La dihydrotestostérone, dépourvue de potentiel strogénique, peut être utilisée dans le traitement substitutif du déficit partiel en androgènes chez l'homme âgé. A court terme, il est difficile de démontrer un bénéfice objectif ou subjectif du traitement substitutif de l'hypothyroïdie subclinique. Les médicaments antithyroïdiens à fortes doses ne permettent pas de raccourcir la durée de la maladie de Basedow, alors que la persistance d'anticorps antirécepteurs de la TSH et le tabagisme sont des facteurs de mauvais pronostic. Le traitement du syndrome métabolique et du diabète de type 2 selon une médecine fondée sur les preuves est complexe et générateur de mauvaise compliance, contrairement à une médecine basée sur le patient, aux objectifs plus modestes. La mélatonine est efficace dans la prévention du décalage horaire et pourrait l'être dans le traitement des troubles du sommeil chez certains enfants et chez la personne âgée. De nouveaux analogues de la somatostatine, actifs sur l'ensemble des sous-types connus de récepteurs, pourraient démontrer une plus grande efficacité dans le traitement des tumeurs neuroendocrines.
On doit à Charles-Edouard Brown-Séquard (1817-1894), professeur de physiologie et neuropathologie à Harvard et successeur de Claude Bernard au Collège de France, l'une des premières tentatives de démonstration de l'influence du système endocrinien sur le processus de vieillissement. A l'âge de 72 ans, il s'injecta par voie intramusculaire des extraits aqueux de tissu testiculaire de chiens jeunes, constata que ce traitement produisait en lui une augmentation de l'énergie et de la force musculaire et préconisa l'utilisation d'extraits testiculaires comme un moyen de lutter contre le vieillissement. Il est vrai que chez l'homme, comme chez la femme, les taux sanguins de DHEA et DHEA-s, androgènes faibles, diminuent progressivement d'une façon marquée. Ceci est dû au déclin de l'activité de la zone réticulaire du cortex surrénalien. En revanche, la diminution avec l'âge de la sécrétion testiculaire de testostérone, androgène puissant, est beaucoup moins franche, de sorte que «l'adrénopause» n'induit pas chez l'homme de véritable carence androgénique et que «l'andropause» demeure une notion contestée. Cependant, ces dernières années s'est installé le concept d'un «déficit partiel en androgènes chez l'homme âgé» (Partial Androgen Deficiency of the Aging Male, PADAM), phénomène fonctionnel dû à une diminution subtile de l'activité endocrinienne des testicules, fréquent et cliniquement relevant. On définit ce syndrome en fonction de valeurs de testostérone plasmatique totale légèrement en dessous des intervalles de référence et on lui attribue un rôle dans la tendance à l'obésité viscérale, dans la diminution des masses squelettique et musculaire, de la sensation de bien-être et des capacités cognitives, et dans la tendance à la dépression que l'on peut observer au cours du vieillissement chez l'homme. Des études contrôlées sur le traitement de l'homme âgé avec de la testostérone ont montré que plus les taux de testostérone avant traitement étaient bas, plus les effets androgéniques escomptés du traitement étaient importants.1,2 Par ailleurs, l'administration de testostérone à des patients ne présentant pas d'hypoandrogénisme (taux normaux de testostérone), peut provoquer l'apparition d'une gynécomastie. En effet, en plus de son action sur les récepteurs des androgènes, la testostérone stimule les récepteurs des strogènes après aromatisation en stradiol et, en l'absence d'un déficit franc en testostérone endogène, cette voie métabolique devient apparente. En revanche, en présence d'un hypogonadisme plus marqué, l'administration de testostérone ne comporte pas cet effet secondaire paradoxal. D'autre part, la testostérone se transforme par 5*-réduction en dihydrotestostérone (DHT), l'androgène naturel le plus puissant, non aromatisable. Longtemps on a utilisé la DHT en administration percutanée dans le traitement de la gynécomastie idiopathique (fig. 1) et ce traitement s'est avéré également efficace dans le traitement de la gynécomastie liée au traitement antirétroviral intensif.3 Par ailleurs, la DHT est utilisée en France de longue date comme l'une des modalités habituelles de substitution androgénique chez l'homme hypogonadique. Dans ce contexte, des chercheurs australiens ont, logiquement, procédé à un traitement de DHT percutanée, pendant trois mois, chez des patients diagnostiqués de PADAM.4 Par comparaison au placebo, on observe sous DHT une diminution significative de la masse adipeuse (- 2 kg), et une augmentation de la force musculaire et de la qualité de vie. Il n'y a pas eu d'effet secondaire notable, mais une augmentation significative de l'hématocrite. Les mesures échographiques de la prostate n'ont pas montré de croissance anormale et les auteurs spéculent, au contraire, sur un possible effet bénéfique concernant l'hypertrophie prostatique. Sous traitement de DHT, les gonadotrophines hypophysaires LH et FSH sont freinées et, avec elles, les taux plasmatiques de testostérone et d'stradiol sont diminués. En conséquence, à plus long terme, on pourrait craindre une éventuelle diminution de la masse osseuse, car une partie importante de l'effet anabolique osseux des androgènes chez l'homme est exercée via les récepteurs des strogènes, après aromatisation de la testostérone.5,6 Toutefois, la densité minérale osseuse et les paramètres du métabolisme osseux n'ont pas été étudiés lors de traitements prolongés de DHT.
