Pour les troubles fonctionnels digestifs, les principales acquisitions thérapeutiques de l'année sont : I. Le tégaserod qui semble diminuer les douleurs, la gêne abdominale et améliorer le transit des patients souffrant d'un syndrome de l'intestin irritable (SII) à prédominance de constipation. II. La stimulation des nerfs sacrés postérieurs qui offre une perspective thérapeutique peu invasive pour l'incontinence fécale sévère.
Les troubles moteurs primaires de l'sophage peuvent être classés en quatre groupes : achalasie, sophage hypercontractile (casse-noisettes ou nutcracker), spasmes sophagiens diffus et sophage hypocontractile. Autant les formes hypo- que les formes hypercontractiles sont fortement associées à la maladie de reflux qui doit être recherchée et traitée. Pour les patients sans reflux, le traitement médicamenteux est souvent décevant. Les anticalciques, les dérivés nitrés, les myorelaxants et les antidépresseurs peuvent être essayés dans les troubles d'hypermotilité. Les cas invalidants d'hypermotilité sophagienne, réfractaires au traitement médicamenteux doivent faire l'objet d'une discussion individualisée car les données concernant la dilatation pneumatique ou la myotomie sont moins concordantes que pour l'achalasie.
L'sophage hypercontractile est lié à une maladie de reflux dans 40-70% des cas (Silva, 2000 ; Borjeson, 2001). Les patients qui présentent des manifestations extra-digestives de la maladie de reflux souffrent beaucoup plus souvent de troubles moteurs sophagiens (73%) que les patients avec GERD «classique» (Knight, 2000).
Les spasmes sophagiens diffus sont rares, et peu de données thérapeutiques sont disponibles. Une petite série de dix patients a montré une amélioration manométrique après administration d'huile de menthe chez tous, mais seulement deux n'avaient plus de douleurs (Pimentel, 2001).
Plusieurs descriptions de cas font état d'amélioration après injection de la toxine botulinique, mais ceci nécessite une confirmation.
Une myotomie laparoscopique a été effectuée chez quarante-sept patients souffrant de dysphagie ou de douleurs rétrosternales réfractaires au traitement conservateur (Champion, 1998 ; Champion, 2000). Ce groupe comprenait seulement douze patients avec achalasie classique ; les autres souffrant de «nutcracker», de spasmes sophagiens et d'hypertonie du sphincter sophagien inférieur. Une disparition de la symptomatologie a été rapportée pour 94% des patients. Ces résultats nécessitent une confirmation, d'autant plus qu'une étude contrôlée sur quatre-vingt-trois patients dysphagiques par dilatation pneumatique versus «dilatation fantôme» n'a montré aucun bénéfice (Scolapio, 2001).
La prise d'isosorbide dinitrate, 5 mg sublingual, avant les repas améliore les symptômes chez la majorité des patients.
L'injection de la toxine botulinique au niveau du sphincter sophagien inférieur entraîne une amélioration symptomatique et une diminution du tonus du sphincter sophagien chez 75 à 90% des patients (Pasricha, 1995 ; Pasricha, 1996 ; Vaezi,1999). Toutefois, après une année, seulement 30 à 50% des patients restent asymptomatiques et la durée moyenne jusqu'à la récidive est de six à douze mois (Vaezi, 1999 ; Kobasnik, 1999). Un deuxième traitement a moins de succès, en particulier chez les patients qui n'ont pas ou peu répondu à la première injection (Kobasnik, 1999).
La dilatation pneumatique donne des bons résultats chez 60 à 95% des patients. La répétition des dilatations après récidive est moins efficace et n'est pas indiquée chez les patients avec un résultat initial médiocre ou avec une récidive précoce. Après la dilatation on effectue un transit à la gastrographine pour exclure une déchirure qui complique environ 5% des cas. La plupart des perforations surviennent lors de la première dilatation. Le seul prédicteur d'une déchirure est l'instabilité du ballonnet pendant la procédure (Metman, 1999). Dans tous les cas, le patient doit rester en observation pendant au moins six heures. Les déchirures de petite taille peuvent être traitées conservativement (Swedlund, 1989).
La myotomie selon Heller donne des excellents résultats avec plus de 95% de réussite à court terme. Environ 10% des patients souffriront encore d'une symptomatologie de reflux et la nécessité de faire une fundoplicature est controversée. Les résultats d'une approche peu invasive (laparoscopique ou thoracoscopique) donnent des résultats équivalents à l'approche ouverte.
