration avec pneumonie ainsi que des syndromes de Mallory-Weiss. Son utilisation peut en outre entraîner un délai dans l'administration du charbon activé et réduire son efficacité, de même que celle d'antidotes administrés par voie orale ou de l'irrigation intestinale. Des études menées chez des volontaires ont montré un taux de récupération de substances ingérées très variable, mais qui était globalement fonction du délai entre l'administration de la substance et le début des vomissements.6
Les études cliniques sont peu nombreuses, et la plupart ont exclu l'utilisation du sirop d'ipéca lors des intoxications sévères. Dans une étude contrôlée prospective randomisée, portant sur 592 patients présentant une intoxication médicamenteuse aiguë, Kulig7 a montré que l'induction de vomissements par le sirop d'ipéca avant l'administration de charbon activé et d'un laxatif ne modifie pas significativement l'évolution. Dans cette étude, le sirop d'ipéca avait d'autre part retardé de 2,2 heures en moyenne l'administration de charbon activé.
Dans deux autres études prospectives randomisées et contrôlées,8,9 il n'y avait aucun bénéfice clinique de l'une ou l'autre des techniques de vidange gastrique (dont l'administration de sirop d'ipéca) sur une simple aspiration gastrique suivie de l'administration de charbon activé. L'AACT et l'EAPCCT6ne reconnaissent plus d'indication à l'administration de sirop d'ipéca de routine aux urgences, mais soulignent que les données sont insuffisantes pour supporter ou exclure son utilisation peu après une ingestion médicamenteuse toxique. En conclusion, l'administration de sirop d'ipéca n'a plus sa place dans la prise en charge des patients admis aux urgences pour une intoxication médicamenteuse aiguë.
En 1822, deux publications indépendantes sont parues sur l'utilisation d'une nouvelle méthode appelée «lavage gastrique», qui allait devenir une procédure standard largement utilisée dans le traitement des patients intoxiqués. Il consiste en la mise en place d'un tube oro-gastrique de gros diamètre et en l'administration séquentielle suivie de l'aspiration de petits volumes de liquide. Il existe des contre-indications10 reconnues au lavage gastrique (tableau 3). Les complications du lavage gastrique sont une cyanose temporaire et un laryngospasme durant la procédure, surtout chez les patients oppositionnels, des hémorragies conjonctivales, un traumatisme mécanique de l'intestin, une pneumonie d'aspiration essentiellement chez les patients avec des troubles de l'état de conscience ou ayant ingéré des hydrocarbures, une intoxication à l'eau en cas de lavage excessif, des arythmies ainsi qu'une augmentation de l'absorption de la substance.10
Des études menées chez des volontaires10 ont montré un taux de récupération des marqueurs très variable, allant de 90% si la procédure était effectuée cinq minutes après l'absorption à 30% en moyenne si elle l'était dans un laps de temps moyen de vingt minutes. Une étude endoscopique a en outre montré qu'après un lavage gastrique, 88% des patients avaient toujours des résidus médicamenteux ou alimentaires dans l'estomac.11 Il a de plus été démontré que le lavage gastrique peut propulser une partie du contenu gastrique dans l'intestin grêle, augmentant potentiellement la quantité de substance toxique absorbable.12
Les études cliniques effectuées sur des cas d'intoxications non sélectives sont peu nombreuses. Dans une étude rétrospective13 portant sur l'efficacité du lavage gastrique effectué sur 76 patients, le taux de récupération du toxique a été médiocre lorsque le lavage était pratiqué plus de deux heures après l'ingestion, sauf en cas d'ingestion massive ou d'intoxication par antidépresseurs tricycliques. Dans une étude prospective8 évaluant l'efficacité de la vidange gastrique chez des patients symptomatiques, dont 33% étaient intubés, la vidange gastrique n'a pas modifié significativement la durée du séjour aux urgences, la durée de l'intubation ou la durée du séjour aux soins intensifs, mais elle était en revanche associée à la survenue plus fréquente de pneumonie d'aspiration et d'admission aux soins intensifs. Il faut relever aussi l'étude prospective, randomisée et contrôlée de Pond9 portant sur 876 patients intoxiqués depuis moins de douze heures, dont 184 intoxications sévères. Tous les patients ont reçu du charbon activé et du sorbitol. Les patients pour lesquels un lavage gastrique a été effectué ont reçu le charbon activé plus tardivement que les autres (91 minutes versus 55 minutes). Aucune différence significative n'a été trouvée sur le plan de l'évolution entre les deux groupes. Une différence significative a tout de même été relevée parmi les patients pris en charge moins d'une heure après la prise de médicaments : les patients ayant eu une vidange gastrique se sont davantage améliorés que les autres, mais cette différence disparaissait lorsque l'effet du traitement était ajusté en fonction de la sévérité de l'intoxication. Les auteurs concluaient que le lavage gastrique peut être abandonné pour le traitement des adultes intoxiqués, y compris pour ceux se présentant moins de 60 minutes après l'ingestion ou pour ceux sévèrement intoxiqués.