L'indication reconnue du traitement par les hormones thyroïdiennes est bien établie dans l'hypothyroïdie classique qu'elle soit spontanée ou postopératoire. La prescription de ce traitement reste controversée lorsque la dysfonction thyroïdienne est modérée ou absente. Des situations controversées, fréquemment rencontrées en médecine ambulatoire, illustrées par des travaux récents, sont présentées.
Prescription de thyroxine lors de dysfonction thyroïdienne subclinique ou d'hypothyroïdie clinique sans hypothyroïdie objectivée au laboratoire
Le diagnostic classique d'une hypothyroïdie est posé par un ensemble d'éléments cliniques bien connus du médecin, pouvant être atypiques et de tests de laboratoire. Dans la forme typique, un abaissement de la T4 libre et une élévation de la TSH sont observés. Dans les premiers stades de l'hypothyroïdie, la T4 libre reste normale alors que le taux de TSH est élevé. Cette élévation est souvent minime, considérée par certains comme une variation de la norme, ou plus franche lorsque le taux de TSH est > 10 mU/l, reconnue alors comme une hypothyroïdie. La thérapeutique de l'hypothyroïdie primaire est bien codifiée7 alors que les dysfonctions subcliniques soulèvent un problème fréquent : traiter ou ne pas traiter !8 L'étude de McDermott, publiée en 2001,9 souligne la différence d'approche entre généralistes et spécialistes, surtout en présence d'une élévation des anticorps antithyroïdiens où les derniers prescrivent plus volontiers de la thyroxine. Lorsqu'un patient se présente avec une prise de poids, une intolérance au froid, une peau sèche et une fatigue, le médecin évoque d'emblée la possibilité d'une hypothyroïdie. Si les tests de la fonction thyroïdienne sont normaux, plusieurs attitudes peuvent être adoptées. Si le patient est déjà traité par des hormones thyroïdiennes, la dose prescrite est parfois augmentée, sans grande justification ! A l'opposé, aucune pathologie thyroïdienne identifiée : une littérature récente,10 de type anecdotique, suggère que de tels patients pourraient bénéficier d'un traitement avec des hormones thyroïdiennes. L'étude de Pollock11 apporte ainsi une première réponse à cette question. En prescrivant un traitement «croisé en double aveugle» (placebo vs thyroxine) à des sujets ayant une symptomatologie d'hypothyroïdie et à des contrôles, aucune modification n'a été observée. Les paramètres évalués ont été très complets, aussi bien concernant la fonction cognitive que le bien-être physique ou psychologique. Ainsi, cette importante publication souligne la difficulté d'évaluer une symptomatologie d'hypothyroïdie, aussi bien par la clinique, que par le laboratoire ou la réponse thérapeutique. Brix et coll. ont démontré récemment12 qu'une évaluation par un autoquestionnaire des patients n'avait qu'une très faible validité. Ainsi, l'image classique de l'hypothyroïdie où fatigue et peau sèche prédominent, doit être abandonnée. Pour conclure ce chapitre, les réactions engendrées par l'article de Skinner montrent bien les difficultés à prendre en charge cette symptomatologie suggestive d'hypothyroïdie. La question reste toutefois ouverte, car chez l'homme nous ne pouvons dire, comme chez le rat,13 qu'une euthyroïdie objectivée par le laboratoire ne signifie peut-être pas une euthyroïdie pour tous les tissus.
