Nous poursuivons ici l'analyse du rapport de l'«Alliance pour les technologies médicales» que vient de rendre public l'Académie française de chirurgie sur le thème de la prise en charge de la douleur postopératoire (Médecine et Hygiène des 10 et 17 octobre 2001). Il est aujourd'hui bien établi que s'il est indispensable d'évaluer la douleur postopératoire, il est impossible de prédire l'intensité de la douleur telle qu'elle sera perçue par un opéré. Quels sont les outils d'évaluation disponibles dans ce domaine ? Les plus intéressants sont ceux qui permettent à la fois de quantifier l'intensité de la douleur, de vérifier l'efficacité des traitements et qui, de surcroît, présentent l'avantage d'établir une communication avec le patient. «L'auto-évaluation chez l'adulte et chez l'enfant de plus de cinq ans est la règle. Les méthodes sont simples, rapides, faciles à utiliser et reconnues : échelle visuelle analogique (EVA), échelle numérique en 101 points et échelle verbale simple à quatre niveaux, précisent les auteurs du rapport. Toutefois, pour certains patients présentant des troubles de la communication, l'auto-évaluation n'est pas réalisable. C'est alors à un observateur du comportement de procéder à l'évaluation, en se basant sur l'attitude du malade : calme, agité, prostré, replié sur lui-même, etc.».Problème particulier : le tout-petit. Chez lui, l'évaluation de la douleur est particulièrement difficile car le cri, la grimace, l'agitation peuvent aussi être des manifestations de la faim. Il existe cependant une méthode, le score d'Amil-Tison, reposant sur dix données expression faciale, perturbations du sommeil, nature des pleurs
qui peut être utilisée chez les petits de moins d'un an. Il existe aussi une échelle douleur mise au point par le Dr Gauvin-Picard (Institut Gustave Roussy, Villejuif) analysant la position antalgique au repos, l'expressivité, la protection des zones douloureuses, les plaintes verbalisées, l'attitude antalgique dans le mouvement, l'intérêt pour le monde extérieur, le contrôle de l'enfant mobilisé, la localisation des zones douloureuses, le comportement lors de l'examen de ces zones et la dynamique des mouvements. La lutte contre la douleur postopératoire intègre les analgésies générales et loco-régionales qui dépendent du type d'intervention pratiquée. Dans la plupart des cas, lorsque l'anesthésie a été générale, l'analgésie l'est aussi et lorsque l'anesthésie a été loco-régionale, il en va de même pour l'analgésie.«La manière dont va être gérée la douleur postopératoire dépend en partie de l'anesthésie pratiquée en amont. Les anesthésistes ont ainsi de plus en plus tendance à associer, au moment de l'opération, un analgésique et de la morphine dont l'action va déborder sur le temps de l'opération, précisent les auteurs du rapport. Il existe deux types d'analgésies loco-régionales : les péri-médullaires (péridurale et rachidienne, où les médicaments sont délivrés à proximité de la moelle épinière et où seule la partie inférieure du corps est généralement «endormie») et les périphériques. Dans ce dernier cas, les médicaments sont administrés à proximité des nerfs périphériques. Dans le cas de l'analgésie générale, les médicaments sont délivrés par voie orale, injection sous-cutanée ou intraveineuse et leur distribution s'effectue dans l'ensemble du corps».A l'inverse, l'analgésie loco-régionale permet de délivrer les calmants nécessaires plus précisément, voire, dans le cas des analgésies des nerfs périphériques, in situ, à l'aval immédiat de l'endroit où la douleur est ressentie, ce qui les rend plus efficaces. «Plus ciblée, plus puissante, l'analgésie loco-régionale permet de diminuer considérablement les doses de médicaments et, pour le patient, elle présente l'avantage d'écourter son séjour à l'hôpital ou dans un centre de rééducation» peut-on encore lire dans ce rapport. Il faut aussi compter avec d'autres techniques analgésiques qui consistent à isoler avec un anesthésique local éventuellement associé à un morphinique une région précise du corps (épaule, bras, coude, main ou jambe). L'anesthésiste pose un cathéter au plus près du nerf recevant les informations sensitives de cette région avant d'injecter en continu à intervalles réguliers les produits nécessaires pour abolir la douleur. «Cette méthode permet de calmer un grand nombre de douleurs neurologiques ou viscérales et pratiquement toutes les structures nerveuses peuvent être ainsi intéressées, des nerfs crâniens et des racines nerveuses à la sortie du rachis jusqu'à leurs ramifications les plus lointaines, en passant par les plexus». Il importe, à ce stade, de connaître les modes d'administration des antalgiques. S'ils sont traditionnellement utilisés par voie orale, intraveineuse, intramusculaire et sous-cutanée, d'autres modes d'administration se sont développés en particulier face aux douleurs aiguës dont l'utilisation est fonction du type d'antalgique et de l'effet recherché. Nous les aborderons la semaine prochaine.(A suivre)