Les questions d'argent pèsent de toute leur influence sur toute discussion concernant notre système de santé. Depuis quelques années, les mesures de rationalisation se succèdent sans cependant que la spirale inflationniste ne ralentisse. La discussion se focalise sur les décisions structurelles mais c'est bien d'un débat de fond, d'un choix de société dont il est question. La motivation des professionnels, leurs conditions de travail, les modalités de leur indispensable collaboration semblent ne pas constituer un débat digne d'intérêt. Et pourtant...Les médecins se demandent ce qui pourrait bien les stimuler dans une profession qui les expose beaucoup et les gratifie chaque jour un peu moins, les infirmières désertent les institutions de soins où elles n'ont plus l'impression d'obtenir le juste salaire de la tâche qu'elles accomplissent, les physiothérapeutes descendent dans la rue pour vilipender assureurs et politiciens qui, disent-ils, les affament, les citoyens qui ne bénéficient pas des aides de l'Etat se demandent comment ils vont pouvoir continuer à payer les primes exorbitantes de leur assurance maladie, les fonctionnaires locaux ou nationaux ne savent plus à quel expert ès rationalisation se vouer pour contenir l'explosion des coûts... L'insatisfaction envers notre système de santé rassemble professionnels, politiques et bénéficiaires en une solide unanimité.L'argent, ou plutôt le manque d'argent, polarise tous les débats consacrés à ce sujet. Médecine et Hygiène y a consacré un récent numéro spécial ;1 il ne s'écoule pratiquement pas une semaine sans que l'une ou l'autre revue ne propose un article qui reprenne ce thème. Au point que l'on peut se demander si les questions financières n'en finissent pas par devenir l'argument qui masque les véritables enjeux, s'ils ne tarissent pas une réflexion plus large sur notre approche des soins de santé. Au-delà des prises de position, peut-être vaut-il la peine d'ouvrir une discussion en amont et de s'interroger sur quelques ressorts de ce psychodrame. Pour que chacun défende son opinion avec autant de virulence, c'est certainement que le débat touche à des valeurs fondamentales. Cet article tente une incursion dans ce débat, à la lumière des travaux du chercheur canadien A.-P. Contandriopoulos qui y consacre une grande part de ses recherches. Avec l'ambition illusoire ? de proposer des pistes de réflexion.Le rôle de l'hôpitalRappelons d'emblée qu'utilisateurs et professionnels se refusent à voir émerger une «médecine à deux vitesses, une médecine universitaire, de pointe, pour les maladies «intéressantes» tributaires du progrès scientifique et technologique, une médecine aux pieds nus pour soulager les misères banales du quotidien».2 Le système de santé d'une région constitue un puzzle interactif dont chaque élément doit tenir sa place pour garantir la cohérence et l'efficacité du tout.L'hôpital développe sa mission autour de trois grands axes : soins, formation et recherche. Le premier s'impose d'évidence, mais il vaut la peine de rappeler que les soins dont il est question n'ont pas toujours connu la forme que nous leur connaissons aujourd'hui. Et encore moins les résultats. Les premiers lieux d'accueil de malades avaient pour seul but d'éloigner des moribonds qui risquaient de contaminer leurs congénères. On les cantonnait dans des endroits bien protégés et le plus souvent éloignés de la cité. Jusqu'au XIXe siècle, une large majorité des personnes admises dans un hôpital trépassaient dans les 72 heures ! Il a fallu attendre les années d'après-guerre pour assister au triomphe de la médecine curative, puis au développement de la médecine préventive et aux premiers pas de la médecine prédictive. Que de chemin parcouru !Il n'est cependant pas sûr que nous ayons vraiment assimilé toutes les étapes de cette folle équipée. Les succès des uns génèrent les attentes des autres, mais certaines images demeurent. Les patients gardent en mémoire la pieuse attention dont les religieuses bénévoles les gratifiaient et déplorent le fossé émotionnel et intellectuel qui les sépare des professionnels actuels. Attentes d'autant plus lancinantes que le cadre familial s'effiloche au gré de carrières qui éloignent chaque jour un peu plus les gens de leurs racines alors que la maladie reste toujours une forme de rupture, une expérience de séparation d'avec le groupe.3 Sans nier les réels problèmes qui surviennent trop souvent, il n'est donc pas surprenant que la communication figure parmi les principales difficultés que doit affronter l'hôpital aujourd'hui. Mais, significativement, ces soignants auxquels on reproche tant leur peu d'empathie déplorent eux aussi cette situation. Ils se sentent déchirés entre les impératifs d'une efficacité réclamée à juste titre, et leur aspiration profonde à prendre soin, au sens le plus large et le plus humain du terme.Comme toute entreprise qui veut assurer sa pérennité, l'hôpital remplit aussi un rôle de formation. Il accueille de jeunes collaborateurs qui s'initient aux subtilités de leur art. Tâche difficile s'il en est puisque leur compétence se construit au travers d'une pratique qui concerne des personnes qui souffrent. Pour eux, comme le précise A.