En 1991, la publication de Hashizume et coll.,14 suggérant le bénéfice d'un traitement de thyroxine afin de bénéficier du rôle immunomodulateur des antithyroïdiens dans la maladie de Basedow, a modifié l'attitude de nombreux endocrinologues dans leurs thérapeutiques. L'idée principale était de prescrire un antithyroïdien (méthimazole) à haute dose, nécessitant la prescription concomitante de thyroxine. Certains médecins ont perduré dans cette attitude au fil des années. Toutefois, l'étude du groupe de Nagataki en 1995, effectuée également au Japon, n'a pas pu démontré un tel bénéfice.15 Cette idée a été reprise récemment par un groupe belge16 qui a étudié l'effet de l'administration de thyroxine pendant le traitement d'antithyroïdiens prescrit pendant 15 mois. A l'issue de cette période, en présence d'une euthyroïdie, les patients ont été traités, de manière randomisée, par thyroxine ou placebo. Le résultat principal a montré que le taux de rémission n'était pas modifié par la prescription de T4. En revanche de manière très intéressante, le rôle délétère du tabagisme dans les maladies thyroïdiennes a été observé. En effet, la présence d'anticorps antirécepteurs de la TSH, uniquement lorsqu'elle était associée à un tabagisme, représentait un risque très élevé de récidive, aussi bien à la fin du traitement par les antithyroïdiens qu'ultérieurement. Toutefois in vitro, le rôle immunomodulateur des antithyroïdiens (de type méthimazole) a encore été récemment bien démontré dans des cultures de cellules thyroïdiennes de rat17 et, in vivo, dans une étude de cytoponctions thyroïdiennes en cas de maladie de Basedow, une modulation de l'expression du HLA-DR par les antithyroïdiens a été décrite par Zantut-Wittmann.18 Ainsi, bien que la recherche démontre un effet biologique des antithyroïdiens sur la cellule thyroïdienne, un bénéfice clinique n'a pu être démontré chez les patients.
A travers cette question qui peut paraître a priori un peu déroutante, nous pourrions décrire certains concepts prenant actuellement forme dans plusieurs spécialités de la médecine qui gèrent certaines composantes ou les conséquences du syndrome métabolique. Une première étape importante est d'avoir une définition consensuelle. En effet, de nombreuses appellations ont été proposées par différents experts du domaine : syndrome de résistance à l'insuline, syndrome pluri-métabolique, deadly quartet, le syndrome cardiovasculaire métabolique et bien d'autres encore. De multiples études ont observé la présence de plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire (obésité, dyslipidémie, hypertension artérielle, diabète sucré, hyperuricémie) chez le même individu souvent atteint de complications cardiovasculaires. Ce regroupement des facteurs de risque cardiovasculaire chez un même individu, au-delà du hasard, révèle la présence de mécanismes physiopathologiques pouvant expliquer ce phénotype particulier et les conséquences désastreuses sur le risque d'athérosclérose. En 1998, des experts de l'OMS ont proposé une définition «officielle» et ont proposé le terme syndrome métabolique plutôt que syndrome de résistance à l'insuline.19 En effet, il n'est pas du tout démontré que la résistance à l'insuline soit la cause de toutes les composantes du syndrome métabolique. Cette définition de l'OMS nous propose qu'une personne est porteuse du syndrome métabolique en présence d'une glycémie anormale et/ou une résistance à l'insuline en plus de la présence de deux autres composantes du syndrome métabolique (tableau 1). La résistance à l'insuline est définie par différentes méthodes : le glucose-clamp, le quartile supérieur de la mesure de l'insulinémie à jeun ou le modèle HOMA (insuline à jeun (mU/ml) x le glucose à jeun (mmol/l)/22,5). Hormis le glucose-clamp, toutes ces méthodes de mesure de la résistance à l'insuline sont approximatives.
