L'état de mal épileptique (EME) est une expression particulière de la maladie épileptique qui représente une urgence médicale et neurologique.
Bien que, sur le plan historique, cette maladie ait été considérée tant comme l'action du démon ou comme un moyen de communication avec les dieux (morbus sacer), son existence ne sera vraiment reconnue comme une affection touchant le cerveau qu'au XIXe siècle. En effet, c'est à Prichard,1 un des premiers neurologues de cette époque à avoir écrit un traité magistral de neurologie en 1822, que revient le mérite de documenter de façon convaincante des cas d'EME. A cette époque, l'EME est déjà décrit comme «une succession de crises prolongées (40-60 accès) sans interruption, ni de reprise de conscience et de très mauvais pronostic». Cette définition est très proche de celle qui est acceptée de nos jours. Sur le plan clinique, Bourneville rapporte, en 1876, les modifications physiologiques provoquées par l'EME et les différents aspects sémiologiques qui le caractérisent : des crises incessantes et répétitives, souvent subintrantes ; un risque de collapsus circulatoire avec perte de connaissance et coma, parfois irréversible ; de façon inconstante, des déficits neurologiques, comme une hémiplégie complète, mais transitoire ; des modifications du pouls et de la fréquence respiratoire et une hyperpyréxie per- et post-critique, de mauvais pronostic.2 Enfin, peu après, grâce aux observations de Trousseau, les états de mal convulsif et non convulsif seront décrits comme deux entités reconnues et bien distinctes.3 Depuis les travaux de Trousseau et de Bourneville, diverses définitions, basées sur des données historiques, étymologiques ou sémiologiques ont été proposées. Ce n'est qu'à partir de 1925, à l'arrivée de l'électroencéphalogramme (EEG) découvert par Hans Berger, que l'étude de l'épilepsie prend son essor. En 1956, la première description électro-clinique d'un état de mal psychomoteur secondaire à une lésion irritative cérébrale sera publiée.4
En 1981, l'ILAE (International League Against Epilepsy) définit l'EME comme une situation lors de laquelle une crise «persistait assez longtemps, ou se répétait assez souvent, pour qu'il n'y ait pas de restauration de la conscience entre les épisodes».5 Plus récemment, l'état de mal épileptique a été considéré comme présent si une ou des crises duraient plus de vingt, ou trente minutes, durée nécessaire pour causer avec une certaine probabilité des lésions du système nerveux central.6 En 1995, une réflexion, qui se veut très pratique, est issue d'une conférence de consensus de la Société de réanimation et de médecine d'urgence à Paris. Les participants proposent la définition suivante «au vu du risque vital ou fonctionnel que crée l'EME tonico-clonique, les réanimateurs parlent d'EME dès la constatation de trois crises successives, sans reprise de conscience, ou lorsqu'une activité convulsive continue et se prolonge au-delà de 5-10 minutes».7 Bien que des définitions de type «opérationnel», «mécanismal», ou d'autres encore, aient été proposées et parfois largement soutenues, le débat sur la définition de l'EME est à ce jour loin d'être terminé. Actuellement, la définition pragmatique et universelle de l'ILAE «toute crise se prolongeant pendant 30 minutes et plus ou une série de deux ou plusieurs crises successives sans reprise de conscience» reste en vigueur.
Ce délai, toutefois, n'implique pas qu'il faille attendre jusqu'à ce point avant d'entreprendre un traitement antiépileptique. Ce traitement doit être vigoureux pour attaquer toute crise qui se prolonge au-delà de sa durée habituelle, en pratique dix minutes,8 ou encore lorsqu'une crise se solde par une récupération incomplète du malade, en particulier au niveau de l'état de conscience.9 Les situations caractérisées par des altérations électro-encéphalographiques (EEG), sans traduction clinique décelable («dissociation électro-clinique», ou «état de mal électrique»), doivent aussi être incorporées dans cette entité.8 Loin de traduire l'atténuation du processus comitial, ces manifestations peuvent être l'expression d'une aggravation de la souffrance cérébrale et d'un stade d'épuisement neuronal lors duquel le degré d'urgence thérapeutique s'accroît de beaucoup en raison des risques de dégâts neurologiques irréversibles.