-F. Junod, l'hôpital «est un lieu de rencontre, où se fait l'apprentissage de la connaissance de l'autre, de son histoire, de ses symptômes, de sa souffrance, de sa guérison souvent, de sa mort parfois, de la chronicité de ses plaintes».4Face à la science en continuelle évolution, à son exigence de constante remise en question, chaque collaborateur y assume à son niveau une part de formation et de recherche du cheminement le plus adéquat dans le processus diagnostique, thérapeutique ou préventif. Certains programmes de recherche reposent sur une infrastructure complexe et déboucheront peut-être sur des découvertes majeures, publiées, reconnues. Nombre d'autres resteront dans les cahiers de leurs auteurs ; ils auront surtout servi à les former à une approche rationnelle de leur profession. Et c'est déjà énorme.Production de sentiment de sécuritéMais l'hôpital n'est pas un hybride qui marche sur trois pattes, il remplit une autre mission, aussi essentielle que peu mise en valeur dans la réflexion actuelle. Nul besoin de se pencher longuement sur les cartes géographiques pour constater que le développement du tissu hospitalier, au cours du XIXe siècle, répondait à un besoin de réassurance des populations. Chaque entité régionale s'appuie sur ce point névralgique où chacun est sûr d'être pris en charge en cas de nécessité. L'hôpital ne se limite pas à fournir des soins, il prend soin, garantit un sentiment de sécurité aux habitants d'une contrée.Aujourd'hui, un mouvement de centralisation hospitalière déferle sur les pays industrialisés. Ses promoteurs démontrent, chiffres à l'appui, que les moyens de locomotion contemporains permettent d'atteindre un hôpital centralisé dans des délais nettement inférieurs à ceux qui conduisaient à l'ancien il y a quelques dizaines d'années. Ils invoquent la notion de masse critique pour atteindre un bon niveau d'efficacité et les économies d'échelle qui découleront de ces nouvelles entités. Mais les chiffres avancés ne pipent mot de l'inflation des personnels administratifs au sein de ces nouveaux établissements, ni des innombrables heures que les soignants passent alors à remplir des formulaires plutôt qu'à soigner les patients ! Et, dans la même veine, qui ose prendre le risque de s'opposer à la lente mais inéluctable mise en place du calcul des dépenses de santé selon le modèle des DRG (Disease Related Groups)5 bien que chacun s'accorde à constater que l'introduction de ce mode de calcul a provoqué un gigantesque recul de la qualité des soins aux Etats-Unis ! Sans générer de réelles économies...La fermeture des unités locales de police, des gares, des bureaux de poste va de pair avec celle des hôpitaux régionaux. Un distributeur automatique remplace l'employé du guichet, un agent anonyme prend la place du garde champêtre local, une infirmière inconnue nous prodigue des soins dans l'hôpital de la vallée d'à côté. C'est tout un tissu de relations sociales de contiguïté, où chacun connaît tout le monde, qui s'effondre. Et si l'on ajoute la violence urbaine relayée à longueur de colonnes par nos quotidiens, la coupe est pleine.La question sécuritaire défraie l'actualité, elle sera, dit-on, au centre des campagnes électorales à venir... La violence nous angoisse en ce qu'elle réfère aux fondements les plus intimes de la vie en société. C'est le lien social qu'on sent confusément se défaire, l'autre dont on se méfie, avec tout le cortège de sentiments désagréables que cela développe en nous. Le phénomène semble brusquement faire irruption dans nos vies, surprendre nos édiles. A bien y regarder pourtant, C.