Cette nouvelle définition du syndrome métabolique a modifié notre approche de la personne souffrant d'un diabète de type 2 : son risque principal n'est pas au niveau de la microangiopathie mais surtout au niveau de la macroangiopathie et plus particulièrement la maladie coronarienne. En effet, quel que soit le niveau d'anomalie de l'homéostasie glucidique, la présence d'un syndrome métabolique augmente d'un facteur 2 à 3 le risque de mortalité coronarienne.20 L'étude UKPDS a révélé les mêmes tendances : en analyse multivariée les dyslipidémies et une hypertension artérielle étaient plus prédictives du risque de maladie coronarienne que les taux d'HbA1c. Ainsi, le monde de la cardiologie a récemment réalisé l'importance d'une prise en charge plus agressive des facteurs de risque cardiovasculaire chez les sujets à haut risque tels que les diabétiques de type 2. Dans certains congrès internationaux de cardiologie, des leaders d'opinion suggèrent que le diabète de type 2 est une maladie cardiologique et donc devrait être pris en charge par la science cardiologique. Ce débordement d'enthousiasme a permis tout au moins d'ouvrir un dialogue entre endocrinologues, lipidologues, hypertensiologues, médecins de premier recours et spécialistes de l'athérosclérose. Plusieurs groupes ont proposé des recommandations pour un dépistage plus systématique de la maladie coronarienne chez le patient diabétique. Mais force est de constater que le niveau de prise en charge des facteurs de risque reste un échec malgré la publication de nombreux «guidelines» basés sur les principes de la médecine fondée sur les preuves. Deux études sont très illustratives de ce constat d'échec. La première étude est EUROASPIRE II qui a évalué dans 15 pays européens le niveau de prise en charge des facteurs de risque cardiovasculaire chez plus de 8000 patients souffrant de maladie coronarienne.21 Six mois après l'hospitalisation pour un événement coronarien, 21% des sujets étaient des tabagiques actifs, 50% avaient une hypertension artérielle mal contrôlée, 58% avaient un cholestérol total supérieur à 5,0 mmol/l et parmi les 20% de personnes diabétiques, 72% avaient des glycémies à jeun supérieures à 7 mmol/l. Dans une autre étude effectuée en Angleterre chez des patients diabétiques régulièrement suivis dans une clinique de diabétologie, le risque absolu de maladie coronarienne à dix ans selon Framingham était passé de 19,6% à 19,2% entre 1995 et 1996.22 Dans cette même étude, la pression artérielle, les taux de cholestérol et le tabagisme ne se sont pas améliorés de façon significative sur le suivi d'un an. Ces deux études nous illustrent les limites de la médecine basée sur les preuves scientifiques dans la réduction du risque cardiovasculaire. Une médecine orientée patients et soignants offre probablement de meilleures perspectives pour améliorer l'adhérence thérapeutique.
Malgré les nombreuses évidences scientifiques, pourquoi le corps médical et les patients ont-ils tellement de difficultés à adhérer aux recommandations de la médecine fondée sur les preuves ? Une étude qualitative récente effectuée auprès de 19 médecins généralistes nous livre quelques pistes de réflexions.23 Cette étude qualitative a été réalisée en utilisant l'approche qualitative des groupes Balint. Plusieurs messages importants nous sont livrés par cette étude :
le médecin hésite souvent à introduire les traitements recommandés par crainte d'altérer la relation avec son patient ;
la décision d'introduire un traitement est profondément influencée par les expériences personnelles et professionnelles du médecin et du patient ;
la qualité de la relation et la connaissance du patient influencent aussi la décision de traiter ;
le choix des mots lors de l'introduction d'un nouveau traitement peut fortement influencer l'adhérence thérapeutique.
Cette étude illustre la complexité de la décision médicale pour les traitements dans le domaine des maladies chroniques. La trajectoire personnelle du patient et du médecin vont fortement influencer l'adhérence thérapeutique. D'autres dimensions peuvent également influencer l'adhérence au traitement telles que la famille, la culture du patient, le réseau de soins, le type d'assurance maladie et des facteurs socio-économiques ainsi que religieux.