Plusieurs études et une méta-analyse ont comparé l'injection de toxine botulinique à la dilatation pneumatique (Vaezi, 1999 ; Muehldorfer, 1999 ; Prakash, 1999 ; Mikaeli, 2001 ; Pankaj, 2001). Les résultats montrent une efficacité initiale comparable pour les deux techniques, mais une nette supériorité de la dilatation après une année. De plus, l'injection préalable de toxine botulinique pourrait augmenter la difficulté opératoire d'une myotomie laparoscopique sans interférer avec les résultats de ce geste (Horgan, 1999). Les dilatations pneumatiques ne semblent pas se répercuter sur les résultats d'une myotomie ultérieure (Bonavina, 2000). Une analyse décisionnelle des coûts thérapeutiques sur dix ans montre que la prise en charge thérapeutique par toxine botulinique est plus onéreuse que celle par dilatation pneumatique, surtout en raison de la nécessité de répétition de ce geste (Panaccione, 1999). La dilatation pneumatique est le traitement avec le meilleur rapport coût-efficacité de l'achalasie. La myotomie est le traitement le plus onéreux (Imperiale, 2000).
La myotomie laparoscopique est efficace aussi chez les patients qui, après dilatation pneumatique, présentent une persistance de la dysphagie malgré une pression du sphincter sophagien inférieur (SOI) inférieure à 10 mmHg (Diener, 2001). Pour les échecs de la myotomie et en présence d'un méga-sophage tortueux, l'sophagectomie constitue une option thérapeutique avec de bons résultats fonctionnels (Devaney, 2001).
Le sildenafil diminue la pression du SOI chez les patients avec achalasie, mais l'utilité clinique de ce médicament n'a pas encore été évaluée (Bortolotti, 2000).
La dilatation pneumatique est le traitement de première intention de l'achalasie. Si le résultat n'est pas satisfaisant, une myotomie doit être considérée. L'injection de toxine botulinique est proposée aux patients inopérables ou dont l'espérance de vie est limitée. Le traitement médicamenteux est considéré dans ce groupe en cas de résultats incomplets.
Compte tenu de la fréquence des symptômes dyspeptiques dans la population générale et des coûts engendrés par ce problème, de nombreux travaux ont cherché à préciser l'attitude la plus raisonnable et la plus économique à adopter dans ce syndrome. Des directives très détaillées fondées sur toutes les études importantes ont été établies par la Société américaine de gastro-entérologie (Talley, 1998a).
Sur la base de ces directives, on peut proposer l'attitude suivante :
I Chez un patient âgé de plus de 45 ans ou en présence de symptômes d'alarme (tableau 1) une endoscopie est recommandée dans un délai raisonnable.
I Chez un sujet de moins de 45 ans et sans symptômes d'alarme, un test de la présence d'une infection par Helicobacter pylori (Hp) (sérologie ou breath test) permet de définir l'attitude ultérieure : éradication en cas de test positif, traitement empirique avec un antisécréteur ou un gastrocinétique (cf. ci-dessous) en l'absence de la bactérie. En cas d'échec du traitement éradicateur ou du traitement empirique, une endoscopie est conseillée.
Lorsque les symptômes engendrent une anxiété importante, l'endoscopie peut être conseillée d'emblée chez un sujet jeune en raison de son effet rassurant (Bitzer, 1994 ; Duggan, 2000).
Une étude confirme le bien-fondé de la stratégie basée sur une endoscopie rapide chez les sujets de plus de 50 ans, une stratégie efficace sur le plan des coûts, de l'évolution des symptômes, de la qualité de vie et de la consommation d'IPP après une année (Delaney, 2000).
Une étude randomisée comparant l'endoscopie immédiate et le test Hp suivi de l'éradication des sujets positifs (option test and treat) conclut qu'il n'y a pas de différence entre les deux groupes après une année pour ce qui concerne l'évolution des symptômes. Néanmoins, les sujets qui ont bénéficié d'une endoscopie sont plus souvent globalement satisfaits que ceux qui ont été soumis au seul test Hp (Lassen, 2000).