Bien que la littérature nous offre de multiples enquêtes s'attachant à l'incidence et à la prévalence de l'épilepsie en général et de l'EME en particulier, l'épidémiologie et l'incidence de ce processus morbide restent encore très mal documentées. Parmi ces enquêtes, deux études américaines sur l'incidence de l'EME sont disponibles à ce jour. La première, effectuée à Richmond-Virginie, montre un taux de 41/100 000 habitants par année. Il s'agit d'une étude prospective effectuée sur une population inhomogène tant sur les plans ethnique (80% de la population était de race noire), socio-économique, culturel et environnemental.10 La deuxième étude, réalisée à Rochester (Minnesota), rapporte un taux de 18,3/100 000 habitants par année, soit une incidence deux fois inférieure à celle de l'étude de Richmond. Cette enquête, rétrospective, est disponible sur le registre de la Mayo Clinic, mis en place depuis 1935 dans la même ville. Les différences entre ces deux études conduisent à quelques réflexions sur leur méthodologie, en particulier, sur les critères d'inclusion des malades et sur la définition et la classification des EME utilisés dans ces travaux.11
D'une manière générale, on estime que, chez l'adulte, la mortalité directement attribuable à l'état de mal est de 2%, alors que l'on compte en gros entre 2 et 10% de séquelles plus ou moins graves quand l'état de mal est prolongé.12 Bien entendu, la mortalité globale des patients avec EME est essentiellement fonction de la cause sous-jacente aux crises. Elle peut alors s'élever jusqu'à 20 à 30% en cas de maladie grave sous-jacente, neurologique ou non neurologique.9 Il faut également noter que l'EME réfractaire apparaît plus fréquemment en cas d'épilepsie secondaire (plus de 20% des états de mal), ou en cas de crises à début partiel, qu'en cas d'épilepsie primaire (moins de 10%).13
Récemment, une étude épidémiologique suisse Epistar portant sur 1,7 million de sujets habitant les cantons romands a permis, pour la première fois en Europe, de déterminer l'incidence de l'EME.14 Ce travail est basé sur des critères précis dans la définition, la classification et le diagnostic de l'EME. En raison de sa méthodologie rigoureuse, de son exhaustivité et de sa procédure de validation, Epistar pourrait devenir un gold standard dans l'épidémiologie de l'EME. Les résultats de l'Epistar montrent une incidence de 9,9/100 000 et une mortalité de 7,6%.
Le diagnostic des EME «classiques» est essentiellement basé sur l'anamnèse, la présentation clinique et sur certaines particularités du syndrome épileptique (âge, étiologie). La classification des EME s'inspire largement de la classification internationale de l'épilepsie : «les EME peuvent revêtir autant de variétés sémiologiques qu'il y a de crises épileptiques.»15 Bien qu'il s'agisse là d'une classification purement clinique, la pratique de l'EEG se révèle souvent indispensable à la précision de l'entité comitiale en cause.16
Dans l'étude Epistar, les EME sont classés sur la base des données de la sémiologie et de l'étiologie du syndrome épileptique.
Les EME généralisés
I EME généralisés convulsifs :
tonico-clonique (classique de l'adulte) ;
clonique (surtout chez l'enfant) ;
myoclonique (conscience conservée, secous-
ses atypiques).
I EME généralisés non convulsifs :
EM (état de mal) de type absence (modifi-
cation comportementale, état confusionnel ;
dans ce cas, l'EEG est essentiel au diagnostic ;
EM atonique : rare (encéphalopathie épilep-
togène).
Les EME partiels
Ils peuvent se généraliser secondairement.
I EME partiels simples : somato-moteurs (ou sensitifs), sensoriels, végétatifs, psychiques (hallucinatoires).
I EME partiels complexes, d'origine temporale ou frontale : état confusionnel avec ou sans automatismes.
L' EME subtil (subtle status)
Si la crise perdure, on peut assister à une dégradation progressive des convulsions qui deviennent moins amples, plus irrégulières. Les manifestations cliniques peuvent alors se réduire à des clonies intermittentes et localisées, au niveau des membres ou de la face, ou des globes oculaires seulement, alors que l'EEG présente des décharges espacées, sur un fond infravolté et lent. Il s'agit d'une dissociation électro-clinique. Cette situation est souvent le résultat d'un traitement antiépileptique insuffisant, ou encore le solde d'une méningo-encéphalite à l'origine des crises comitiales, voire d'une encéphalopathie post-anoxique. Dans cette situation, toutefois, le risque de souffrance cérébrale est loin de s'atténuer, comme la clinique le laisserait croire et, bien au contraire, le risque de dégâts cérébraux irréversibles s'accroît encore.6,8,9
Le diagnostic des EME généralisés convulsifs classiques est essentiellement clinique. Toutefois, celui-ci reste parfois très difficile lors de certaines variétés de l'EME et il nécessite une prise en charge hautement spécialisée et particulièrement attentive. Dans ces situations, une grande disponibilité des neurologues spécialisés en épileptologie et/ou d'autres spécialistes, d'un équipement sophistiqué (monitoring et interprétation de l'EEG en continu, polygraphie, enregistrement vidéo, équipe soignante expérimentée, etc.) est souvent indispensable. De ce fait, la prise en charge de ces patients doit rester du ressort d'un hôpital central.