L'éducation thérapeutique est actuellement une nouvelle branche de la médecine qui devrait contribuer à l'amélioration de l'adhérence thérapeutique dans le domaine des maladies chroniques et notamment pour le syndrome métabolique. En raison de nécessité absolue d'éduquer les patients traités par insuline, la diabétologie a fait partie des branches pionnières dans ce domaine. Un patient diabétique de type 2, en bonne santé quoique présentant un syndrome métabolique, devrait selon la médecine basée sur les preuves prendre au minimum : deux antidiabétiques oraux, deux à trois antihypertenseurs, un hypolipémiant et une aspirine par jour. A l'évidence, il serait difficile pour nos patients de prendre une telle pharmacopée sur la base de risques et bénéfices hypothétiques, dans le cadre d'un traitement préventif pour un syndrome silencieux. La présence de nombreux mono-spécialistes pour un même patient risque encore de réduire l'adhérence au traitement. Un traitement centré sur le patient et non sur la maladie est un premier élément important qui peut nous permettre d'améliorer l'adhérence thérapeutique. L'exploration des perceptions et des priorités du patient est un deuxième élément important. Des petits objectifs atteignables, évaluables et qui ont un sens pour le patient sont un troisième principe à respecter en éducation thérapeutique.24 Sur le plan opératoire, il est plus approprié d'évaluer avec le patient quelles sont les composantes du syndrome métabolique qui lui apparaissent prioritaires. En effet, si les objectifs fixés conjointement par le patient et le médecin sont atteints, la suite de la prise en charge des autres composantes du syndrome métabolique sera grandement facilitée.
En conclusion, le syndrome métabolique regroupe plusieurs composantes et donc plusieurs spécialistes. Une prise en charge optimale devrait regrouper un consensus entre médecins de premier recours et spécialistes, centrés sur le patient selon les principes de l'éducation thérapeutique. Cette nouvelle stratégie devra être évaluée afin de convaincre l'ensemble du corps médical de la valeur ajoutée par l'éducation thérapeutique.
La mélatonine est une hormone polypeptidique synthétisée par la glande pinéale. Elle est principalement sécrétée durant la nuit, son rôle physiologique étant d'informer d'autres organes de l'heure du jour ou de la nuit. Cette information est notamment importante pour le noyau suprachiasmatique, dans lequel réside l'horloge biologique intrinsèque. Comme le noyau suprachiasmatique participe à la régulation de la sécrétion de mélatonine par la glande pinéale, ces deux organes semblent liés au sein d'une boucle de rétroaction endocrinienne classique.25
Les effets de la mélatonine, qui pourrait induire une facilitation du sommeil chez le sujet normal,26 sont essentiellement contraires à ceux de la lumière du jour. Elle agit plus comme une substance chronobiotique que comme un somnifère à part entière, ses effets dépendant de manière cruciale du moment de son administration. Lorsqu'elle est donnée quelques heures avant le moment de son pic endogène physiologique de sécrétion, elle provoque un endormissement précoce qui précède le début du cycle de sommeil habituel des sujets sains.27 Une administration à d'autres moments de la journée reste par contre sans effet. Il a également été possible de restaurer, par des injections de mélatonine, un rythme circadien de sommeil/ éveil sur 24 heures chez certains patients aveugles.25 En conséquence, une utilisation clinique de la mélatonine a été proposée dans divers troubles du sommeil. La parution de plusieurs études bien conduites durant l'année écoulée nous a poussés à revoir brièvement ici les évidences disponibles en faveur d'une utilisation de la mélatonine en médecine.
A ce jour, trois types essentiels de pathologies ont fait l'objet d'investigations cliniques : les insomnies chroniques en relation avec des désordres de l'horloge biologique, y compris les troubles de l'endormissement chez l'enfant, les troubles liés au décalage horaire (jet lag) et l'insomnie du sujet âgé. Il faut toutefois noter que la plupart des études disponibles (à part celles traitant du décalage horaire) ont été pratiquées sur de très petits nombres de patients, et ne constituent au mieux que des indications relatives à une utilisation clinique potentielle de la mélatonine. D'autre part, il n'existe à l'heure actuelle aucune préparation de mélatonine à usage clinique, dont les critères de pureté et de contenu soient garantis. Les études décrites ci-dessous appartiennent donc au domaine de l'investigation clinique, et ne permettent pas encore d'extrapoler l'utilité de la mélatonine en pratique courante.
Chez les enfants, une étude prospective contrôlée par placebo et publiée en 2001 a pu démontrer l'efficacité de la mélatonine dans les troubles de l'endormissement.28 Le collectif testé se composait de vingt enfants souffrant de troubles du développement accompagnés de difficulté majeure à l'endormissement. Ces enfants ont été tirés au sort pour recevoir de la mélatonine ou du placebo durant six semaines. Chez tous les enfants recevant de la mélatonine, le temps nécessaire à s'endormir a été significativement plus court que sous placebo.28 De même, la durée totale du sommeil était plus longue sous mélatonine qu'avant le traitement, bien que la différence avec le groupe placebo ne soit là plus significative. Aucun effet secondaire n'a été rapporté. Cette étude, bien qu'effectuée sur un collectif extrêmement restreint, suggère l'utilité potentielle de la mélatonine, qui devrait être testée sur une plus large échelle.