L'option test and treat dans une population non sélectionnée de 2324 sujets (dont 44% souffraient de symptômes dyspeptiques) est évaluée par rapport au placebo après deux ans : le nombre de sujets avec dyspepsie lors du contrôle à deux ans est de 28% chez les sujets éradiqués versus 33% dans le groupe placebo. L'élimination de la bactérie entraîne donc un bénéfice relativement minime de 5% (Moayyedi, 2000a). Néanmoins, compte tenu de la fréquence de la dyspepsie, le gain peut être considéré comme non négligeable. De plus l'éradication réduit le risque ultérieur d'ulcère qui est d'environ 5% pour un suivi de douze mois (Blum, 1998 ; Talley, 1999) et celui de néoplasie gastrique (Uemura, 2001).
Pour ce qui concerne le traitement empirique, les antisécréteurs (anti-H2, IPP) sont supérieurs au placebo (Bytzer, 2001). Un score basé sur le BMI, l'utilisation récente d'antacides et d'anti-H2 et la survenue de douleurs nocturnes permet de prévoir quels patients ont les meilleures chances de répondre à un traitement empirique d'oméprazole (Meineche-Schmidt, 2000).
La stratégie test and treat est remise en question même chez des sujets jeunes sans symptômes d'alarme dans une étude effectuée, il est vrai dans une région du monde (Hong Kong) où l'incidence du cancer gastrique est élevée. En effet, 17% des néoplasies gastriques découvertes sont survenues dans ce groupe de patients (Sung, 2001).
Comme il n'y a certainement pas un mécanisme pathophysiologique unique à l'origine des différents symptômes de la dyspepsie fonctionnelle (DF), son traitement reste empirique. Sur la base des nombreux travaux antérieurs, les points suivants peuvent être admis :
I La distinction entre patients souffrant de symptômes de type ulcère et de type dysmotilité n'apporte qu'une amélioration marginale des chances de succès d'un traitement donné (Talley, 1998b ; Hansen, 1998).
I Les anti-H2 sont probablement légèrement supérieurs au placebo mais leur effet est inconstant (Bytzer, 2001).
I Les IPP améliorent la DF dans la plupart des études dont une majorité a cependant inclus des sujets avec symptômes de reflux (Bytzer, 2001). Dans une étude (Blum, 2000) seuls les patients Hp positifs répondent à l'oméprazole à la dose de 20 mg/j. Cette étude a néanmoins fait l'objet de critiques méthodologiques (Mc Coll, 2000).
I Les études concernant les gastrocinétiques sont contradictoires. Une récente méta-analyse (Veldhuyzen Van Zanten, 2001) conclut que le cisapride et le dompéridone constituent un traitement efficace. Des effets secondaires rares mais sérieux du cisapride (Vitola, 1998) font de ce médicament un choix peu valable dans une affection bénigne comme la DF.
I Pour ce qui concerne le rôle du Hp dans la DF, la controverse persiste (Pantoflickova, 2001 ; Mc Coll, 2001) malgré plusieurs excellentes études randomisées et incluant un grand nombre de patients. Deux méta-analyses de ces études parviennent à des conclusions opposées (Lane, 2001 ; Moayyedi, 2000b). Cette divergence repose sur la sélection de travaux retenus pour la méta-analyse, en particulier en fonction de leur hétérogénéité. La méta-analyse qui est en faveur du traitement éradicateur (Moayyedi) conclut à un bénéfice de 9% par rapport au placebo, ce qui représente la même amélioration que celle que l'on peut attendre d'un traitement par IPP. Ce bénéfice repose sur un traitement éradicateur d'une semaine alors que les IPP doivent le plus souvent être administrés de manière chronique. De plus, l'éradication diminue le risque ultérieur d'ulcère, d'évolution vers une gastrite atrophique et de néoplasie gastrique. L'argument selon lequel l'éradication augmenterait le risque d'sophagite comme cela a été montré chez les patients avec ulcère duodénal (Labenz, 1997) ne semble pas valable (Schwizer, 2001).
Si l'on considère tous les éléments mentionnés ci-dessus, force est de conclure que le débat reste pour l'instant ouvert ; si l'éradication Hp apporte un bénéfice dans la DF, ce dernier est certainement minime. Notre conseil est de ne pas adopter une attitude rigide et de décider de cas en cas en fonction de l'importance des symptômes, du souhait du patient, de son âge et d'éventuels autres facteurs comme l'anamnèse familiale d'ulcère et de néoplasie.
