Les quatre chapitres de ces acquisitions thérapeutiques 2001 en psychiatrie sont consacrés respectivement : I Aux psychothérapies cognitives : de nouvelles études sont venues démontrer leur intérêt en complément de la pharmacothérapie dans la dépression chronique mais aussi, quand elle est utilisée comme une thérapie de continuité après la phase de rémission, dans la prévention des rechutes en particulier en cas de rémission imparfaite. I A la réboxétine, un antidépresseur inhibiteur sélectif de la recapture de la noradrénaline qui a un profil de tolérance intéressant et peut-être un intérêt plus spécifique dans la dépression où prédomine l'inhibition et la passivité. I A la lamotrigine, un anti-épileptique, qui comme d'autres anti-épileptiques s'est révélée avoir des propriétés stabilisatrices de l'humeur, particulièrement intéressantes dans les phases dépressives des troubles bipolaires, mais dont l'utilisation doit rester prudente à cause du risque de complications dermatologiques. I A la stimulation magnétique transcrânienne, qui a une action thérapeutique dans certains troubles psychiatriques comme la dépression : cette technique issue de la neurophysiologie repose sur des variations rapides d'un champ magnétique qui induit des courants électriques légers au niveau de certaines zones du cortex.
L'année 2001 nous offre l'occasion, selon une formule analogue à celle utilisée lors des années précédentes, de vous présenter une mise au point dans le domaine de la psychothérapie spécifique de la dépression, d'introduire un nouvel antidépresseur, la réboxétine, de préciser la place d'un nouvel anti-épileptique dans le traitement des troubles bipolaires de l'humeur, d'ouvrir une nouvelle perspective thérapeutique venue de la neurophysiologie avec la stimulation magnétique transcrânienne.
Les thérapies cognitives et la thérapie interpersonnelle sont les principales formes de psychothérapie de la dépression qui ont fait l'objet d'études contrôlées pour en vérifier l'efficacité. Bien que relevant de deux modèles théoriques distincts, ces deux approches présentent des caractéristiques communes : il s'agit de thérapies brèves et limitées dans le temps, où le thérapeute joue un rôle plutôt actif dans la relation ; elles sont praticables à l'aide de manuels structurés ; elles sont centrées sur les problématiques actuelles et finalement elles ont été développées pour s'attaquer directement aux symptômes dépressifs et à la vulnérabilité du patient face à cette affection. Ces deux approches psychothérapeutiques présentent une efficacité supérieure aux facteurs aspécifiques type placebo tels que les listes d'attentes.1
Des travaux récents qui font date ont été publiés dans le domaine des approches cognitives. Les thérapies cognitives s'avèrent aussi efficaces qu'un traitement antidépresseur seul dans le traitement de la phase aiguë d'une dépression d'intensité légère ou modérée. Par conséquent, lors d'un état dépressif d'une telle intensité, une psychothérapie cognitive seule peut être proposée comme traitement initial si, outre la préférence du patient, on relève un stress psychosocial aigu, un conflit intra-psychique, des difficultés interpersonnelles ou un trouble de la personnalité.2 Par contre, l'association d'une psychothérapie (cognitive ou interpersonnelle) et d'un antidépresseur, doit être envisagée comme traitement de choix chez les patients présentant une dépression sévère. Elle pourrait s'imposer aussi dans les dépressions chroniques comme le suggère une publication récente montrant la supériorité de l'association néfazodone-thérapie cognitive sur l'un ou l'autre traitement seul.3
Pour la majorité des personnes qui font l'expérience d'un premier épisode dépressif, surviendront ultérieurement une ou plusieurs récurrences. Par conséquent, différentes stratégies psychothérapeutiques visant à réduire le risque de rechutes dépressives ont été développées.
Depuis les années 80, on sait que les thérapies cognitives de la phase aiguë de la dépression produisent aussi des effets favorables dans la réduction des rechutes1 grâce probablement à l'acquisition de compétences ou de stratégies spécifiques qui permettent de contenir et contrôler la réémergence de symptômes anxio-dépressifs face à des facteurs de stress internes ou externes.