L'AACT et l'EAPCCT10proposent d'envisager un lavage gastrique en cas d'ingestion depuis moins d'une heure d'une quantité de substance toxique susceptible d'engager le pronostic vital, mais soulignent que même dans cette situation un bénéfice clinique n'a pas été confirmé par des études contrôlées.
Le charbon activé est du charbon traité (chauffage à 600-900° avec air et vapeur) pour lui donner une structure interne poreuse, ce qui lui confère une surface de plus de 1000 m2/g. Si les effets bénéfiques du charbon activé sont connus depuis l'époque d'Hippocrate, ce n'est qu'au début des années 1970 que son utilisation par voie orale dans le traitement des patients intoxiqués a regagné une large popularité. La dose de charbon préconisée est de 1 à 2 g/kg, soit 50 à 100 g, la dose la plus souhaitable s'inscrivant dans le cadre d'un rapport charbon activé/substance toxique d'au moins 10/1. Les acides et bases, le fer et le lithium ne sont pas adsorbés par le charbon activé. L'éthanol est adsorbé par le charbon activé, mais sans que sa biodisponibilité n'en soit affectée. Le cyanure est également faiblement adsorbé, mais la rapidité de son absorption systémique rend l'administration de charbon inutile en cas d'intoxication.
Les contre-indications à l'administration de charbon activé14 sont les risques d'inhalation en l'absence d'une protection des voies aériennes, des lésions anatomiques du tube digestif ou des risques d'augmenter la survenue et la sévérité d'une broncho-aspiration, comme dans les cas d'intoxications par des hydrocarbures.
Les complications du traitement par du charbon activé14 sont rares en cas d'administration d'une dose unique : on observe une augmentation de la fréquence des vomissements en cas d'administration concomitante de sorbitol ; des pneumopathies d'inhalation sont survenues quand les voies aériennes n'étaient pas protégées, avec parfois des atteintes respiratoires très graves lorsque le charbon activé contenait de la povidone. Il ne faut cependant pas considérer ce type de complication comme un effet secondaire du charbon activé si cela survient alors que les voies aériennes n'étaient pas protégées. Il n'y a pas de cas rapporté d'obstruction intestinale, de constipation ni d'ulcération rectale hémorragique suivant l'administration d'une dose unique de charbon activé.
Les études effectuées sur des volontaires14 comprennent en général peu de patients, les doses de médicaments administrées ne sont pas toxiques : la réduction de l'absorption des substances est maximale lorsque le charbon activé est administré dans les trente minutes suivant la prise de médicaments. Dans une étude prospective contrôlée non randomisée15 incluant 379 adultes intoxiqués ayant tous eu un lavage gastrique, la concentration plasmatique a davantage diminué chez ceux qui avaient reçu du charbon activé. Dans une étude contrôlée randomisée16 comparant le lavage gastrique associé ou non à du charbon activé chez des patients ayant ingéré des antidépresseurs tricycliques, les auteurs n'ont pas trouvé de différence statistiquement significative sur la concentration sérique maximale, la demi-vie des substances, les symptômes toxiques, la durée de séjour aux urgences, l'incidence et la durée de l'intubation, la nécessité d'un soutien ventilatoire, ou la durée de l'hospitalisation. Les résultats sont néanmoins difficiles à interpréter, notamment en raison du délai dans l'administration du charbon activé induite par le lavage gastrique et d'autre part du fait que la dose de charbon activé n'était que de 20 g. Une étude prospective randomisée de patients ayant absorbé au moins 15 g de paracétamol depuis moins de quatre heures comparait le lavage gastrique, le sirop d'ipéca, le charbon activé ou l'absence de traitement : seuls cinq patients n'ont pas reçu de traitement, puis ce bras de l'étude a été stoppé en raison de l'augmentation des taux sanguins.17 Dans une autre étude, des patients intoxiqués asymptomatiques recevaient soit 50 g de charbon activé soit rien : il n'y avait pas de différence significative sur l'évolution clinique, tout en soulignant qu'il n'y avait pas de confirmation objective de prise d'un toxique.8
L'AACT et l'EAPCCT proposent14d'administrer du charbon activé en cas d'ingestion depuis moins d'une heure d'une quantité toxique de substance carbo-adsorbable, mais soulignent que les données sont insuffisantes pour supporter ou exclure son utilisation dans les situations où l'intoxication a eu lieu depuis plus d'une heure.
