En 2000, le sida a entraîné le quart des décès recensés en Afrique du Sud. Par la même occasion, le sida est devenu la première cause de mortalité dans ce pays. C'est ce qu'affirme un rapport du Medical Research Council (MRC) sud-africain, rendu public le 16 octobre (www.mrc.ac.za/home.html) (Lancet 2001 ; 358 : 1345). Intitulé «Impact du VIH/sida sur la mortalité adulte en Afrique du Sud», ce rapport prévoit que, en l'absence de traitement pour stopper son essor, le sida devrait entraîner, durant la prochaine décennie en Afrique du Sud, «plus de deux fois le nombre de morts dues à toutes les autres causes de mortalité, soit cinq à sept millions de morts cumulées en 2010».Ce document du MRC a suscité quelques critiques du gouvernement au sujet de la façon de compter les décès liés au sida. Mais le rapport est franc à ce propos. Il reconnaît que décider, sur la base des données disponibles en 1985, que l'excès de mortalité constaté est dû au sida, «est évidemment difficile en l'absence d'information précise sur l'origine des décès». C'est d'ailleurs pourquoi les rapporteurs du MRC ont cherché d'autres explications, par exemple l'augmentation de la violence, pour identifier l'origine du changement de mortalité. Mais ils n'en ont trouvé aucune de plausible.L'étude du MRC présente de nouvelles preuves provenant d'études confidentielles réalisées sur les décès des mères et de données obtenues dans les cimetières de Durban qui soutiennent l'hypothèse d'une augmentation de la mortalité due au sida chez les jeunes adultes. Le MRC ajoute que l'évolution des décès en Afrique du Sud est cohérente avec l'évolution observée au Zimbabwe, il y a huit ans. «L'évolution des décès qui résultent de façon certaine du sida au Zimbabwe colle avec les excès de décès que le MRC projette en Afrique du Sud, avec un pic pour les femmes âgées de 25 à 29 ans, suivi, cinq ans plus tard, d'un pic pour les hommes», constate le rapport.La mortalité des femmes sud-africaines âgées de 25-29 ans en 1999/2000 est estimée être environ 3,5 fois plus élevée qu'en 1985. Le rapport note en outre la pénurie de données portant sur l'impact du sida sur la mortalité des enfants. Et comme certaines provinces du pays connaissent des taux de décès très différents de la moyenne nationale, ses auteurs préconisent de mettre en uvre ces données aussi vite que possible.«Ce rapport est un rappel glacial de la façon dont les stéréotypes qui traversent la société ont contribué à créer l'épidémie la plus explosive de l'histoire de notre pays», affirme le président du MRC, Malegepuru W. Makgoba, dans la préface du rapport. Makgoba souligne dans ce texte que la croyance que le sida est une maladie de l'homosexualité a poussé de «nombreux Africains à promouvoir l'idée que les pratiques homosexuelles ne sont pas africaines, semant les germes d'un déni les conduisant à affirmer que le sida ne prévalerait pas dans leurs communautés». Un déni constitué de stigmatisation, de chauvinisme, de distortion de preuves scientifiques et d'ignorance, ajoute le président du MRC.En relevant les noms de plusieurs figures qui sont mortes du sida, dont le militant de douze ans Nkosi Johnson, Makgoba cherche à illustrer le fait que le sida a affecté tous les secteurs et tous les âges de la société sud-africaine. «Alors que l'Afrique fait face au défi de son renouveau ou de sa renaissance, il n'y a pas de barrière potentielle plus grande pour le relever que le spectre de l'épidémie de VIH/sida», conclut Makgoba.