Par ailleurs, la poursuite d'une telle psychothérapie après la résolution d'un épisode dépressif aigu, permet de réduire ultérieurement le risque de rechute.4 En plus, chez les patients présentant une dépression récurrente en rémission, la poursuite au-delà de la phase aiguë d'une thérapie cognitive associée à une pharmacothérapie de maintien, fait diminuer significativement le taux de rechute par rapport à la poursuite du traitement antidépresseur seul.5
Des résultats encourageants dans la prévention des rechutes ont aussi été obtenus avec une stratégie séquentielle qui prévoit une pharmacothérapie dans la phase aiguë et une thérapie cognitive qui débute après la rémission et l'arrêt de l'antidépresseur. Cette approche psychothérapeutique s'adresse surtout aux patients présentant des symptômes résiduels6 ou avec rémission instable.7
La thérapie cognitive basée sur le mindfulness est une nouvelle approche thérapeutique de traitement de groupe conçue expressément pour la prévention des rechutes dépressives.8
Les principes théoriques de cette intervention psychologique s'appuient largement sur l'hypothèse du kindling qui postule que la répétition des états dépressifs accroît la vulnérabilité du sujet en diminuant le seuil d'activation nécessaire pour déclencher un nouvel épisode. Chez les patients avec un nombre élevé d'épisodes dépressifs antérieurs, un état dysphorique transitoire peut conduire à l'activation facilitée en cascade d'émotions, cognitions et schémas dépressifs à l'origine d'une nouvelle rechute. La thérapie cognitive basée sur le mindfulness permet aux patients d'apprendre à désautomatiser ce processus qui peut conduire au déclenchement d'une rechute. Elle intègre des éléments issus de la thérapie cognitive avec des techniques de méditation déjà utilisées en médecine psychosomatique. Contrairement aux thérapies cognitives traditionnelles de la dépression, ce qui est préconisé avec cette nouvelle approche n'est pas un changement du contenu des pensées dysfonctionnelles dépressives, mais avant tout la reconnaissance précoce de ces mêmes pensées et la possibilité de s'en décentrer. Le mindfulness, qui est la technique proposée, signifie être présent avec tout son esprit et sans jugement dans un domaine focalisé d'expérience. Autrement dit, c'est diriger et absorber toute son attention sur une expérience très limitée (par exemple le contact d'une partie de son corps avec une surface, une seule sensation comme le goût d'un raisin sec dans sa bouche, la respiration diaphragmatique, etc.), ce qui permet de réduire, à l'occasion de sensations dysphoriques, les activations psychophysiologiques à la base des phénomènes d'embrasement des schémas dépressifs. L'acquisition de cette capacité à réorienter activement son attention, s'effectue lors de séances de groupe mais surtout au moyen d'exercices quotidiens en dehors des séances. Puisque cette thérapie ne nécessite pas uniquement la présence de pensées ou de sensations dépressives (toute pensée ou sensation est suffisante pour apprendre les techniques de mindfulness), le travail ou l'entraînement dans l'acquisition de ces techniques peut être pratiqué avec des patients en rémission clinique, c'est-à-dire lorsqu'ils ne présentent plus les symptômes aigus d'un état dépressif.
Conclusion
En matière de recherche thérapeutique, le dynamisme n'est pas limité aux approches psychopharmacologiques et biologiques. Les thérapies cognitives de la dépression ouvrent des perspectives nouvelles, non seulement en terme d'indications mais aussi de développement de nouvelles techniques.
La prévalence de la dépression majeure chez les patients ambulatoires vus par les médecins de premier recours, se situe entre 6 et 10%. Elle est plus élevée chez les patients hospitaliers en milieu somatique, se situant entre 8 et 15%. La dépression est donc l'affection psychiatrique la plus souvent rencontrée par les médecins somaticiens. La réboxétine est la première substance d'une nouvelle classe d'antidépresseurs et représente une nouvelle alternative intéressante dans la prise en charge psychopharmacologique des patients présentant une dépression.
