Nous poursuivons ici l'exposé des principaux éléments du rapport récemment rendu public, rédigé par un groupe d'experts réunis sous l'égide de l'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé (Anaes) et consacré à la problématique de l'assistance ventriculaire en attente de transplantation cardiaque (Médecine et Hygiène du 7 novembre). Quelle est dans ce domaine la situation française ? «L'assistance ventriculaire est pratiquée dans une vingtaine de centres. Une soixantaine de dispositifs d'assistance ventriculaire (DAV) y serait posée par an, dans la majorité des cas en ultime recours, écrivent les auteurs du rapport. Aucune étude ne permet à l'heure actuelle de définir précisément les besoins en DAV en France. Il s'agit d'une technique lourde s'adressant à des patients âgés de moins de 60 ans qui, selon les experts et en l'état actuel des connaissances, intéresserait potentiellement 100 à 150 patients par an pour les situations urgentes, et 1300 patients dans un contexte d'implantation programmée.»En pratique, l'assistance ventriculaire ne s'adresse donc aujourd'hui qu'à une très faible part de la population des insuffisants cardiaques. Le rapport ajoute qu'actuellement l'accès à la transplantation devient si aléatoire que bon nombre de patients en insuffisance cardiaque sévère, chez qui la transplantation est souhaitable, sont maintenus sous traitement médicamenteux et adressés finalement plus tard, trop tard, au groupe de transplantation, au stade terminal ou à l'occasion d'une décompensation aiguë. «Ce phénomène trouve une explication dans la méconnaissance des indications optimales de l'assistance ventriculaire par la communauté médicale qui, compte tenu de sa lourdeur et de la morbi-mortalité qui lui est associée, la réserve à des situations de sauvetage, soulignent-ils. Ce mode de recrutement a une influence négative sur les résultats de la technologie qui sont d'autant plus satisfaisants que l'implantation est élective. Par ailleurs, il n'existe pas d'organisation régionale ou nationale du recrutement comparable à celle des transplantations».Cette absence d'organisation est d'autant plus dommageable qu'il existe actuellement sur le marché toute une gamme de DAV qui permettent de répondre aux différentes situations rencontrées en matière de défaillance cardio-circulatoire. Il faut ajouter que les organismes de sécurité sociale français n'assurant pas le financement de l'assistance ventriculaire, cette pratique est à la charge des établissements hospitaliers. Or, il n'existe pas en France de dotation spécifique dédiée à l'implantation de DAV, comme c'est le cas pour la transplantation cardiaque. «Compte tenu de la non-prise en compte de ce surcoût, l'activité de l'assistance ventriculaire est financée par le biais de la part du budget global allouée au service de chirurgie cardio-thoracique, peut-on lire dans le rapport. L'importance des investissements nécessaires à l'acquisition de différents types de DAV par un centre médico-chirurgical explique que le choix du DAV soit guidé, certes par les circonstances cliniques, les performances souhaitées et la durée estimée de l'implantation, mais aussi par des considérations financières.»Faut-il dès lors désespérer ? Non, car le paysage de l'assistance ventriculaire est «évolutif». «Les progrès techniques réalisés dans le domaine des ventricules artificiels permettent d'envisager le maintien prolongé des patients sous assistance, rendu nécessaire par la pénurie de greffons, et laissent entrevoir la possibilité de leur prise en charge en ambulatoire, observent les auteurs du rapport. Par ailleurs, l'amélioration des thérapeutiques dans l'insuffisance cardiaque pourrait retarder l'âge des décompensations itératives, ne faisant plus seulement de l'assistance ventriculaire une attente de transplantation mais un traitement définitif des patients les plus sévères chez lesquels la greffe cardiaque n'est plus retenue («alternative à la transplantation»).»Au total, un tel bilan les conduit à formuler un certain nombre de propositions afin d'améliorer la connaissance et l'organisation de la pratique de l'assistance ventriculaire. Parmi elles figure la création d'un registre de l'insuffisance cardiaque avancée. «A l'heure actuelle, les patients susceptibles de bénéficier d'une transplantation cardiaque et donc d'une éventuelle assistance ventriculaire sont suivis par les cardiologues, souligne le rapport. La morbi-mortalité liée à l'utilisation de tels dispositifs fait qu'ils considèrent l'assistance ventriculaire comme un ultime recours thérapeutique. De ce fait, les patients confiés aux chirurgiens leur sont présentés dans une situation clinique gravissime, ce qui incontestablement alourdit la morbi-mortalité.»Selon les experts du groupe de travail, une implantation précoce en urgence programmée avant tout signe de défaillance polyviscérale permettrait de réduire la mortalité opératoire et les complications thromboemboliques ou infectieuses. Les patients placés plus tôt sous assistance ventriculaire seraient conduits à la transplantation dans de meilleures conditions et il est donc probable que le pronostic immédiat de celle-ci serait meilleur. La création d'un registre de l'insuffisance cardiaque avancée permettrait d'établir précocement un pronostic et d'organiser un suivi au cours duquel seraient proposées des modalités thérapeutiques adaptées à la sévérité de leur affection, dont le recours à l'assistance ventriculaire. Ce type de prise en charge concertée, pluridisciplinaire et multicentrique, permettrait aussi d'améliorer le recrutement à court terme des patients susceptibles de bénéficier de l'implantation d'un DAV et, à plus ou moins long terme, le pronostic d'une éventuelle transplantation.(A suivre)