En ce début glacial de janvier 2002, l'information arrive en droite ligne de Séoul : le permanencier de l'agence de presse Reuters nous annonce que les parlementaires sud-coréens viennent de présenter une proposition de loi légalisant l'abattage des chiens. Cette initiative fait suite aux récentes critiques internationales suscitées par la consommation de viande canine dans ce pays. Nous apprenons à cette occasion que la loi sur l'abattage du bétail en vigueur jusqu'ici en Corée du Sud ne prend pas en compte l'élevage et l'abattage canin à des fins culinaires et ce bien que le chien soit la troisième espèce consommée dans la péninsule après les bovins et les porcins. L'abattage sauvage donnerait ainsi lieu à des «abus», certains chiens étant battus, brûlés ou bouillis vivants. Cette situation est depuis peu dénoncée par les associations de défense des animaux et plus particulièrement par la célébrissime et tricolore Brigitte Bardot.L'ancienne et fameuse actrice a suscité un tollé en Corée en promettant de distribuer aux équipes de football participant au prochain Mondial 2002 de football des photos de chiens torturés. «Les critiques étrangères contre la viande de chien reflètent une mauvaise connaissance de la culture ancestrale de notre nation c'est du blasphème, pas de la critique», a en retour déclaré devant le Parlement l'élu conservateur Kim Hong-shin. La proposition de loi, émanant de vingt parlementaires issus de la majorité comme de l'opposition, prévoit d'inclure l'abattage des chiens dans la loi sur le bétail et sera débattue en février.L'affaire, oserait-on dire, ne manque pas de sel qui nous renvoie à Montesquieu et à son «Comment peut-on être persan ?» Comment peut-on manger du chien ? Comment comprendre l'étrangeté de l'étranger ? Où situer les frontières et comment définir les abus ? Voilà bien sûr la toile de fond de la partie de bras de fer entre Brigitte Bardot et les amateurs du ragoût de chien, ce mets traditionnel que l'on dit très recherché en Corée du Sud. «L'ancienne icône du cinéma français reconvertie dans la défense des animaux a déclenché un tollé au "Pays du matin calme" en promettant de distribuer aux équipes de football participant au Mondial 2002 en Corée du Sud et au Japon des photos peu ragoûtantes de chiens torturés, explique Reuters. B.B. a publié dans le journal anglophone de Séoul Korea Times une lettre ouverte s'indignant d'avoir reçu «près d'un millier de lettres d'insulte et de menaces en provenance de Corée». «Je suis tout particulièrement choquée par l'agressivité de ces courriers», écrit-elle.Une myriade de sites internet anti-B.B. a fleuri en Corée du Sud depuis le début de la polémique, certains intervenants n'hésitant pas à flétrir en termes pornographiques cette femme qui fut l'indépassable «sex-symbole» du cinéma français des années 60. «Les 45 millions de Coréens vous haïssent à mort, écrit ainsi un homme se présentant comme "un Coréen ordinaire" sur le site www.bardotcum.wo.to. Je vais de ce pas entamer cent jours de prière pour qu'un chien morde votre bouche sauvage et à l'haleine fétide». Le reste du message, nous dit-on, n'est pas publiable au nom de la décence.Comment peut-on manger du chien ? Comment peut-on gaver des oies, manger du cheval ou des escargots demandent en retour les Coréens. Le gouvernement de ce pays, soucieux de ne pas alimenter la polémique, s'est borné à promettre un durcissement de la réglementation en matière de lutte contre la cruauté envers les animaux. Pour sa part, la Fédération internationale de football a exhorté les autorités de Corée du Sud à être plus «attentives» à la «sensibilité des opinions publiques étrangères» tandis que le comité sud-coréen d'organisation des jeux olympiques faisait savoir que la question du ragoût de chien n'était pas du ressort de cette Fédération.Comment peut-on accepter que l'on mange du chien dans des pays qui n'ont de cesse d'anthropomorphiser cet animal ? Comment lira-t-on, à Séoul, cette dépêche de l'Agence France-Presse en provenance de Rancate (Suisse). «Tapis roulant, natation et autres exercices sont la base d'une bonne cure d'amaigrissement pour chiens proposée par deux jeunes Suissesses de Rancate, dans le Tessin, la partie italophone du pays. Monica Sovera et Gina Caminada, propriétaires du premier "Aquadog" installées à Rancate, près de Chiasso, à la frontière italienne, se sont inspirées des centres de musculation aquatique de Grande-Bretagne pour lévriers. Faire nager un chien pendant une minute correspond à quatre kilomètres de marche, explique Gina Caminada. Un tapis roulant électrique est également à la disposition des canidés, aussi utile pour eux que pour leurs propriétaires dans l'impossibilité de leur assurer une promenade régulière, hygiénique et revigorante». «Notre service est idéal pour qui n'a pas le temps nécessaire à consacrer à son animal», assure l'une des directrices de l'«Aquadog». D'accord, estime Michele Mazzi, vétérinaire à Locarno, mais «le tapis roulant ne remplaçera jamais une bonne promenade dans la nature».Avant le début de la coupe du monde de football, on conseillera aussi à Brigitte Bardot et aux gastronomes coréens de méditer l'initiative de l'ex-Beatle Paul McCartney qui réclame au Premier ministre de son pays d'interdire cette pratique «cruelle et dépassée» qu'est selon lui la chasse à courre. Dans une lettre ouverte signée par plusieurs personnalités, Sir Paul demande au chef du gouvernement britannique de soumettre au plus vite à la Chambre des Communes son projet de loi sur cette chasse au renard ou au lièvre, qui se pratique à cheval avec des meutes de chiens. «Nous voulons vivre dans un pays où il est illégal d'infliger douleurs et souffrances en chassant des animaux sauvages avec des chiens, une activité que, comme la plupart des Britanniques, nous jugeons cruelle, inutile, inacceptable et dépassée» écrivent les signataires. Avec cet humour insulaire qui résiste à tout, le projet de loi offre aux parlementaires trois options : le maintien de la chasse à courre, son interdiction totale et son autorisation liée à l'obtention d'un permis spécial.A Miami, il y a quelques jours, un homme ivre a été inculpé pour avoir mordu et blessé le chien d'un officier de police au cours d'une interpellation mouvementée.