La phlébite superficielle est une maladie fréquente et bénigne habituellement traitée par une contention élastique et des anti-inflammatoires. Le diagnostic est surtout clinique, mais l'échographie peut être nécessaire pour évaluer l'extension de la thrombose superficielle. Les phlébites superficielles peuvent être associées à des varices, des tumeurs malignes, une thrombophilie, des cathéters, des maladies inflammatoires, et rarement, une thrombose veineuse profonde. Même si son traitement est essentiellement médical, une approche chirurgicale peut être discutée dans certaines situations.
La phlébite superficielle (PS) est une maladie fréquente généralement considérée comme bénigne, qui survient le plus souvent sur des varices on parle alors de varicophlébite mais aussi sur des veines saines.1,2 Le diagnostic est le plus souvent clinique, mais l'échographie peut être nécessaire pour évaluer l'extension de la PS tant au niveau superficiel que profond.3 En effet, une association avec la thrombose veineuse profonde (TVP) est retrouvée, avec une fréquence variable (5,6 à 44%) selon les auteurs,4-6 mais faible dans notre expérience.6 Un traitement anticoagulant est alors nécessaire, alors que la PS isolée est habituellement traitée par contention élastique et anti-inflammatoires.7 La PS peut être associée à une thrombophilie (constitutionnelle ou acquise), une tumeur maligne, des cathéters ou une maladie auto-immune par exemple8,9 ou même constituer un des critères diagnostiques de la maladie de Buerger (thromboartérite oblitérante). Le traitement de la PS est le plus souvent médical, mais peut dans certaines conditions être chirurgical. La question des examens complémentaires, du diagnostic différentiel et du traitement est discutée à travers un cas clinique.
Ce patient âgé de 37 ans, en bonne santé habituelle, sans antécédents thrombotiques veineux familiaux ou personnels, est connu pour un épisode de trajet érythémateux douloureux et chaud du membre inférieur gauche remontant jusqu'à mi-cuisse après un voyage au Brésil en 1996, traité par des antibiotiques devant la suspicion de lymphangite mais sans réalisation d'examens complémentaires.
En février 2001, il présente un cordon érythémateux, chaud et douloureux à la face interne du membre inférieur droit sans facteurs déclenchants, similaire à l'épisode de 1996. Le patient est alors vu dans notre service pour suspicion de PS et pour écarter une TVP associée.
A l'examen clinique, on constate un cordon inflammatoire rouge, chaud, douloureux à la palpation dans le territoire de la veine saphène interne du membre inférieur droit remontant jusqu'à 5 cm du pli inguinal (fig. 1), en l'absence de varices et sans dème de la cheville ou du mollet associé.
L'échographie confirme la suspicion clinique de PS de la veine saphène interne remontant jusqu'à sa crosse sans extension au réseau veineux profond.
Le patient bénéficie d'une anticoagulation thérapeutique pour quatre semaines en raison de la proximité du réseau veineux profond, d'AINS et d'une contention élastique de sept jours pour la symptomatologie algique et inflammatoire locale. L'évolution de la symptomatologie inflammatoire sera d'ailleurs favorable après sept jours, mais totalement amendée après trois semaines seulement.
Devant le caractère idiopathique et vraisemblablement récidivant de la PS, un bilan de thrombophilie est pratiqué qui mettra en évidence un facteur V Leiden et la mutation G20210A de la prothrombine, toutes deux à l'état hétérozygote.
Les questions que soulève ce cas clinique sont :
I La PS est-elle une maladie vraiment bénigne ?
I Un diagnostic exclusivement clinique est-il suffisant ?
I Un bilan étiologique est-il nécessaire ?
I Quelles sont les options thérapeutiques ?
La PS est-elle une maladie vraiment bénigne ?
La PS, affection commune, mais dont l'incidence exacte n'est pas connue par manque d'études, est généralement considérée comme bénigne par comparaison à la TVP potentiellement létale par le biais de l'embolie pulmonaire. L'idée d'une pathologie mineure principalement inflammatoire est souvent le prétexte à un diagnostic clinique hâtif. A l'inverse de la TVP, la PS ne pose souvent que peu de problème diagnostique, car elle est souvent reconnue devant la présence d'un segment veineux induré, rouge, chaud et douloureux à la palpation. Cependant, elle se rapproche de la TVP par son association possible à l'embolie pulmonaire (très rare), à des affections systémiques et à la thrombophilie, qu'elle soit constitutionnelle ou acquise. Une association avec la TVP est retrouvée, mais avec une fréquence variable, faible dans notre expérience, probablement fonction des collectifs considérés.6,10 Les facteurs augmentant le taux d'association entre PS et TVP sont surtout l'âge et l'immobilisation, mais une localisation proximale à proximité de la crosse est également plus à risque qu'une PS distale exclusive.3,5 Ainsi, la PS, apparemment bénigne, peut cacher une TVP mais la recherche de cette dernière doit être limitée à la suspicion clinique ou à la présence des facteurs précédemment cités.