La réboxétine est un inhibiteur sélectif de la recapture de la noradrénaline (ISRN). Par contre, elle n'inhibe ni la recapture de la sérotonine, ni celle de la dopamine. Elle présente une faible affinité pour les récepteurs adrénergiques, cholinergiques, dopaminergiques, sérotoninergiques et histaminergiques.9 Toutefois, elle a été associée à des effets secondaires de type anticholinergique durant les essais cliniques. Ceci n'est pas dû à un blocage direct des récepteurs cholinergiques mais à une diminution indirecte du système parasympathique secondaire à la stimulation du système sympathique. Outre son action d'inhibition sur la recapture de la noradrénaline, la réboxétine entraîne une down-regulation des récepteurs post-synaptiques bêta-adrénergiques.
La réboxétine est un composé racémique dont les deux énantiomères sont actifs, la forme S étant toutefois plus puissante dans les tests prédictifs de l'activité antidépressive. La concentration plasmatique maximale est atteinte 2 h 30 après l'absorption orale et la pharmacocinétique est linéaire. La demi-vie plasmatique (T1/2) est de 12 h 30, ce qui justifie une prise médicamenteuse de 2 x/j.10 Le taux plasmatique de l'état stationnaire est atteint cinq jours après le début du traitement.
La réboxétine est liée à 98% aux protéines plasmatiques, son métabolisme est hépatique via le cytochrome P450 3A4, et seuls 10% de la dose sont éliminés inchangés par les voies urinaires. Les personnes âgées, ainsi que celles souffrant d'insuffisance rénale ou hépatique, présentent une augmentation de la demi-vie des taux plasmatiques, ce qui nécessite une adaptation de la posologie (réduction de moitié).
La réboxétine n'a pas d'effet sur l'activité in vitro des cytochromes P450 lA2, 2C9, 2D6 et 3A4. Elle n'affecte pas la pharmacocinétique des autres substances métabolisées par le cytochrome P450. Par contre, la posologie de la réboxétine devrait être diminuée lorsqu'elle est prescrite avec de puissants inhibiteurs du cytochrome P450 3A4, tels que le kétoconazole.
L'efficacité de la réboxétine est évaluée par des études en double-aveugle d'une durée de quatre à huit semaines contre placebo11 et contre l'imipramine (150 à 200 mg/j), la fluoxétine (20 à 40 mg/j.)12 et la désipramine (50 à 200 mg/j) chez des patients souffrant d'épisodes dépressifs majeurs. Ces études montrent que la réboxétine était plus efficace que le placebo et d'une efficacité équivalente aux molécules de référence. Il semble même que, lors de dépression sévère, la réboxétine soit aussi efficace que l'imipramine et plus efficace que la fluoxétine. La réboxétine a montré son efficacité à long terme (un an) au cours d'un traitement d'entretien, en diminuant de manière statistiquement significative le risque de rechute dépressive.13 Katona14 obtient dans une étude en double-aveugle d'une durée de huit semaines chez des personnes âgées souffrant d'épisode dépressif majeur, des résultats aussi favorables avec la réboxétine qu'avec l'imipramine. L'efficacité de la réboxétine semble concerner aussi bien la dépression majeure que la dysthymie.15
De manière générale, la réboxétine est bien tolérée.16 Les effets secondaires apparaissant de manière statistiquement significative sous réboxétine par rapport au placebo dans les études à court terme sont : la sécheresse buccale (27% contre 16%), la constipation (17% contre 8%), la transpiration (14% contre 7%), l'insomnie (14% contre 5%), la tachycardie (5% contre 2%), la rétention urinaire (5% contre 2%), l'impuissance (5% contre 0%), et les vertiges (2% contre 0%). Dix pour cent des patients sous réboxétine peuvent présenter une hypotension ou une tachycardie et il est recommandé d'être prudent et de suivre attentivement ces patients s'ils souffrent d'une maladie cardiaque ou prennent une médication anti-hypertensive. Les données actuelles suggèrent que la réboxétine n'est pas toxique lors de surdosage (aucun décès décrit).