-G. Jung nous expliquait en 1933 déjà que «la moralité d'une société est inversement proportionnelle à sa masse» !6 Ce ne sont pas les îlotiers (policiers affectés à une mission essentiellement «éducative» dans un quartier) qui y changeront grand chose. Les plus lucides ne se bercent pas d'illusions : «ça fait un peu de bleu dans le paysage», déclare l'un d'entre eux. Sensibilisation, éducation, encadrement, médiation, accompagnement, sonnent comme autant de remèdes qui ne s'avèrent guère plus efficaces qu'emplâtres sur jambes de bois. Comment assumer sa responsabilité individuelle dans un corps où l'on n'existe plus que sous l'aspect d'un permis d'établissement, d'un matricule ou un code-barre ?Les réactions aux démantèlements actuels sont d'autant plus virulentes que le citoyen se sent lâché par l'Etat. Fermer un hôpital de proximité, c'est enlever une force économique, une offre de proximité, mais c'est surtout priver une région d'un pôle de sentiment de sécurité, dire aux gens qu'ils ne sont pas dignes d'intérêt ! Parce qu'il touche au plus proche de nos préoccupations, l'hôpital pousse aux réactions les plus virulentes. Et toutes les statistiques brandies pour démontrer que la voie choisie est la seule raisonnable restent sans effet. Si nous sommes bien des êtres rationnels, nos émotions tiennent toujours une place primordiale dans notre manière de réagir, face au changement surtout. Politiciens et technocrates qui planchent sur les restructurations ne semblent pas s'en apercevoir.Résistance au changementNous restons en quête d'une issue à ce que l'histoire retiendra comme la crise des années 80. La professionnalisation des prestations, le vieillissement de la population, les progrès technologiques ont fait flamber des coûts qui ne semblent plus pouvoir être maîtrisés. Il faut cependant bien constater que le paradigme des soins n'a pas changé ; évolué un peu, mais pas changé. Depuis bientôt un demi-siècle, la consultation du médecin recourt à des techniques de plus en plus sophistiquées mais reste conduite selon la même procédure, les tâches infirmières commencent au chant du coq pour suivre un canevas bien rôdé, les patients se succèdent de 30 en 30 minutes dans le cabinet du physiothérapeute,... Politiciens et assureurs multiplient les contraintes de toutes sortes, les professionnels de la santé font le dos rond.Les sociologues, P. Bourdieu en particulier,7 ont bien montré que toute organisation sociale ou économique produit des normes explicites et implicites qui stimulent ou freinent l'activité de ses acteurs. Ainsi, un tel sera suspecté d'affectation s'il vouvoie les membres d'une équipe dans laquelle il est coutume de se tutoyer ; de la même manière, il risque de se voir reprocher sa familiarité s'il tutoie d'autres personnes du même établissement qui pratiquent le vouvoiement. Très rapidement, les individus internalisent ces règles au point qu'avec le temps ils ne peuvent même plus identifier les contraintes qui conditionnent leur action. L'habitude est devenue norme.La crise de nos systèmes de santé confronte une forte incitation financière au changement à la formidable inertie des valeurs, croyances ou représentations des soignants. Les entités centralisées garantiront des masses critiques aux professionnels de pointe, permettront quelques économies d'échelle mais elles ne freineront en rien les charges relatives au vieillissement de la population et au développement de nouvelles technologies fort onéreuses. Le développement des soins à domicile a montré qu'il garantit une bonne qualité de vie mais ne fait que reporter les prestations qui ne sont plus prodiguées par l'hôpital sur un autre compte, lui aussi en inflation galopante. Les changements structurels engendrent l'inquiétude des professionnels mais ne laissent entrevoir que des économies de bouts de chandelles. Bref, il semble bien que les sociologues aient raison, que les solutions proposées se heurtent aux limites étroites de notre créativité. Et l'histoire nous montre qu'à l'exception de quelques créatifs excentriques, les humains ne changent que quand ils ne peuvent vraiment plus faire autrement...Vraiment sans issue ?La question des coûts de santé se situe dans une double tension entre collectif et individuel ainsi qu'entre émotionnel et rationnel. Descendre dans la rue pour protester contre la hausse des primes d'assurance ne présume en rien, ou presque, des attentes qui seront les miennes si je suis un jour victime d'une affection qui nécessite des interventions coûteuses. De même, les évidences rationnelles sont rarissimes lorsqu'il s'agit de procéder à un choix vital quant à notre avenir. La décision reste un moment important, qui mobilise autant nos émotions que notre capacité d'interpréter des statistiques. Les seules solutions satisfaisantes sont le fruit d'une prise en compte de tous les paramètres. Une grille d'analyse8 peut aider à clarifier et redonner plus facilement leur juste place aux divers éléments en cause. Dans le cas qui nous occupe, les données peuvent se modéliser autour des trois valeurs fondamentales qui sous-tendent notre système de santé :Liberté : droit d'agir de manière intentionnelle et autonome.Equité : responsabilité collective de solidarité (qui garantit à chacun le même accès aux soins).Efficience : utilisation des ressources pour obtenir le meilleur résultat de santé au moindre coût.Le paradoxe surgit immédiatement : comment, si chacun bénéficie des mêmes avantages, la liberté individuelle peut-elle ne pas être entravée à un moment ou à un autre ? Comment garantir l'efficience optimale pour tous et tenir compte de chaque situation individuelle ? A.