L'utilisation de la mélatonine pour contrecarrer plus rapidement les effets délétères du décalage horaire a déjà été étudiée de manière plus systématique. Le groupe Cochrane a publié cette année une revue des études contrôlées publiées à ce sujet.29 Les auteurs ont identifié et analysé neuf études cliniques satisfaisant à des critères de qualité dans le dessein et l'exécution (études prospectives, contrôlées par placebo, en double aveugle). D'autre part, les données relatives aux effets secondaires potentiels de la mélatonine ont été obtenues par une recherche MEDLINE ainsi qu'une recherche de la base de données OMS. Les résultats de cette analyse sont très convaincants : toutes les études concluent à un effet positif de la mélatonine sur les symptômes liés au décalage horaire.29 Des doses de 0,5 à 5 mg de mélatonine prises entre 22 heures et minuit (heure d'arrivée) ont toutes permis aux sujets testés de s'endormir plus vite et de dormir plus longtemps que les sujets contrôles prenant un placebo. La dose de 5 mg pourrait induire le sommeil plus rapidement que les doses inférieures, mais il ne semble pas y avoir de gain à augmenter les doses au-delà de 5 mg. D'autre part, une formulation à longue durée d'action de 2 mg a été trouvée relativement inefficace comparée à 5 mg, suggérant l'importance d'un pic rapide de mélatonine dans son effet biologique. Les auteurs concluent à la remarquable efficacité de la mélatonine dans le traitement du jet lag, en soulignant l'inocuité d'un traitement de courte durée administré dans ce contexte. Nous aimerions tempérer ici cet enthousiasme en soulignant l'absence d'études pharmacologiques et toxicologiques systématiques. D'autre part, comme indiqué plus haut, il n'existe actuellement et à notre connaissance aucune source commerciale de mélatonine produite selon les standards de qualité pharmaceutiques indispensables à une utilisation de cette molécule en routine clinique. Nous sommes donc de l'avis qu'une prescription de mélatonine, même dans cette indication prometteuse, est prématurée.
La troisième indication potentielle de la mélatonine est l'insomnie du sujet âgé. Environ 50% des personnes de plus de 50 ans présentent des altérations du sommeil. Celles-ci se caractérisent par une diminution de la durée totale du sommeil, ainsi que par des réveils fréquents, une difficulté à l'endormissement ainsi que des réveils matinaux augmentés. Ces altérations sont grevées d'une morbidité importante, puisqu'elles peuvent induire une somnolence diurne de même que des déficits de mémoire et d'attention. Comme les taux de mélatonine chez l'être humain déclinent avec l'âge, il a été suggéré qu'un déficit en mélatonine pourrait participer à ces troubles. Toutefois, aucune étude n'a pu montrer de relation significative entre les taux de mélatonine mesurés et la présence ou non de troubles du sommeil chez ces patients. Les résultats d'une étude en double aveugle, contrôlée par placebo, investiguant les effets de la mélatonine chez le sujet âgé insomniaque viennent d'être publiés.30 Une des forces de cette étude conduite sur une cinquantaine de patients est l'utilisation de critères polysomnographiques détaillés pour qualifier l'insomnie. Il en ressort que la mélatonine prise à des doses variant entre 0,1 et 3 mg, 30 minutes avant le coucher, a amélioré significativement la qualité du sommeil des insomniaques tout en étant sans effet chez les contrôles.30
En conclusion, la mélatonine semble efficace dans le traitement des troubles liés au décalage horaire. Le traitement d'autres pathologies du sommeil devrait par contre encore faire l'objet de grandes études prospectives contrôlées afin de mieux cerner son rôle potentiel. Selon la plupart des études publiées, la plus petite dose de mélatonine utilisée est aussi efficace que des doses «supraphysiologiques» augmentant les taux circulants de mélatonine, et la dose recommandée devrait être de 0,5-1 mg en une prise. Une telle prescription pour le traitement du décalage horaire devra toutefois attendre la mise sur le marché de préparations de mélatonine fiables et approuvées par les autorités sanitaires.