Une revue Cochrane a repris tous les travaux randomisés étudiant six classes de médicaments utilisés dans la DF : antacides, anti-H2, IPP, procinétiques, «protecteurs» de la muqueuse et anti-muscariniques. Cinquante-sept études ont été incluses. Les procinétiques et les anti-H2 sont supérieurs au placebo mais la qualité des études est suboptimale. Les IPP et les sels de bismuth ont un effet statistiquement significatif mais marginal. Les antacides et le sucralfate sont équivalents au placebo (Soo, 2000).
Une étude effectuée en Suisse sur des patients suivis pendant une année confirme chez nous aussi l'absence d'efficacité de l'éradication Hp dans la DF (Froehlich, 2001).
Un travail comparant une psychothérapie dite «psychodynamique interpersonnelle» et une simple thérapie de soutien chez les sujets dyspeptiques n'ayant pas répondu aux traitements médicamenteux conventionnels conclut à l'efficacité d'une telle psychothérapie (Hamilton, 2000).
L'hypnothérapie raccourcit le temps de vidange gastrique chez les sujets dyspeptiques et améliore leurs symptômes (Calvert, 2001 ; Chiaroni, 2001).
Les antidépresseurs sont efficaces dans la DF (méta-analyse de quatre travaux) (Clouse, 2001).
Des injections de Botox (toxine botulinique) dans le pylore améliorent la vidange gastrique et les symptômes dans la gastroparésie idiopathique (Miller, 2001).
En présence de symptômes dyspeptiques, des investigations et en particulier une endoscopie sont recommandées chez un patient de plus de 45 ans ou en présence de symptômes d'alarme. Chez un sujet plus jeune, une recherche non invasive d'Helicobacter pylori suivie, le cas échéant, d'un traitement éradicateur peut se justifier. L'endoscopie peut néanmoins avoir un effet rassurant dans cette catégorie d'âge également et avoir par conséquent un rapport coût-bénéfice favorable.
Dans la dyspepsie fonctionnelle, le traitement est empirique. Les IPP et les gastrocinétiques sont supérieurs au placebo. L'utilité de l'éradication de Hp reste controversée et la décision doit être prise de cas en cas sur la base des éléments anamnestiques et cliniques.
La prise en charge, le traitement de la constipation dépendent de sa cause. Une stratégie de prise en charge a été proposée (Locke III, 2000), en voici la synthèse. La détermination des causes de la constipation nécessite des investigations que l'on ne saurait a priori proposer à chaque patient se plaignant de constipation. L'anamnèse doit préciser les symptômes de constipation du patient (selles rares, dures, faux besoins, évacuation rectale incomplète, sensation d'obstacle terminal, pression excessive nécessitant des manipulations de facilitation). On cherchera attentivement des symptômes évocateurs d'intestin irritable (SII) (douleurs abdominales, ballonnements, consistance variable des selles, etc.) qui nécessite peut-être une approche différente (cf chapitre SII). L'anamnèse médicamenteuse complète permet d'exclure une constipation secondaire à un traitement. En cas d'apparition récente chez une personne de plus de 45 ans et/ou de rectorragies, on devra absolument exclure une tumeur. Un bilan biologique initial (Ca, K, Mg, TSH, glucose, FSS et VS) permettra d'écarter une cause métabolique. Si le bilan initial anamnestique, clinique (TR compris) et biologique est normal, on est en droit de tenter un traitement de mucilages éventuellement complété d'un laxatif salin.
En cas d'échec, on complètera le bilan par la combinaison de trois examens : mesure du temps de transit colique (TTC), défécographie (D) et manométrie ano-rectale (MAR). Le seul TTC ne suffit pas à distinguer les situations. Si tout est normal on suspectera un SII. Si le TTC est isolément anormal, on retiendra le diagnostic d'inertie colique. Si D et/ou MAR sont anormaux, on envisagera le diagnostic de constipation terminale. La constipation terminale peut être due à une maladie de Hirschsprung, à un anisme, à une fissure anale, à un périnée descendant ou une rectocèle. Il existe des patients qui cumulent plusieurs anomalies.
La prise en charge médicamenteuse se fera toujours à long terme, voire à vie puisqu'elle compense un déficit sans le corriger. Le patient doit donc savoir que l'arrêt du traitement débouchera sur une récidive des symptômes.