Certaines entités sont de diagnostic difficile, comme les EM de type absence, qui sont caractérisés par une obnubilation, une somnolence, une léthargie, qui peuvent être de durée variable ; les EM partiels complexes : ils s'accompagnent d'un état confusionnel et de symptômes psychomoteurs ou sensoriels ; les EM myocloniques : ils sont exceptionnels et il est important de réaliser qu'il existe des myoclonies non épileptiques ; les EM néo-nataux : ils sont polymorphes, mal organisés, anarchiques et mal systématisés. Les manifestations cliniques et électro-encéphalographiques dépendent du niveau de la maturation cérébrale et elles diffèrent selon l'âge gestationnel. Enfin, il existe des EME aux limites nosographiques délicates, comme l'épilepsie partielle continue ; l'EME subtil, mentionné plus haut (subtle status) et les EME associés aux encéphalopathies, post-anoxiques, toxiques, maladie de Creutzfeldt-Jakob, ou d'autre nature.
Facteurs précipitants et étiologies de l'EME
Les facteurs précipitants intéressent trois types de population à risque : les patients épileptiques, souvent adultes jeunes, avec un EME inaugural qui signe la première manifestation de leur entrée dans la maladie idiopathique épileptique ; les patients épileptiques connus avec EME suite à un processus aigu, infectieux ou d'une autre nature ; les patients non épileptiques qui présentent tardivement un EME de novo suite à un processus aigu ou chronique.
D'une manière générale, les facteurs déclenchants peuvent être classés de la manière suivante :
1. Maladies aiguës
I troubles électrolytiques (Ca, Na), hypoglycémie, alcalose sévère (pH > 7,60) ;
I encéphalopathie hépatique/urémique ;
I médicamenteux :
intoxications : amphétamines, tricycliques, imipinem, théophylline, etc. ;
syndromes de sevrage d'agents psychoactifs : alcool, benzodiazépines, etc. ;
I infectieux : méningite, méningoencéphalite, abcès, etc. ;
I accidents vasculaires cérébraux : ischémie, hémorragie, traumatismes cranio-cérébraux.
2. Maladies chroniques
I épilepsie connue, traitement insuffisant, alcoolisme chronique ;
I tumeur cérébrale, anciens accidents vasculaires cérébraux (cicatrices).
La prise en charge par le médecin des urgences, voire le réanimateur, sera également conditionnée par l'apparition de complications systémiques de l'état de mal épileptique. Une libération importante, voire massive de catécholamines génère souvent une hyperthermie, une hyperglycémie, une tachycardie et une hypertension artérielle et, parfois même, des arythmies cardiaques, potentiellement mortelles.17 Leur fréquence pourrait s'élever jusqu'à provoquer une mort subite pour 1000 patients épileptiques.18 Les contractions musculaires squelettiques peuvent générer une rhabdomyolyse, avec ses complications (dysélectrolytémies, insuffisance rénale aiguë), et le métabolisme acido-basique peut être profondément perturbé (acidose mixte, respiratoire sur l'hypoventilation liée aux crises, et acidose métabolique complexe, par ischémie musculaire, puis insuffisance rénale). Tout ceci implique une surveillance en milieu de réanimation.19 Enfin, si, au niveau cérébral, l'apport en oxygène (DO2) est tout d'abord augmenté (hypertension, état hyperadrénergique), il finit par être insuffisant pour satisfaire les besoins en oxygène de cet organe en pleine surconsommation à cause de l'hyperactivité neuronale. Ceci est encore majoré si une hypotension survient, surtout après des crises prolongées, dans des circonstances où l'autorégulation cérébrale est altérée. L'ensemble de ces phénomènes est très probablement à l'origine de l'dème cérébral qui survient parfois dans l'état de mal épileptique réfractaire.8