La posologie initiale de réboxétine est de 4 mg 2 x/j chez l'adulte et de 2 mg 2 x/j chez la personne âgée. En cas de réponse insatisfaisante ou incomplète après trois à quatre semaines, la posologie peut être augmentée à 10 mg/j chez l'adulte et à 6 mg/j chez la personne âgée. Une adaptation de la posologie est nécessaire chez les patients présentant une insuffisance rénale sévère ainsi que chez ceux présentant une insuffisance hépatique.
La réboxétine est une substance intéressante qui sera particulièrement utile dans les dépressions où prédomine l'inhibition psychomotrice, le manque d'énergie et la fatigue. Par ailleurs, du fait de son mécanisme d'action original, le spécialiste pourra faire un changement (switch) ou une association avec un autre antidépresseur tel que les ISRS lors de dépression résistante. Enfin des perspectives pourraient être ouvertes en raison de la stimulation du système noradrénergique qui pourrait améliorer les fonctions cognitives dans d'autres troubles que la dépression.
La lamotrigine, commercialisée en Suisse sous le nom de Lamictal®, est un anticonvulsivant qui a une structure chimique bien différenciée de celle des autres anti-épileptiques. Les études cliniques réalisées avec la lamotrigine pour le traitement de l'épilepsie ont mis en évidence une amélioration de l'humeur et de l'impression de bien-être général17 qui ont stimulé la réalisation d'essais cliniques avec la lamotrigine dans les troubles de l'humeur bipolaires par analogie avec les autres anti-épileptiques.
La lamotrigine diminue l'excitabilité neuronale en bloquant des canaux sodiques, ainsi que des canaux calciques18 et inhibe la libération d'acides aminés excitateurs comme le glutamate. En plus des effets au niveau des canaux ioniques, la lamotrigine inhibe le recaptage de la sérotonine, de la noradrénaline et de la dopamine, ce qui rapproche sa pharmacologie d'un antidépresseur. Toutefois, cet effet n'a été décrit qu'à haute concentration, si bien que son incidence clinique est incertaine.
Après administration orale, la lamotrigine est rapidement absorbée, sans être influencée par la prise de nourriture. La lamotrigine est métabolisée essentiellement par glucuroconjugaison, et ne fait pas intervenir les cytochromes P450. Chez les patients atteints de syndrome de Gilbert, le métabolisme de la lamotrigine est ralenti, mais sans avoir de répercussions cliniques. La demi-vie d'élimination de la lamotrigine est de 25-30 heures. Elle est prolongée chez les insuffisants hépatiques.
Au plan des interactions, une réduction des concentrations de lamotrigine de l'ordre de 40% peut être observée lors de traitement concomitant avec la carbamazépine. Lorsque l'acide valproïque est introduit chez des patients traités par la lamotrigine, la demi-vie d'élimination est augmentée19 de 24 à 40-60 heures. Cette interaction ne serait que peu dépendante de la dose et de la concentration plasmatique d'acide valproïque.19 Elle est particulièrement importante chez les patients déjà traités par de l'acide valproïque et chez qui la lamotrigine doit être introduite. En effet, le risque d'effet indésirable cutané est alors particulièrement élevé, et des doses de lamotrigine plus basses doivent être utilisées.
Lorsque la lamotrigine est utilisée comme antidépresseur ou comme stabilisateur de l'humeur, la dose prescrite se situe généralement entre 100 et 250 mg/j. On trouve dans la littérature des posologies allant jusqu'à 500 mg/j mais des doses aussi élevées ne devraient pas être utilisées en pratique clinique courante. Il est très important de respecter les recommandations concernant l'augmentation progressive de la posologie afin de limiter le risque d'effets secondaires cutanés graves.
Depuis 1994,20 plus d'une quinzaine d'études, dont certaines randomisées et avec placebo, ont été publiées.
Dans une grande étude multicentrique,21 192 patients bipolaires type I avec un épisode actuel de dépression sévère ont été randomisés pour recevoir un traitement de lamotrigine 50 ou 200 mg/j, ou un placebo pour une durée de sept semaines. La plupart de ces patients avaient été traités jusque-là par des stabilisateurs de l'humeur «classiques» et par des antidépresseurs. Basée sur une diminution d'au moins 50% sur l'échelle de MADRS (Montgomery-Asberg Depression Rating Scale) la réponse au traitement de lamotrigine a été de 55%, significativement supérieure au placebo.
