Nous terminons ici l'exposé du triste constat que vient d'établir sous l'égide de l'«Alliance pour les technologies médicales» un groupe de travail d'experts analysant le sous-équipement français en la matière (Médecine et Hygiène des 12 et 19 décembre 2001) avec quelques exemples concrets montrant que cette situation fait que l'innovation n'est malheureusement pas toujours au service des patients français. Selon les auteurs du rapport ces exemples présentés «sont caractéristiques des difficultés rencontrées en France par les industriels pour développer leurs activités et apporter les améliorations nécessaires à la prise en charge de certaines pathologies» et sont «inhérentes à la rigidité et à la complexité des procédures administratives et au décalage entre les textes et la réalité du terrain.» La brachythérapie endovasculaire. Il s'agit là d'une technologie de pointe qui permet de réduire efficacement les récidives de resténose «intra-stent». Elle utilise la radiothérapie pour réduire l'épaisseur de la cicatrice intra-artérielle et répond à des critères très exigeants d'efficacité thérapeutique et de radioprotection. Il faut savoir que la resténose «intra-stent» est un problème grave qui, en France, affecte plus de 15 000 personnes chaque année sur les 80 000 patients qui bénéficient d'une angioplastie avec pose de stent. Cette resténose survient dans un délai allant de quelques semaines à environ six mois après l'intervention. L'efficacité de la brachythérapie a été amplement établie par des études randomisées incluant maintenant plus de 5000 patients. C'est en outre une technique qui répond à des critères très exigeants d'efficacité thérapeutique et de radioprotection et qui présente de nombreux avantages. Elle est peu invasive, simple, rapide et peut être effectuée en toute sécurité pour le personnel soignant comme pour le patient. Elle évite au patient la répétition de dilatations coronaires par ballons ou le recours au pontage par voie chirurgicale. «Pratiquée aux Etats-Unis et dans la plupart des pays européens dès 1998, la brachythérapie endovasculaire est aujourd'hui d'un accès encore difficile pour les 15 000 patients susceptibles d'en bénéficier en France, précisent les auteurs. Elle vient d'obtenir l'approbation des autorités françaises mais seuls une dizaine de centres sont actuellement autorisés à la pratiquer ce qui limite l'accès à ce traitement. Elle nécessite des déplacements longs et onéreux pour les patients éloignés des centres et ne permet pas de couvrir les besoins de la population française. C'est pourquoi il est important que la pratique de cette technologie soit étendue (les spécialistes estiment à une trentaine de centres le nombre nécessaire pour couvrir les besoins de la population) et qu'elle bénéficie de budgets complémentaires et d'une prise en charge adaptée (la réglementation actuelle ne prévoyant le remboursement que des dispositifs implantables).» La thermocoagulation par ballonnet intra-utérin. Il s'agit là d'une technique non invasive et non sanglante fournissant des résultats comparables à ceux de la meilleure des résections endométriales. Cette méthode introduite en Europe à la fin des années 80 et expérimentée en France depuis 1994 constitue une alternative thérapeutique dans le traitement des méno-métrorragies rebelles aux traitements médicaux. «La prévalence moyenne des méno-métrorragies en Europe se situe autour de 20 à 25% des femmes de 35 à 50 ans, ce qui donne, pour la France, un chiffre global d'environ 1 million de personnes. Les études évaluent à 350 000 le nombre de femmes pouvant bénéficier des techniques de thermocoagulation, peut-on lire dans le rapport. Cette procédure est proposée aux femmes peu désireuses de suivre correctement un traitement médical ou à celles qui ont eu un échec ou des résultats médiocres au bout de six mois. Les patientes doivent avoir renoncé à la perspective d'une grossesse. La cavité utérine doit être saine et d'une taille comprise entre 4 et 12 cm.»En pratique, on insère sans dilatation cervicale à travers le col jusqu'au fond utérin, un ballonnet gonflé avec une solution stérile. Le dispositif à usage unique est composé d'un cathéter en matière plastique souple de 16 cm de longueur et de 4,5 mm de diamètre au bout duquel a été fixé le ballonnet contenant une électrode chauffante. Le contrôle des conditions de chauffage contrôlées par une unité centrale de commandes et de mesures, assure la destruction de l'endomètre, sur une profondeur de 4 à 6 mm. Les patientes restent dans le service entre 6 à 8 heures. Les résultats des différentes études donnent 87% de guérison complète.«Le coût de la thermocoagulation par ballonnet est de 5594 francs alors qu'une hystérectomie représente un montant de 8784 francs, peut-on lire dans le rapport. Aujourd'hui en France, cette intervention se fait le plus fréquemment dans les hôpitaux publics environ 50 fonctionnant dans le cadre d'un budget global. Dans les cliniques privées, elle est plus difficilement accessible étant donné son caractère non prothétique et non implantable. La sonde à ballonnet n'est, en effet, pas considérée comme un implant ce qui lui interdit d'être remboursée. Cette situation pénalise bon nombre de Françaises qui pourraient bénéficier de cette méthode comme les femmes des autres pays européens.» Autres exemples. Ce sont ceux de la dialyse péritonéale ou des défibrillateurs implantables. Dans le premier cas en dépit de ses avantages, notamment en termes d'autonomie du patient, la dialyse péritonéale ne concerne encore qu'un très petit nombre de patients français. En Europe, selon l'Etablissement français des greffes, la France se situe au 8e rang des utilisateurs, derrière la Grande-Bretagne, la Scandinavie, les Pays-Bas et la Suisse. Pour ce qui est du second exemple, il faut rappeler qu'en France chaque année 50 000 personnes sont victimes d'une mort subite dont la principale cause est la fibrillation ventriculaire. L'arrêt cardiaque, en l'absence d'un choc électrique, délivré à l'aide d'un défibrillateur externe, est responsable de dommages cérébraux puis du décès du patient en trois minutes environ.«Malgré l'excellence du système de soins d'urgence français, très peu de patients sont réanimés d'une fibrillation ventriculaire ; en effet, dans de telles situations les gestes de secours sont trop souvent absents, voire inefficaces, car l'entourage n'est pas entraîné aux techniques de ressuscitation ou les secours d'urgence ne peuvent pas intervenir dans un délai suffisamment court, écrivent les auteurs du rapport. Mis au point il y a une vingtaine d'années, le défibrillateur implantable permet de traiter efficacement les fibrillations chez les patients exposés au risque de mort subite. La durée de vie d'un défibrillateur implantable est d'environ cinq ans et son prix moyen est de 100 000 francs. Plusieurs études internationales randomisées ont prouvé que le traitement par défibrillateur implantable est supérieur à l'approche médicamenteuse. Il a été également démontré que le défibrillateur ventriculaire implantable réduit d'un tiers la mortalité des malades ayant survécu à un arrêt cardiaque par rapport au seul traitement médicamenteux et diminue de moitié le risque de mortalité des insuffisants cardiaques par rapport aux patients recevant uniquement un traitement médicamenteux (
). Le bénéfice de ce traitement s'est imposé dans l'ensemble de l'Europe.» Or, le taux d'implantation de défibrillateurs en France est de 18 par million d'habitants alors que sur la même période, il est de 37 par million d'habitants en Italie et de 80 en Allemagne. Pourquoi ? Notamment parce que l'appareil n'est pas remboursé par la Sécurité sociale.