-P. Contandriopoulos rappelle fort justement que nous ne pourrons jamais aboutir qu'à des solutions. Même s'il fait valser les milliards, le débat repose sur une interrogation éthique, en constante tension et évolution en fonction du cadre et aux acteurs concernés. Les décisions sont autant de choix de société qui se concrétisent en formes d'organisation : le catalogue des prestations de la LAMal représente un arbitrage entre équité et efficience, les assurances complémentaires entre efficience et liberté, l'assurance obligatoire entre équité et liberté,... La discussion se focalise sur les décisions pratiques mais c'est bien d'un débat de fond, d'un choix de société dont il est question.Quatre logiques dynamiques s'entrechoquent : démocratique, technocratique, marchande et professionnelle. Chacune contient ses propres limites, qui retentissent sur les autres. Les politiques doivent recueillir une majorité pour édicter les lois, les administrateurs gèrent l'enveloppe budgétaire qui leur est allouée, les lois du marché fixent les prix des investissements et consommables, les soignants sont appelés à faire face aux besoins et attentes des patients. Chacun est limité dans sa logique propre par les limites des autres et se sent rationné, lésé. Les administrateurs se plaignent des politiciens qui légifèrent sans vraiment connaître les contraintes financières auxquelles ils doivent faire face jour après jour ; les cliniciens se lamentent de ne plus pouvoir faire du bon travail avec la peau de chagrin que les premiers leur concèdent. Sans parler du citoyen-consommateur qui ne peut s'envisager autrement qu'en dindon de la farce.L'environnement socio-économique induit une pression gigantesque sur les soignants ; ils en souffrent, les patients en pâtissent, la société en paie les frais sous forme d'arrêts de travail ou autres gaspillages d'énergie, de prestations ou de matériel. Le bon sens voudrait que l'on procède par mesures ponctuelles, au sein d'une logique. Que l'on attende ensuite que la première ait déployé tous ses effets avant de les évaluer puis d'adopter la mesure suivante. Au contraire, prescriptions, modifications de procédures et coupes budgétaires linéaires se succèdent sans que quiconque puisse jamais apprécier ce qui provoque quoi. Les mois qui passent multiplient les ukases qui menacent les soignants dans leur pratique quotidienne.Les mesures administratives ont remplacé l'analyse et font office d'éteignoir aux interrogations qui émanent du terrain. Les aides-hospitalières dénoncent-elles leurs conditions de travail, elles se voient accorder une augmentation salariale ; les internes des hôpitaux déplorent-ils de crouler sous le labeur, le législatif limite leurs horaires de travail. Et cela alors que nous disposons d'une multitude d'exemples locaux ou internationaux pour nous convaincre de l'inanité de ce type de mesures dans le long terme. Non qu'elles soient imméritées, très loin de là. Plus simplement parce qu'elles laissent trop d'interrogations pendantes. Et peut-être les plus importantes.Ouverture(s)Le rétablissement d'un dialogue et la recherche de solutions aux questions de fond requièrent l'acceptation par les uns et les autres du fait que seuls les professionnels peuvent (ré)organiser les pratiques relatives à leur compétence... dans le respect des autres partenaires. Si seul le politicien peut décider des lois à édicter, l'administrateur des règles économiques à développer, seul le clinicien peut juger des mesures à prendre pour soigner son patient. La clinique constitue l'application d'un champ de compétence scientifique à un individu, événement irréductible et non transférable intégralement à un autre : un art. Lors de chaque consultation, une personne fait l'interface entre la science et une autre personne, assume la rencontre unique d'une confiance, d'un savoir et d'une conscience. Aux cliniciens donc d'ériger la médecine de demain, insérée dans un tissu socio-économique qui est celui que nous connaissons bien.S'exprimant dans le cadre d'un accord visant à réduire les horaires de travail des internes des hôpitaux, P. Morel se demandait récemment comment faire face aux innombrables tâches qui incombent aux médecins. Il postulait que, peut-être, il faudrait «commencer par redéfinir