L'inertie colique nécessite un traitement laxatif conséquent (laxatifs salins, bicosadyl, lactulose ou PEG). On réservera la chirurgie aux échecs (5% des cas référés dans un centre de référence tertiaire) (Mollen, 2001). La question de savoir s'il faut d'emblée envisager une colectomie sub-totale avec anastomose iléo-rectale ou s'il faut d'abord tenter la mise en place d'une appendico-, d'une cæco-, d'une transverso- ou d'un sigmoïdostomie à fin de lavements antérogrades et réserver la colectomie aux échecs n'a pas fait l'objet d'une quelconque étude. Nous préconisons la stomie d'essai préalable, moins mutilante.
La constipation terminale avec anisme est une indication unanime à une approche par biofeedback (BFB). Le BFB est la seule thérapie curative de la constipation à long terme. Son mode d'action dépasse la sphère anorectale stricte (Emmanuel, 2001). Les troubles de la statique rectale peuvent profiter d'un BFB (Mimura, 2000). En cas d'échec, on envisagera la chirurgie.
Parmi les nouveaux traitements de la constipation proposés : prucalopride (Bourras, 2001) ou acupuncture (Broide, 2001), aucun n'a fait la preuve de son efficacité et/ou de son innocuité à long terme.
L'incontinence anale est définie comme l'émission involontaire des gaz et/ou des selles, ainsi que l'incapacité de différer un besoin impérieux de manière appropriée (urgence ou impériosité). L'incontinence fécale est définie comme l'évacuation involontaire, ou l'incapacité de contrôler l'émission, de selles liquides et/ou solides (> 10ml) de façon continue ou répétée, pendant au moins un mois chez une personne de plus de 3-4 ans. Il n'y a pas de notion de fréquence ou de quantité. Il s'agit donc d'un syndrome dont les étiologies peuvent être fonctionnelles ou structurelles (obstétricale, chirurgicale, congénitale, neurologique, dégénérative).
Nous nous limiterons dans cet article aux acquisitions thérapeutiques 2001 dans la prise en charge de l'incontinence anale. Nous vous renvoyons à une excellente revue publiée en français l'année passée qui donne des recommandations pour la pratique clinique dans la prise en charge diagnostique et thérapeutique, à laquelle à contribué le regretté Pr Marti (Lehur, 2000a). Une conférence de consensus a donné lieu cette année a une publication qui fait également référence en matière de prise en charge thérapeutique de l'incontinence anale (Whitehead, 2001).
La prise en charge de l'incontinence anale reste d'abord conservative. Les protections hygiéniques, ou garnitures, sont d'une telle importance qu'elles méritent d'être mentionnées. L'expertise apportée par les stomathérapeutes est considérable lorsqu'une anite se chronicise. Trop de patientes et de patients, ont recours à des protections hygiéniques inadaptées (serviettes menstruelles). Une revue Cochrane s'est penchée sur ce problème (Shirran, 2001). Les auteurs déplorent le manque d'études (cinq) sur cette problématique qui affecte 1 à 5% de la population générale. Ils concluent néanmoins que le matériel jetable est préférable aux produits réutilisables pour diminuer les répercussions cutanées d'une incontinence anale. Les substances super-absorbantes rentrant dans la composition de ces garnitures semblent être efficaces. De nouvelles garnitures arriveront bientôt sur le marché du matériel de continence et mériteront une évaluation scientifique.
Le biofeedback, ou rééducation pelvi-périnéale est admis comme la thérapeutique de première intention de l'incontinence anale. Des résultats encourageants et favorables sont aussi rapportés pour des groupes spécifiques de patients : âgés (Musial, 2000) ou souffrant de sclérose en plaque (Wiesel, 2000). Cependant, bien que l'on estime que trois-quarts des patients incontinents anaux vont bénéficier d'un biofeedback (Norton C, 2001b), et que nous le recommandions en première intention, nous reconnaissons le manque d'études randomisées et contrôlées, par ailleurs souligné dans une revue critique récente (Heymen, 2001).