L'effet des laxatifs dans le tube digestif s'exerce par rétention osmotique de liquide ou par extraction d'eau de la circulation intestinale : il en résulte une augmentation du volume intraluminal qui active la motilité gastro-intestinale. Une diminution de l'absorption de certaines substances par diminution de leur durée de séjour dans l'intestin a donc été suggérée. Il existe deux types de laxatifs osmotiques qui ont été utilisés pour des patients intoxiqués : les laxatifs saccharidiques (sorbitol) et les laxatifs salins (citrate de magnésium, sulfate de magnésium, sulfate de sodium). Le sorbitol a d'autre part été utilisé dans le but d'améliorer le goût du charbon activé. En cas d'administration, les doses proposées sont de 1-2 g/kg de sorbitol ou de 250 ml de citrate de magnésium 10%.
L'administration de laxatifs18 est contre-indiquée en cas d'iléus, de perforation digestive, de traumatisme ou d'intervention abdominale récente, d'absorption de substances corrosives, d'hypotension, de troubles électrolytiques ou d'hypovolémie. Les laxatifs à base de magnésium sont également contre-indiqués chez les insuffisants rénaux ou en cas de bloc de conduction cardiaque. Après administration d'une dose unique de laxatif, il a été décrit des nausées, des vomissements, des crampes abdominales ainsi qu'une hypotension transitoire.18 L'administration répétée de laxatifs peut provoquer une déshydratation, une hypernatrémie ou une hypermagnésémie si le laxatif contient du magnésium.
Des études effectuées sur des volontaires18 ont montré que les laxatifs utilisés en association avec le charbon activé diminuaient le temps de transit. Lorsque ces études en tenaient compte, il n'y avait par contre pas de diminution significative de l'absorption des substances. Aucune étude clinique n'a été réalisée pour démontrer la capacité d'un laxatif, associé ou non au charbon activé, à réduire la biodisponibilité des médicaments ou à améliorer le devenir des patients intoxiqués. Il n'y a pas d'évidence non plus qu'une dose unique de charbon activé entraîne une constipation, raison pour laquelle l'idée d'associer systématiquement un laxatif au charbon activé est caduque.
L'AACT et l'EAPCCT18ne reconnaissent pas d'indication à l'administration de laxatifs dans la prise en charge des patients intoxiqués, mais soulignent qu'en cas d'administration, le laxatif ne doit l'être qu'à une reprise pour en minimiser les effets secondaires.
Cette procédure consiste en l'administration de grands volumes (1500-2000 ml/h) d'une solution de polyéthylène glycol et d'électrolytes dans le but d'obtenir un transit intestinal et une évacuation rapide de substances. Même à ces doses, de telles solutions n'entraînent pas d'absorption de liquide ni d'électrolytes. L'irrigation intestinale est contre-indiquée19 en cas d'iléus, de perforation digestive, d'hémorragie gastro-intestinale significative, d'instabilité hémodynamique, de vomissements incontrôlés ou de compromission de la protection des voies aériennes.
En raison du nombre restreint de cas rapportés, le type et l'incidence des complications19 sont difficiles à évaluer ; on rapporte néanmoins des nausées, des ballonnements ainsi que des vomissements, décrits surtout en relation avec un traitement récent par du sirop d'ipéca ou en cas d'ingestion d'agents stimulant les vomissements (acide acétylsalicylique, théophylline).
L'une des études effectuées sur des volontaires, réalisée avec du lithium à libération retardée,20 a montré une réduction de 67 ± 11% de la biodisponibilité de la substance liée à l'irrigation intestinale. Aucune étude clinique n'a été effectuée. Il existe par contre dans la littérature des rapports de cas concernant l'utilisation de l'irrigation intestinale21,22,23 chez des patients adultes et chez des enfants suite à l'ingestion de fer (dix cas), de vérapamil à libération retardée (deux cas), d'arsenic (deux cas), de fenfluramine à libération retardée (un cas), de sachets de cocaïne (un cas), de sulfate de zinc (un cas) et d'oxyde de plomb (un cas).
L'AACT et l'EAPCCT ne reconnaissent pas d'indication établie à l'irrigation intestinale dans la prise en charge des intoxications médicamenteuses ;19ils la considèrent cependant comme une option de traitement en cas d'ingestion potentiellement toxique de médicaments à libération retardée ou continue, de prise de grandes quantités de fer en raison de la mortalité élevée et du manque d'alternative à la décontamination digestive ou pour des ingestions potentiellement toxiques de plomb, de zinc et de sachets contenant de la drogue.
