Faut-il ou non, face au risque potentiel d'attaque bioterroriste avec le virus de la variole, reprendre la vaccination systématique de la population française ? L'affaire fait depuis peu l'objet d'une intéressante controverse. «Les menaces bioterroristes nous imposent de reprendre la vaccination contre la variole, maladie éradiquée grâce à une remarquable campagne vaccinale qui a coûté 300 millions de dollars. Cette mesure, que ne prévoit pas le récent plan Biotox du gouvernement, est selon moi essentielle», déclare dans un entretien au Monde le Pr Henri Mollaret (ancien pastorien, expert auprès de l'OMS) qui a longtemps participé avec les autorités civiles et militaires françaises à la lutte contre l'usage éventuel d'agents biologiques pathogènes sur l'espèce humaine. «Il n'aurait pas fallu abandonner cette vaccination systématique.»Rappelant qu'il n'existe aucun traitement, que la variole tue à hauteur de 40% et provoque des cécités chez 10 à 15% des survivants et que la seule prévention est la vaccination, le Pr Mollaret souligne que son extrême contagiosité en fait tout l'intérêt militaire et terroriste. «La stratégie consiste à ne toucher initialement qu'un petit nombre de personnes qui assureront ensuite elles-mêmes la diffusion du virus et les contaminations ultérieures. Ajoutons à cela une période d'incubation au minimum d'une semaine et que ceux qui répandront le virus pourront être protégés par un vaccin que nous n'utilisons plus. Vous imaginez sans mal les difficultés auxquelles seraient confrontés les services de police pour identifier la ou les sources initiales de contamination. Et nous disposons d'éléments sérieux pour penser qu'il existe, en dehors des deux laboratoires (américain et russe) autorisés par l'OMS à conserver le virus, des souches de ce virus, notamment en Iran et Irak.»«J'observe aussi que les responsables sanitaires craignent de plus en plus les actions en justice qui peuvent être intentées par ceux qui estiment être victimes de tel ou tel vaccin, ajoute le Pr Mollaret. Imaginez ce que pourrait être, en cas de résurgence du virus de la variole, la responsabilité de ceux qui auraient délibérément choisi de faire en sorte que la population soit non protégée et directement exposée à un risque qui pouvait être prévenu
Où est donc passé ici le principe de précaution ?» Face à cet argumentaire, Bernard Kouchner a annoncé que ce n'était plus deux mais trois millions de doses vaccinales antivarioliques qui allaient être fabriquées. Il a aussi précisé que contrairement à ce que prétendent certaines rumeurs, les cinq millions de doses en stock n'étaient pas périmées. «La vaccination de 20 ou 30 millions de personnes dans ce pays, compte tenu des 20 ou 30 millions de personnes immunisées, n'est pas envisagée pour le moment» a indiqué le ministre. Pour le Pr Mollaret «quels que soient les stocks présents et à venir de vaccins antivarioliques, nous n'aurions matériellement pas le temps d'agir assez vite pour protéger la population.»