Tout ceci milite pour une prise en charge vigoureuse de ces malades et, surtout, pour la mise en route rapide de mesures efficaces destinées à venir à bout des crises dans un délai bref. Il a été, par exemple, clairement démontré que les pronostics vital et fonctionnel étaient meilleurs quand les médicaments anticonvulsivants étaient administrés précocement.9 Parallèlement, les difficultés inhérentes au traitement antiépileptique étaient moindres en cas de traitement administré rapidement, en général dans les trente minutes après le début des convulsions.13 Ainsi, certains auteurs ont suggéré que le traitement de l'état de mal, ou des crises convulsives répétées et prolongées, devrait commencer hors de l'hôpital par l'administration de médicaments (en pratique des benzodiazépines) intramusculaires, par voie rectale ou même intraveineuse, administrés par du personnel paramédical si nécessaire.20,21
Mesures immédiates
Durant la ou les crises prolongées, il convient tout d'abord d'éviter deux complications immédiates, la bronchoaspiration et les traumatismes. Il est donc impératif d'entreprendre les mesures destinées à protéger les voies aériennes et, si nécessaire, de procéder à une assistance ventilatoire. En cas de recours à une intubation, celle-ci sera pratiquée après l'administration d'un antiépileptique d'action rapide, en pratique une benzodiazépine (clonazépam, diazépam, lorazépam ou midazolam), assortie ou non à un myorelaxant à brève durée d'action, comme la succinylcholine, un curarisant dépolarisant.8,9
Qu'il s'agisse d'une intervention extra-hospitalière, au cabinet médical ou aux urgences de l'hôpital, l'EME implique un monitorage rigoureux des signes vitaux (y compris la température), de l'électrocardiogramme (moniteur de chevet) et de l'oxygénation (nasale). La mise en place, dès que possible, d'un accès veineux permet d'une part des prélèvements pour diverses analyses biologiques (Na+, Ca++, glucose, dosage des antiépileptiques, toxicologie, etc.) et, d'autre part, l'administration d'antiépileptiques. En cas d'hypoglycémie, du glucose 40 % (16 grammes) sera d'emblée injecté par voie intraveineuse et, si un alcoolisme est suspecté, on administrera de la thiamine (vitamine B1, 100 mg).
Ensuite, les crises seront vigoureusement traitées au moyen d'une médication qui devrait, idéalement, posséder les propriétés suivantes : anticonvulsivante d'action rapide (quelques minutes) ; médicament le moins sédatif possible pour éviter l'intubation si elle n'est pas rendue nécessaire par les facteurs mentionnés plus haut et pour s'assurer que la conscience n'est pas altérée entre les crises ; médicament présentant une durée d'action moyenne, pour permettre une couverture suffisamment longue, mais pas trop, avant que le relais ne soit pris par le traitement définitif et, enfin, molécule avec une absence d'effets secondaires tels que dépression respiratoire, hypotension, arythmie, etc.
Malheureusement, ce médicament miracle n'existe pas. On devra donc associer deux, voire trois médicaments pour prendre en charge le malade (une benzodiazépine, la phénytoïne, et parfois un barbiturique, par exemple).8,9,13 Il est toutefois très important d'exploiter au maximum chaque médicament et d'éviter une escalade polymédicamenteuse anarchique.
D'une manière générale, les benzodiazépines sont utilisées en première intention et elles seront associées, par la suite, à un traitement de phénytoïne et, si nécessaire, de phénobarbital. Dans cette première approche et dès la mise en place de la voie veineuse, du clonazépam (Rivotril ®) 1-4 mg, diazépam (Valium ®) 10-20 mg ou du lorazépam (Temesta ®) peuvent être administrés. En cas de nécessité, une administration par voie intramusculaire et/ou, dans certaines situations, rectale (notamment chez l'enfant) doit être envisagée. Les différents médicaments antiépileptiques, leurs propriétés ainsi que le schéma de leur utilisation sont représentés dans les tableaux 1 et 2.
A ce stade et dès la stabilisation, le patient doit être transféré dans un service de soins intensifs pour mettre en route une surveillance hémodynamique et un monitorage des effets secondaires médicamenteux (hypotension, dépression respiratoire), une surveillance cardiaque (troubles du rythme, asystolie, dème aigu pulmonaire d'origine centrale et de l'équilibre hydro-électrolytique), de même qu'une évaluation neurologique périodique avec le recours à des examens EEG ponctuels.