Après bientôt deux décennies d'utilisation pharmacologique, les agonistes de la somatostatine ont démontré leur efficacité et ils représentent une arme thérapeutique essentielle dans plusieurs pathologies en particulier dans l'acromégalie et les tumeurs neuroendocrines digestives. Le progrès galénique constitué par l'obtention de formulations à libération prolongée a grandement facilité la mise en uvre de ces traitements, puisqu'ils ne nécessitent, suivant l'analogue utilisé, qu'une à trois injections par mois. En effet, l'octréotide retard (Sandostatine LAR®) peut être administré en intramusculaire tous les 28 jours alors que le lanréotide (Somatuline LP®) est actuellement disponible sous une forme administrée tous les 10 à 14 jours. Une nouvelle formulation galénique, une somatostatine autogel (lanréotide autogel) vient d'être développée. Cette formulation à libération prolongée (une injection toutes les quatre semaines) n'est en réalité qu'un mélange de lanréotide et d'eau. Elle est administrée en sous-cutané profond contrairement aux autres formulations à libération prolongée qui sont administrées en intramusculaire, permettant ainsi son injection à des patients sous traitement anticoagulant.31 L'identification d'au moins cinq sous-types des récepteurs de la somatostatine (SSTR-1-5) confirme les vastes potentialités des différents analogues de la somatostatine.32 Ainsi, il est possible que chacun de ces sous-types ait une fonction différente. SSTR2 et SSTR5 modulent la fonction somatotrope et la sécrétion de l'hormone de croissance, alors la relevance des autres sous-types SSTR1, 3 et 4 pour la fonction hypophysaire n'est pas très claire. Les analogues commercialisés à ce jour ont tous une très grande affinité pour le SSTR2 et un peu moins pour le SSTR5. De nouveaux analogues sont en cours de développement. Ainsi, des analogues très spécifiques pour le sous-type 5 ou des analogues combinant une affinité très élevée pour deux sous-types (en général SSTR2 et SSTR5) vont probablement être plus efficaces sur certains adénomes à hormone de croissance réfractaires aux analogues actuellement disponibles. En effet, l'inhibition de la sécrétion d'hormone de croissance de certains adénomes est potentialisée par la combinaison d'analogues SSTR2 et SSTR5. Il a en outre clairement été démontré par le groupe de Y. Patel qu'il pouvait y avoir des interactions entre les différents sous-types de récepteurs qui se trouvent dans une même cellule. Il y a formation d'homo- et d'hétéro-oligomères créant ainsi un nouveau récepteur avec une activité fonctionnelle accrue. Ces interactions s'observent entre les différents sous-types des récepteurs de la somatostatine, mais également entre récepteurs de la somatostatine et le récepteur dopaminergique D2.33,34 En outre, des agonistes non peptidiques ont récemment été développés, en particulier des dérivés des 2-pyridyl-thiourées, sélectifs de SSTR4, laissant entrevoir la possibilité d'administration orale de ces agonistes.35
Après avoir initialement développé des analogues de la somatostatine qui possèdent une grande affinité pour un des sous-types du récepteur de la somatostatine (par exemple SSTR2 ou 5), la recherche pharmaceutique a non seulement développé des analogues qui se lient à deux sous-types SSTR2 et 5, mais également des analogues qui se lient à tous les sous-types, mimant ainsi l'effet de la somatostatine endogène. Ainsi, la firme Novartis a développé un analogue avec un profil de liaisons plus «universel» puisqu'il se lie à quatre, voire aux cinq sous-types de récepteurs. Il s'agit de l'analogue SOM 230, un cyclohexapeptide. Les résultats précliniques démontrent que cet analogue a une grande affinité pour les sous-types 1, 2, 3 et 5 et plus faibles pour le SSTR4. Ce nouvel analogue «universel» pourrait avoir un grand potentiel thérapeutique. Il est nettement plus efficace que l'octréotide comme inhibiteur de l'axe hormone de croissance/IGF-1, sa stabilité métabolique est plus grande (23 h versus 2 h pour l'octréotide) et son profil inhibiteur du glucagon et de l'insuline est différent de celui de l'octréotide.36 Sa longue demi-vie pourrait permettre un traitement en sous-cutané d'une injection par jour pour les indications aiguës et la préparation d'une formulation dépôt à partir de cet analogue pourrait permettre une injection tous les 60-90 jours. Les avantages potentiels de cet analogue universel sont une augmentation du nombre