On sait que depuis la promulgation des lois de bioéthique de 1994 de nouveaux obstacles se sont dressés contre la pratique des autopsies médico-scientifiques. Les dernières données sur ce thème, fournies lors d'une séance de l'Académie nationale de médecine, montrent la décroissance inexorable de cette pratique pourtant essentielle en terme de recherche clinique et de formation initiale. Avant 1994 de multiples amendements des textes de bioéthique proposés au vote du Parlement avaient conduit, en dépit de multiples mises en garde de Bernard Kouchner, alors ministre de la Santé et de l'Action humanitaire, à voir le législateur traiter conjointement des prélèvements à but thérapeutique et des autres gestes d'autopsie. En d'autres termes, s'opposer de son vivant au prélèvement de ses organes après sa mort conduit presque toujours à s'opposer à ce que le corps médical ne puisse rechercher les causes de cette mort.Or l'autopsie scientifique n'a en rien perdu de son intérêt. «Sans les autopsies pratiquées en Grande-Bretagne, la nouvelle forme de cette maladie n'aurait pas été reconnue», a souligné, devant l'Académie de médecine le Pr Jean-Jacques Hauw, chef du service d'anatomo-pathologie à la Pitié-Salpêtrière. «De manière paradoxale, alors que jusqu'au début des années 70, l'autopsie s'inscrivait dans une civilisation chrétienne assimilant le cadavre à la poussière, une sorte de mystique païenne de l'intégrité physique du mort mythique, allant de pair avec la déchristianisation, s'est développée depuis», a pour sa part rappelé le Dr Marc Dupont, chargé du département «droits du malade» à l'Assistance publique- Hôpitaux de Paris. En 1993, juste avant l'adoption de ces lois, les hôpitaux de l'AP-HP avaient pratiqué 2469 autopsies médico-scientifiques. En 2000 ce chiffre était tombé à
534.A tous ceux (et ils sont nombreux) qui soutiennent que la biologie moléculaire et l'imagerie moderne ont conféré un caractère obsolète à cette pratique, les anatomo-pathologistes se plaisent à rappeler une étude américaine. «Un travail ayant porté sur 248 services d'anatomie pathologique américains et sur 2 479 autopsies a montré que deux malades sur dix diagnostiqués comme souffrant de la maladie d'Alzheimer soit n'avaient pas cette maladie, soit étaient aussi atteints d'autres affections comme la maladie de Parkinson ou des accidents vasculaires cérébraux, souligne le Pr Hauw. En outre les cas incontestables de maladie d'Alzheimer tombaient à 44%, ce qui revient à dire que plus d'un diagnostic sur deux était faux ou incomplet».