Chez des cycleurs rapides, Kusumakar et Yatham22 ont rapporté l'efficacité de la lamotrigine chez cinq patients sur sept (monothérapie chez 6/7). Les effets de la lamotrigine comme traitement prophylactique pour prévenir les rechutes dépressives et/ou maniaques sont actuellement en investigation. A part son utilisation dans les troubles bipolaires, des études de cas sur son utilisation dans les troubles schizo-affectifs et le trouble de personnalité borderline ont été publiées.
La lamotrigine induit des rashes cutanés de type morbilliforme et maculopapulaires chez 5-12% des patients traités.23 Il s'agit le plus souvent de formes légères de réactions d'hypersensibilité retardée (type IV), traitées symptomatiquement. Toutefois, toute apparition de manifestation cutanée au cours des premières semaines de traitement nécessite une consultation urgente, afin d'estimer le degré de gravité. En effet, la fréquence d'effets indésirables graves (Syndrome de Stevens-Johnson, toxic epidermal necrolysis) est de l'ordre de 3 pour 1000 chez les patients adultes. Ceux-ci surviennent le plus souvent durant les huit premières semaines de traitement et l'incidence peut être réduite en débutant le traitement avec de faibles doses de lamotrigine et en augmentant progressivement la posologie.
Par rapport aux autres anti-épileptiques, la lamotrigine n'induit que peu de troubles cognitifs, et elle n'est que modérément sédative.24 Chez les patients âgés, une agitation est même quelquefois observée. Dans des études contrôlées,23 la lamotrigine utilisée en monothérapie induit fréquemment des céphalées (20% des patients traités), une asthénie (16%), des nausées (10%), ainsi que des insomnies (6%). Ces effets indésirables ne nécessitent que rarement l'arrêt du traitement. Une prise de poids est rarement rapportée lors de traitement avec la lamotrigine.
Au total, la lamotrigine est un traitement de seconde intention compte tenu des risques dermatologiques pour des patients résistants ou intolérants à un stabilisateur de l'humeur classique, les bonnes indications portant sur les phases dépressives et peut-être les cycles rapides.
Dans le courant des années 80, un ingénieur anglais, Anthony Barker, a mis au point le premier appareil de stimulation magnétique transcrânienne (SMT) et a publié dans The Lancet en 1985 un article sur l'application de cette technique pour l'exploration du cortex moteur.
Dès lors, les applications se sont développées dans un premier temps dans le champ de la neurologie, permettant l'analyse de lésions ou d'états post-lésionnels au niveau du système nerveux central et périphérique. La SMT a été ainsi proposée comme test non invasif de la latéralité, en remplacement du test de Wada.
L'idée d'appliquer cette technique en psychiatrie s'est basée sur le fait que de nombreuses explorations, tant structurales que fonctionnelles, ont montré que l'humeur est régulée par un ensemble de structures cérébrales corticales (cortex préfrontal, pariétal et temporal) et sous-corticales (striatum, thalamus, hypothalamus) et que des lésions focales dans ces réseaux étaient associées à l'apparition de troubles de l'humeur.25
La technique, qui ne nécessite aucune anesthésie, consiste à appliquer sur le scalp une bobine en forme d'anneau reliée à un générateur de champ magnétique. Ainsi, selon la loi de Faraday, le passage du courant dans la bobine induit un champ magnétique puissant et transitoire au voisinage de l'anneau. Ce champ magnétique, de l'ordre de 1,5 à 2 Tesla (intensité identique à celle utilisée en IRM), fourni sous forme d'impulsions de très courte durée (de l'ordre de quelques millisecondes) traverse sans perte de charge la boîte crânienne et les tissus mous. A son tour, le champ magnétique induit un champ électrique dont le sens de circulation est l'inverse de celui du courant circulant dans la bobine. Les courants électriques ainsi générés sont infra-convulsivants et semblent relativement bien focalisés dans le cerveau.