La prise en charge chirurgicale de l'incontinence anale est difficile. Elle devrait idéalement se faire par des chirurgiens spécialisés après une évaluation scrupuleuse. La sphinctéroplastie antérieure (overlapping sphincter repair) apparaît comme la réparation sphinctérienne de choix dans une excellente revue, qui a aussi tenté de définir les facteurs prédictifs du résultat de la chirurgie de l'incontinence anale (Baig, 2000). Son taux de succès était très variable, de 35 à 97% selon les équipes et pourrait dépendre de certaines conditions pré-opératoires : jeune âge, réparation primaire, pas de fibrose, absence de neuropathie pudendale, préservation de la sensibilité rectale. Malheureusement aucune conclusion définitive ne peut être tirée de la littérature à ce jour dans ce domaine en raison de la petite taille des collectifs étudiés, de l'absence d'étude prospective randomisée, de l'hétérogénéité des étiologies, d'évaluations pré- et postopératoires subjectives et incomplètes, de l'utilisation de score de gravité de l'incontinence non validé (Hull, 2001), et de techniques chirurgicales différentes. De plus, très peu d'études font état des résultats à long terme, avec un succès qui semble se détériorer avec le temps, et qui semble n'être favorable que chez la moitié des patientes trois à cinq ans après la réparation sphinctérienne (Malouf, 2000a ; Karoui, 2000). Ces résultats pourraient être améliorés par du biofeedback postopératoire (Jensen, 1997).
La graciloplastie dynamisée pourrait se trouver remplacée par la stimulation des nerfs sacrés décrite ci-après. En effet, la morbidité élevée de cette technique de transposition du muscle gracilis autour de l'anus suivi de sa stimulation électrique permanente reste difficilement acceptable. Dans une étude prospective regroupant vingt centres, 43% des 211 complications rapportées furent jugées sévères sur un collectif de 121 patients inclus (Matzel, 2001b). Bien que finalement une amélioration de la qualité de vie soit rapportée pour 60 à 80% des patients opérés par les leaders mondiaux de cette technique, le prix à payer nous semble très lourd pour le patient et la communauté.
Un sphincter anal artificiel est à l'étude depuis plus de 25 ans. Cette chirurgie prothétique lourde, grevée de complications infectieuses mutilantes, doit rester réservée aux patients qui repoussent une stomie terminale et aux centres hautement spécialisés (Lehur, 2000b ; Niriella, 2000).
Les techniques d'irrigation colique restent d'actualité. Ces méthodes sont essentiellement issues de la chirurgie des spina bifida et de celle des traumatisés médullaires (Christensen, 2000 ; Bau 2001). Ainsi, que ce soit par un néoconduit colique (procédure de Malone) pour pratiquer une irrigation colique antérograde, ou par un système de lavage colique rétrograde, ces techniques offrent des possibilités intéressantes pour les patients souffrant à la fois de constipation sur atonie colique et d'incontinence sphinctérienne. Ces techniques nécessitent encore des mises au point, notamment du matériel d'irrigation.
Un tampon anal a été mis sur le marché suisse (Conveen Coloplast). Deux publications rapportent une bonne efficacité et une relativement bonne tolérance de ce produit (Norton C, 2001a ; Pfrommer, 2000). Des progrès doivent encore être faits pour améliorer l'insertion et la tolérance chez les patients qui peuvent avoir recours à cet accessoire discret.
Une approche topique de l'incontinence anale est en investigation. Des résultats très préliminaires ont montré que l'application de phényléphrine en crème (un agoniste alpha-adrénergique) dans le canal anal augmentait la pression sphinctérienne de repos et tendait à diminuer l'importance de l'incontinence (Cheetham, 2001 ; Carapeti, 2000).
L'injection de silicone dans un sphincter anal interne partiellement rompu a été décrite dans une étude pilote sur dix patients (Malouf, 2001). Cette étude ouvre la voie à une approche peu invasive de certains traumatismes sphinctériens. Cependant, ce biomatériel inerte (non résorbable et non biodégradable) injecté sous contrôle endosonographique n'a bénéficié qu'à une minorité de patients. Les investigateurs discutent la valeur d'une injection sélective ou d'une injection circonférentielle mieux à même d'augmenter le tonus du sphincter anal interne.
La stimulation des nerfs sacrés s'applique aux incontinents chez qui la prise en charge conservative n'a pas été satisfaisante et pour lesquels une approche chirurgicale invasive n'est pas souhaitée. La technique est similaire à celle employée pour le traitement de l'incontinence urinaire, dont elle est issue. Elle se déroule en trois étapes : 1) l'évaluation en anesthésie locale de l'intégrité des nerfs sacrés postérieurs et d'une réponse sensitive et motrice de l'appareil sphinctérien ; 2) l'évaluation ambulatoire sur une à deux semaines de l'amélioration de l'incontinence anale (carnet des symptômes score de sévérité), puis 3) la mise en place d'un stimulateur permanent de type pacemaker, lors d'une intervention peu invasive, chez les patients ayant répondu favorablement à l'évaluation ambulatoire. Cinq études ont été récemment publiées (Malouf, 2000b ; Ganio, 2001 ; Leroi, 2001 ; Rosen, 2001 ; Matzel, 2001a). Une amélioration significative des paramètres physiologiques (manométrie anorectale seuil de sensibilité rectale à la distension), des scores d'incontinence et de la qualité de vie ont été rapportés avec un recul de 3 à 66 mois chez 67 à 100% des quarante-deux patients implantés au total dans ces études.