de patients acromégales «répondeurs» de 80% à 90% et le contrôle simultané des sécrétions d'hormone de croissance et de prolactine dans les tumeurs mixtes. En ce qui concerne les tumeurs neuroendocrines gastro-entéro-pancréatiques, l'avantage serait le maintien d'une réponse de longue durée, car l'absence de tachyphylaxie a un effet sur la croissance tumorale. L'absence de tachyphylaxie pourrait également représenter un avantage potentiel dans le traitement des hémorragies sur varices sophagiennes et dans la prévention des complications survenant après chirurgie pancréatique. En outre, de nouvelles indications thérapeutiques pourraient être liées à cet analogue : des indications oncologiques vu la puissance inhibitrice de cet analogue sur les facteurs de croissance, et en particulier l'IGF-1, des maladies auto-immunes comme l'ophtalmopathie associée à la maladie de Basedow ou l'arthrite rhumatoïde, et finalement les complications du diabète sucré, comme la rétinopathie ou la néphropathie. Toutes ces indications potentielles doivent maintenant être testées par des essais cliniques spécifiques. Les agonistes de la somatostatine actuellement commercialisés ont également été testés dans de nouvelles indications pour lesquelles toutefois il manque encore des données à long terme. A titre d'exemple, dans le psoriasis en plaques, le blocage de l'hormone de croissance et de l'IGF-1 pourrait exercer des effets bénéfiques.37 Dans l'orbitopathie de la maladie de Basedow, plusieurs études préliminaires encourageantes suggèrent que les agonistes de la somatostatine pourraient représenter une alternative thérapeutique utile à la corticothérapie,38,39,40 voire à la radiothérapie. L'administration de l'analogue de la somatostatine doit se faire chez un patient rendu euthyroïdien par des antithyroïdiens et la durée d'administration pour obtenir l'amélioration maximum varie de trois mois à un an. Il faut toutefois remarquer que ces résultats encourageants viennent pour la plupart d'études non contrôlées et ne comportent qu'un nombre restreint de patients. Une étude clinique randomisée, contrôlée versus placebo, est cependant actuellement en cours. La sélection des patients pouvant répondre à la somatostatine pourrait se faire sur la base d'un octréoscan, c'est-à-dire d'une scintigraphie avec un analogue de la somatostatine marqué, en l'occurrence l'octréotide, afin de détecter la présence de récepteurs somatostatinergiques dans le tissu rétro-orbitaire.40,41 Parmi les mécanismes évoqués, les analogues de la somatostatine inhiberaient la croissance et l'activité des fibroblastes rétro-orbitaires de l'ophtalmopathie basedowienne.42 Une autre indication potentielle des analogues de la somatostatine est la rétinopathie diabétique puisqu'en effet la somatostatine et ses récepteurs sont présents dans la rétine humaine.43 L'hormone de croissance a été suggérée il y a plusieurs décennies déjà comme pouvant jouer un rôle dans la pathogenèse des rétinopathies prolifératives, ce qui conduisit à proposer l'hypophysectomie comme traitement de la rétinopathie diabétique.44,45 Toutefois, l'introduction de la photocoagulation par laser a eu pour conséquence l'abandon de ce traitement. La disponibilité des analogues de la somatostatine a réactualisé le rôle de l'hormone de croissance et de facteurs de croissance dans la pathogenèse de la rétinopathie diabétique. Ainsi, une première étude publiée en 1999 montre chez des patients diabétiques que le risque d'hémorragies récidivantes du vitré est significativement diminué chez les patients traités par l'octréotide au cours d'un suivi de deux ans.46 D'autres études ont démontré l'effet bénéfique d'un traitement à l'octréotide chez des patients diabétiques à haut risque de rétinopathie proliférative47,48 ou sont actuellement en cours. Ainsi les analogues ont probablement un avenir pour la préservation de l'acuité visuelle des patients diabétiques. Le mécanisme d'action des analogues de la somatostatine sur la rétine est certainement médié par l'IGF-1, mais des effets directs de la somatostatine ne sont cependant pas exclus.
Ainsi, les progrès galéniques et le développement de nouveaux agonistes soit spécifiques de certains sous-types de récepteurs, soit «universels», se liant à tous les sous-types de récepteurs de la somatostatine, devraient permettre de mieux maîtriser les cibles thérapeutiques et d'élargir les indications thérapeutiques de ces substances.