Cette technique consiste à utiliser l'endoscopie dans l'idée d'aller récupérer sous contrôle de la vue les substances à fort potentiel toxique en cas d'ingestion massive, en se basant sur des rapports décrivant la présence de nombreux comprimés adhérant à la paroi gastrique après lavage gastrique. Cette technique n'est pas possible après l'administration de charbon activé et n'a pas de validation scientifique, raison pour laquelle elle ne devrait être utilisée que dans le cadre d'études cliniques.
Au vu de ce qui précède, on peut faire un tableau qui résume le niveau d'évidence des traitements, en fonction de cette revue de la littérature (tableau 4). On peut aussi proposer un algorithme de prise en charge basée sur ces considérations de niveau d'évidence, en prenant en compte le potentiel toxique de la substance, la dose absorbée, l'intervalle de temps écoulé depuis la prise, l'état clinique du patient, ainsi que la réversibilité potentielle des mono-intoxications par benzodiazépines et opiacés. Cette proposition d'algorithme est exposée dans la figure 1.
Dans la prise en charge d'un patient intoxiqué, la mise en route d'un traitement visant à maintenir ou restaurer les fonctions vitales reste la priorité. En cas de troubles de l'état de conscience, la recherche et la correction d'une hypoglycémie, l'administration de flumazénil aux patients chez lesquels une intoxication aux benzodiazépines est suspectée et l'administration de naloxone en cas de signes d'imprégnation aux opiacés permet parfois d'améliorer la situation clinique et/ou d'obtenir un diagnostic étiologique. L'administration de flumazénil est contre-indiquée24 en cas de signes cliniques ou électrocardiographiques d'une intoxication sévère aux tricycliques ;25 il faut de plus l'administrer avec prudence chez les patients consommant chroniquement des benzodiazépines et chez les épileptiques. Il est utile de rappeler que l'observation simultanée d'un myosis, d'une bradypnée (fréquence respiratoire
En cas de réveil après l'administration de flumazénil lors d'une intoxication par des benzodiazépines seules, le patient doit être uniquement observé ; si nécessaire, une perfusion de flumazénil peut être administrée, à raison de 0,5 mg/heure.26 En cas de réveil après l'administration de naloxone lors d'une intoxication par des opiacés seuls, le patient doit être uniquement observé ; si nécessaire, une perfusion de naloxone peut être administrée, à une dose horaire équivalente aux 2/3 de celle qui a provoqué le réveil.27 Une observation hospitalière d'au moins six heures après la dernière administration de naloxone est nécessaire après intoxication intraveineuse d'héroïne, durée devant être augmentée à 24 heures au moins en cas d'intoxication orale aux opiacés, en particulier de méthadone.
Si le temps écoulé depuis l'ingestion est connu, la prise en charge proposée est la suivante : une intoxication par une substance à fort potentiel toxique et prise à dose toxique survenue depuis moins d'une heure doit bénéficier d'un lavage gastrique suivi de l'administration de charbon activé. Pour une intoxication par ces mêmes substances, mais prises à dose peu toxique depuis moins d'une heure, l'administration de charbon seul est suffisante. Il faut néanmoins relever que les patients admis à l'hôpital moins d'une heure après la prise de substance est plutôt rare.
En cas d'un délai supérieur à une heure depuis l'absorption d'une substance à faible potentiel toxique, on ne recommande qu'une observation. Dans le cas d'un délai supérieur à une heure pour une substance à fort potentiel toxique prise à dose élevée, on propose d'administrer du charbon activé (fig. 1).
Dans la prise en charge des intoxications médicamenteuses aiguës de l'adulte admis dans un service d'urgences, il est important d'identifier rapidement les patients qui vont pouvoir bénéficier d'une décontamination digestive. Le délai d'admission rarement inférieur à une heure ne permet d'envisager un lavage gastrique que dans de rares situations, alors que l'intérêt de l'administration du charbon activé ne fait pas de doute pour de nombreuses intoxications. L'aide au diagnostic apporté par les antidotes des benzodiazépines et des opiacés permet d'envisager une prise en charge très simple des mono-intoxications par ces substances, tout en prenant bien garde à la demi-vie prolongée de ces substances par rapport à leurs antidotes. Finalement, l'irrigation intestinale, bien que nécessitant encore des études complémentaires, reste une option thérapeutique pour quelques intoxications rares.