L'incontinence anale cause un handicap souvent important. La prise en charge thérapeutique s'appuie sur des conseils d'hygiène, des garnitures spécifiques, des accessoires innovants (tampon anal), la prescription de lopéramide, et une rééducation avec du biofeedback. Des substances topiques sont à l'étude (à base d'épinéphrine). La prise en charge conservative est souvent très efficace mais parfois, et particulièrement pour l'incontinence sévère et après chirurgie colo-anale, une approche chirurgicale doit être discutée. La stimulation des nerfs sacrés est une approche peu invasive, qui s'appuie sur une sélection rigoureuse avant implantation définitive, qui va vraisemblablement satisfaire les espoirs placés en elle. La chirurgie de reconstruction sphinctérienne et des néosphincters reste complexe et réservée aux chirurgiens experts. Enfin, les techniques d'irrigation colique antégrade et rétrograde vont probablement continuer de se développer.
Plusieurs recommandations pratiques pour la prise en charge des patients souffrant de SII ont été dernièrement ébauchées (Jones, 2000 ; Thompson, 2001 ; Camillieri, 2001 ; Horwitz, 2001). Ces publications européennes et nord-américaines méritent d'être lues, car elles soulignent l'importance de la démarche diagnostique préalable (exclusion d'une intolérance au lactose, d'une maladie cliaque), de la prise en considération du patient dans son contexte bio-psycho-social, de l'information et de l'éducation du patient, d'une approche thérapeutique ciblée sur les symptômes, de la diététique et des nouvelles molécules comme adjuvant dans la prise en charge globale.
Trois revues sur les traitements pharmacologiques du SII sont parues (Akehurst, 2001 ; Jailwala, 2000 ; Poynard, 2001). Les mucilages ont montré qu'ils étaient efficaces en cas de constipation associée à un SII, mais au risque d'aggraver la gêne abdominale et les ballonnements. Les procinétiques se sont montrés décevants pour améliorer le transit intestinal alors que la valeur du lopéramide est rappelée pour le ralentir. Les antispasmodiques musculotropes semblent clairement améliorer le transit intestinal, les douleurs et la distension abdominale, ainsi que le bien-être général. Ceci est aussi rapporté dans deux études spécifiques pour la mébéverine (Gilbody, 2000 ; Lu, 2001). Les antidépresseurs semblent jouer un rôle favorable, avec un regain d'intérêt pour les sérotoninergiques qui semblent accélérer le transit intestinal, alors que les tricycliques semblent le ralentir. Une méta-analyse des douze études randomisées placebo-contrôlées disponibles a montré qu'il fallait traiter trois patients «fonctionnels» pour espérer en soulager un (Jackson, 2000). Nous soulignons que les doses administrées sont considérées comme infra-thérapeutiques pour modifier la thymie et l'humeur, arguant contre le fait que le bénéfice est dû à l'action anti-dépressive de ces substances. Malgré les limitations de cette méta-analyse on peut considérer un rôle adjuvant des antidépresseurs à faible dose lorsque les douleurs prédominent. Il semble que les antidépresseurs sérotoninergiques-noradrénergiques (amytriptyline, clomipramine, imipramine, doxepine) pourraient être plus efficaces que les sérotoninergiques seuls pour soulager les douleurs (Fishbain, 2000). Enfin, il apparaît que la présence de certains types de personnalité puisse permettre de prédire la réponse à ce genre de traitement (Tanum, 2000). Ainsi, des traits négatifs, agressifs, névrotiques et irritables pourraient être défavorables.