les devoirs du médecin, son secteur réel de compétence, la sphère dans laquelle lui seul peut agir. (Et) le décharger de l'inutile pour qu'il se consacre à l'indispensable».9 Une expérience menée dans la province canadienne de l'Ontario a montré que près des deux tiers des actes constitutifs de la consultation d'un généraliste peuvent être fournis par une infirmière, sans altérer ni la qualité des soins ni la satisfaction du patient. Avec les gains que l'on imagine, le temps que le médecin retrouve pour vaquer à l'essentiel de son art et la valorisation du travail de l'infirmière. En France, G. Vallencien envisage un avenir où «de nombreux actes quotidiens ne devraient plus être assurés par le médecin lui-même mais par des assistants (infirmières praticiennes) qui seraient autorisés à pratiquer un certain nombre de gestes et éventuellement à prescrire dans un cadre déterminé sous sa responsabilité».10Mais ce type de solution ne peut se concrétiser que si la coopération est structurée et dynamisée. Bien trop souvent, des acteurs issus de professions différentes sont associés dans un projet comme si leur interaction allait de soi, sans accompagnement du processus de collaboration. Or, celle-ci ne peut se développer que si les personnes concernées partagent un certain nombre de valeurs, s'entendent sur un plan d'intervention, évaluent positivement le travail de l'autre, s'accordent sur la répartition des champs d'action et de compétence et se trouvent dans un champ organisationnel favorable, soutenu par une évaluation continue des processus et des résultats.11 Trop rares encore sont les projets qui se donnent ainsi les moyens de parvenir à un résultat satisfaisant chacune des parties,12 intégrant les changements nécessaires au passage de la pluridisciplinarité vers l'interdisciplinarité.13Les années écoulées ont été marquées par les initiatives des assureurs et des politiques, souvent sans l'avis et au mépris des soignants. La clinique doit reprendre et tenir sa place, au-delà des représentations, croyances et valeurs institutionnalisées qui brident son imagination et son développement. Tous les acteurs concernés pourront alors s'asseoir autour de la table des négociations et, chacun reconnaissant les compétences de l'autre, ils auront tous les atouts en mains pour entamer l'indispensable dialogue visant à redéfinir la mission de chacun et les modalités de coopération entre tous.Les soignants revendiquent des horaires humainement supportables et des salaires décents. A juste titre. Mais leurs coups de gueule sont aussi peut-être surtout une revendication de sens. Les contraintes s'accumulent qui dénaturent les valeurs sur lesquelles reposent leurs professions. L'évolution passe par une impérative redéfinition des rôles et la prise en compte du fait que l'interdisciplinarité ne s'improvise pas mais nécessite apprentissage et accompagnement. Alors seulement, les solutions qualitatives produiront des effets mesurables. Un projet de restructuration des systèmes de santé élaboré dans ce cadre bénéficiera d'un soutien massif, de la part des professionnels comme des utilisateurs. Et, ce jour-là, chacun retrouvera la légitimité de déclarer qu'il uvre pour le bien des patients ! WBibliographie :1 Etre soigné demain : qui, par qui, où et comment ? Med Hyg 2001 ; 59 (Suppl.) 1-40. 2 Junod A-F. Médecine : des plumes académiques. Journal de Genève, 25.01.1997.3 Monnin D. Médecine, compliance et formation. Perspective soignante. Paris : Séli-Arslan, publication en cours.4 Junod A-F. op. cit.5 DRG : Disease Related groups (groupes homogènes de patients) ; par exemple : coût engendré par une méniscectomie chez un patient jeune, sans pathologie associée... qui devient le prix remboursé pour la prise en soins de ce patient. L'Allemagne vient de décider de passer à un système de paiement des prestations de ce type.6 Jung C-G. Dialectique du moi et de l'inconscient. Folio essai. Paris : Gallimard, 1964.7 Bourdieu P. Raisons pratiques. Paris : Seuil, 1994.8 Contandriopoulos A-P, et al. A la recherche d'une troisième voie : les systèmes de santé au XXIe siècle. In Santé publique. Paris : Ellipses édit, 2000 ; 637-67.9 Morel Ph. Travailler plus ou travailler moins ? Med Hyg 2001 ; 59 : 465.10 Vallencien G. In Le droit à la santé ? une triste foutaise ! Med Hyg 2001 ; 59 : 1347-8.11 Benson JK. The interorganisational network as a political economy. Admin Science Quaterly 1975 ; 20 : 229-49.12 Monnin D, Jacquemet S. Prévention du mal de dos parmi le personnel hospitalier : suffit-il d'apprendre le bon geste ? Med Hyg 2000 ; 58 : 1703-9.13 Fontaine M. Soigner ensemble. In Perspective soignante, Paris : Séli Arslan édit., 1999.