L'EME réfractaire
En cas d'échec de cette première approche thérapeutique, alors que le patient continue à convulser malgré le traitement initial, il convient d'initier le traitement de l'EME réfractaire en recourant à l'anesthésie générale (coma barbiturique) ou au moyen du disoprivan (Propofol ®), voire d'un autre médicament.22,23,24,25,26 Ceci nécessite, par la suite, un transfert dans un hôpital central en raison du plateau médico-technique plus limité et pas toujours disponible en permanence dont disposent la plupart des hôpitaux périphériques pour la surveillance de ces patients en état de sédation prolongée. En effet, le traitement de tels malades nécessite la présence d'équipes entraînées à la prise en charge de patients dont la situation peut devenir très complexe, et qui associent les difficultés de la prise en charge de malades instables sur les plans respiratoire et hémodynamique à celles qui sont liées au maniement de l'anesthésie générale et des antiépileptiques. En particulier, la conduite du coma induit doit être maîtrisée, avec ses aléas.27 De plus, la mise en route d'un monitorage, continu de préférence, de l'électroencéphalogramme est rarement disponible dans un hôpital régional, de même que la connaissance par les équipes de réanimation des tracés EEG de base nécessaires à la conduite de tels traitements. Un aspect non négligeable du caractère complexe de la prise en charge de ces malades réside dans la présence des nombreuses interactions médicamenteuses qu'ils peuvent présenter, en particulier celles qui sont liées aux inductions enzymatiques hépatiques causées par l'administration de doses importantes d'anticonvulsivants.24,27 Enfin, une fois le patient stabilisé et l'état de mal réfractaire maîtrisé par l'anesthésie générale, il faut encore savoir prendre le relais avec le traitement antiépileptique définitif, ce qui, ici aussi, nécessite de l'expérience et une coopération entre réanimateurs et neurologues.16,24,27
La figure 1 montre l'évolution d'un malade atteint d'un épisode d'état de mal épileptique réfractaire, ayant nécessité le recours à l'anesthésie générale (ici induite par le thiopental). Les différentes étapes de la prise en charge sont illustrées, avec les problèmes rencontrés par les thérapeutes lors des quelques jours passés par ce patient aux soins intensifs.
La place de l'hôpital central
Quelle peut être la spécificité de l'hôpital central dans le traitement de l'état de mal épileptique et comment l'hôpital régional partagerait-il ses tâches avec un centre, universitaire par exemple ? Il apparaît clairement que la logique de la distribution des tâches découle de ce qui vient d'être écrit ci-dessus.
En effet, le traitement initial de l'EME ne peut pas attendre et l'administration du traitement de base (benzodiazépines, phénytoïne, voire phénobarbital) doit se faire le plus tôt possible. L'intubation trachéale, si elle est nécessaire, doit elle aussi être conduite rapidement et l'on est en droit d'attendre de la salle d'urgence de tout hôpital régional que la stabilisation initiale des voies aériennes et de l'hémodynamique soit bien conduite.28 Il a été clairement montré que la stabilisation des malades et une préparation minutieuse d'un transport interhospitalier étaient les conditions sine qua non à une réduction de la morbidité et de la mortalité.29 Le choix du mode de transport (en Suisse, les distances n'excèdent pas 2 à 300 km) se fera essentiellement entre l'ambulance et l'hélicoptère, tous deux étant bien entendu pourvus d'un médecin d'urgence, d'un anesthésiste ou d'un intensiviste.30
Le traitement de l'état de mal épileptique doit répondre à deux impératifs. Tout d'abord, c'est une urgence médicale et le traitement doit être précoce, vigoureux et bien conduit. Le transfert vers un hôpital central sera envisagé après la stabilisation du malade, ce qui sécurisera le transport, dans le cas d'un EME réfractaire nécessitant une anesthésie générale. Cette attitude est justifiée en raison du caractère spécialisé de la prise en charge de tels patients, qui nécessitent l'expérience d'équipes pluridisciplinaires (intensivistes, neurologues, électro-encéphalographistes) et le recours fréquent, voire continu, au monitorage électroencéphalographique. Enfin, certains examens, notamment la neuro-imagerie spécialisée ne sont pas toujours disponibles dans l'hôpital périphérique quand il s'agit de mettre en route le bilan étiologique de l'épilepsie. W