Les impulsions peuvent être délivrées soit de manière isolée, mode qui est souvent utilisé pour les investigations neurologiques, soit de manière répétitive, c'est-à-dire sous forme de trains d'impulsions successives dont on peut choisir la fréquence. C'est ce mode (SMTr) qui est généralement utilisé pour les indications psychiatriques.
La technique s'avère ainsi quasi indolore, et l'effet secondaire le plus souvent signalé est la survenue de céphalées cédant avec l'administration d'anti-inflammatoires non stéroïdiens.
Les applications en psychiatrie
La SMT dans le domaine de la psychiatrie s'est d'abord appliquée à la dépression majeure, la technique la plus courante étant une application sur le cortex dorsolatéral préfrontal gauche. Ainsi, des études publiées dès 1993 et effectuées tout d'abord sur un très petit nombre de patients, ont mis en évidence un effet anti-dépresseur avec la SMT. Plus tard, les études se sont rapidement multipliées, avec des échantillons plus importants, confirmant cet effet. Ainsi, dans une étude menée chez 56 patients dépressifs résistant à un traitement pharmacologique, on a constaté 42% de taux de réponse clinique (définie comme une diminution > 50% du score de Hamilton pour la dépression) après cinq jours de séances de SMTr.26 Une autre étude a étudié un échantillon de patients déprimés traités par antidépresseur seul (type SSRI) comparé avec un autre échantillon traité par le même médicament associé à des séances de SMTr. Dans ce deuxième groupe, la réponse clinique s'est avérée plus rapide.27
Au cours d'états dépressifs majeurs, des perturbations de l'axe corticotrope (aussi appelé axe du stress) ont été démontrées.28 L'effet antidépresseur de la SMTr est corroboré par des études menées chez l'animal, où il a été démontré qu'elle renforçait les stratégies d'ajustement au stress (le coping) de même qu'elle favorisait l'atténuation de la réponse neuro-endocrinienne au stress (évaluée par une élévation significativement moins élevée des taux plasmatiques d'ACTH).29 De tels effets sont similaires à ceux observés avec l'administration des médicaments antidépresseurs. Sur le plan clinique, en utilisant le système codifié d'analyse des expressions faciales, il a été montré que la SMT pouvait induire des modifications de l'expressivité faciale chez des patients dépressifs témoignant d'une amélioration.30
La SMTr a plus récemment été appliquée dans d'autres pathologies psychiatriques : un effet anti-maniaque a été observé dans quelques cas, en utilisant de basses fréquences de stimulation. Dans le registre des troubles obsessionnels-compulsifs, une séance de SMTr au niveau du cortex préfrontal droit a abouti à une diminution transitoire (8 heures) des compulsions, avec en parallèle une élévation de l'humeur. Chez quelques patients souffrant d'un état de stress post-traumatique, il a aussi été noté une diminution de l'anxiété.
Dans le cadre de la schizophrénie, peu d'études ont encore été réalisées ; mais une action sur l'angoisse, l'intensité des hallucinations auditives, ou des symptômes négatifs semble envisageable.31
La SMT représente une alternative non invasive pour le traitement de diverses affections psychiatriques, notamment les dépressions pharmacorésistantes. Toutefois, la certitude de son action n'est pas encore complètement prouvée, vu la taille relativement petite des échantillons et vu la durée transitoire des effets cliniques. De plus, il n'y a pas encore de consensus quant aux modalités d'application de la SMTr : ceci concerne le lieu, la fréquence et l'intensité de la stimulation. D'autre part, l'efficacité à long terme de la SMT doit être mieux investiguée. Cette technique suscite de réels espoirs, et il est fort possible qu'elle puisse s'appliquer surtout en combinaison avec des traitements désormais considérés comme classiques. Il est intéressant de noter que la FDA américaine est en train d'évaluer l'application de la SMT comme technique de routine dans le traitement de la dépression majeure. Notre groupe à Genève dispose maintenant de ce nouvel outil thérapeutique.