Une intolérance au lactose peut se présenter comme un SII. Malheureusement deux études se contredisent cette année. Dans un collectif de 122 patients anglais atteints de SII, 27% d'entre eux avaient un test respiratoire positif (Parker, 2001). Une diète d'exclusion en lactose n'a été bénéfique qu'à une minorité (44%) de ceux qui l'on acceptée. La même proportion de patients intolérants (24%) fut trouvée dans un collectif de 70 patients hollandais atteints de SII (Böhmer, 2001). Dans ce groupe de patients 88% ont bénéficié de la restriction en lactose après cinq ans de diète. La discordance entre ces deux études (et les précédentes) s'explique en partie par le manque de standardisation du test respiratoire et par les différences dans la prise en charge diététique. D'autres malabsorptions aux hydrates de carbone méritent certainement d'être exclues lorsque l'enquête diététique les dépiste, comme celle au fructose ou au sorbitol (Goldstein, 2000). Nous sommes en faveur de la recherche d'une malabsorption aux hydrates de carbone et de sa prise en charge diététique.
Les produits à base de menthe ont été évalués dans une méta-analyse (Pittler, 1998). Les deux travaux parus cette année qui exaltent un succès chez 65% des adultes atteints de SII (May, 2000) et 75% des enfants traités atteints de SII (Kline, 2001), restent, comme leurs prédécesseurs, d'une qualité scientifique faible qui rend les conclusions douteuses.
La flore bactérienne conserve un rôle intéressant pour moduler les symptômes du SII. Un effet favorable a été décrit par l'administration d'un probiotique (Lactobacillus plantarum) (Nobaek, 2000) et par l'éradication d'une prolifération bactérienne intestinale (Pimentel, 2000). Néanmoins, bien que les conclusions de ces deux études doivent être considérées avec précaution en raison de gros problèmes méthodologiques, elles rappellent que quelques patients apparemment atteints de SII (environ 10%) peuvent présenter des symptômes intestinaux (surtout ballonnements) liés à leur flore intestinale, et qu'une approche probiotique ou antibiotique pourrait être considérée.
La phytothérapie reste d'actualité, puisqu'une petite étude annonce des résultats étonnants (96% d'amélioration) avec des extraits d'artichaut (Walker, 2001). Bien que la méthodologie de cette d'étude soit inacceptable (analyse de sous-groupe dans une étude post-marketing), l'approche diététique est une «alternative» intéressante lorsqu'elle bénéficie de l'aide experte d'une diététicienne à même de faire une enquête puis des propositions réalistes.
L'alosétron, un antagoniste de la 5-hydroxytryptamine-3 (5HT3) a été mis sur le marché américain en février 2000 puis retiré neuf mois après en raison de la survenue de quarante-neuf colites ischémiques (trois décès) sur environ 500 000 prescriptions (Friedel, 2001), bien qu'il semblait ralentir le transit, améliorer les symptômes et la qualité de vie des patients atteints de SII à tendance diarrhéique (Bardhan, 2000 ; Camillieri, 2000 ; Houghton, 2000 ; Thumshirn, 2000 ; Watson, 2001 ; Wolfe, 2001). La firme pharmaceutique impliquée travaille activement à la réhabilitation de sa substance, avec le soutien inconditionnel d'un groupe de patients.
Le tégaserod a été mis sur le marché en novembre 2001 en Suisse. Cet agoniste partiel de la 5-hydroxytryptamine-4 (5HT4) a été administré à plus de 4500 patients, avec une amélioration significative des ballonnements, des douleurs abdominales et de la constipation, à la dose de 2 x 6 mg, chez environ les deux-tiers d'entre eux. A ce jour aucun effet secondaire grave n'a été rapporté, mais très peu d'études cliniques ont été publiées (Prather, 2000 ; Camillieri, 2001b ; Muellner-Lissner, 2001 ; Lefkowitz, 2001 Abstract). Le coût annoncé du produit semble être comparable à celui d'un spasmolytique.
Les techniques de relaxation et l'hypnothérapie ont fait l'objet de deux études (Keefer, 2001 ; Forbes, 2000). Les deux approches se sont montrées favorables sur les symptômes du SII. Alors que les techniques de relaxation sont d'un abord plus facile, l'hypnose nécessite un thérapeute formé et un patient motivé. L'auto-hypnose pourrait bénéficier de l'aide de cassettes audios.
Une prise en charge «holistique» basée sur les symptômes reste préconisée. Les approches non médicamenteuses peuvent être considérées selon la sensibilité et la motivation du patient à ce genre de thérapies (diététique, probiotique, relaxation hypnose). Les myorelaxants spasmolytiques sont considérés comme efficaces, de même que certains antidépresseurs. Enfin, le tegaserod offre des perspectives thérapeutiques intéressantes chez les SII constipés, qui méritent d'être évaluées.