Cette question dépend de l'importance du diagnostic différentiel et ses conséquences thérapeutiques et la fiabilité du diagnostic clinique. Ce dernier est probablement assez performant, bien que sa sensibilité et sa spécificité n'aient pas été étudiées. La PS se manifeste par des signes inflammatoires classiques sous forme d'un cordon induré dont la température cutanée est augmentée avec rougeur, dème et douleurs spontanées et surtout à la palpation. Une fébricule est possible, mais un véritable état fébrile suggère plutôt une PS septique. Le diagnostic différentiel est plutôt limité aux pathologies infectieuses (lymphangite par exemple) et inflammatoires (érythème noueux par exemple) souvent bien reconnaissables par les autres signes et symptômes cliniques. Toutefois, en cas de thrombophilie, de cancer, d'âge avancé, d'immobilisation ou de suspicion clinique d'extension au niveau profond, une échographie est de mise.3,6
La PS provient dans 90% des cas sur une veine variqueuse et dans 10% des cas sur une veine saine et les femmes sont plus souvent touchées que les hommes, probablement parce que la maladie variqueuse est plus fréquente chez la femme.1,7 L'incidence augmente avec l'âge en parallèle à l'augmentation de la maladie variqueuse. La PS sur veine variqueuse constitue une complication tardive des varices. Elle est provoquée par une altération pathologique pariétale et/ou par la stase occasionnée. Un état hypercoagulable favorise sa survenue de même que les traumatismes locaux.8 Cependant, une PS sur veine variqueuse est plus souvent considérée comme bénigne que sur veine saine. En effet, les PS sur veines saines signalent souvent une maladie systémique comme le cancer, une maladie auto-immune ou un état hypercoagulable, et ce d'autant plus qu'elles sont récidivantes et migratrices.11 Les PS iatrogènes sont la conséquence des ponctions veineuses ou des cathéters veineux et de la toxicité de certains produits injectés. Les autres facteurs de risque connus sont l'obésité, le tabagisme, la goutte et les vasculites, comme les maladies de Buerger et de Behçet par exemple.1,7 La recherche d'une étiologie va dépendre du contexte clinique global, du caractère insolite et récidivant et de la vraisemblance d'une autre étiologie que variqueuse ou traumatique. Les éléments de thrombophilie qui sont le plus souvent associés à la PS sont les déficits en inhibiteurs de la coagulation, les anticorps antiphospholipides, le facteur V Leiden et la mutation G20210A du facteur II.8
Le but du traitement de la PS est d'éviter l'extension au réseau veineux profond et de combattre l'inflammation et les douleurs. Un traitement anticoagulant pourra se révéler nécessaire à dose prophylactique s'il existe une situation à risque de TVP comme l'alitement prolongé par exemple, ou à doses thérapeutiques lors d'extension à proximité du réseau veineux profond ou lors de TVP associée.3,6 La contention élastique et la mobilisation permettent d'éviter la progression du thrombus. Les AINS, prescrits pendant 7 à 10 jours, réduisent les douleurs et accélèrent la diminution des symptômes inflammatoires qui disparaissent en quelques semaines. Les héparinoïdes topiques peuvent être utiles à accélérer la non-progression du thrombus et sa dissolution pour autant que la PS ne soit pas trop importante et associée à la contention élastique. Les antibiotiques ne sont indiqués qu'en cas de PS septique associés à une phlébectomie. Le traitement chirurgical n'est pas exclusif à la PS septique, mais peut être indiqué lors de PS sur varices avec un gros thrombus, dont l'évacuation (fig. 2) soulage rapidement les patients et lors d'extension à proximité de la crosse, situations dans lesquelles certains auteurs préconisent la crossectomie avec ou sans un stripping.12 Cependant, cette pratique n'a pas encore montré de bénéfice par rapport au traitement médical, et son risque thrombotique veineux profond n'est pas négligeable, alors que la procédure a pour but de l'éviter. Son intérêt est surtout manifeste en cas de contre-indication au traitement anticoagulant.