L'enfant prématuré constitue un modèle intéressant pour la compréhension des effets du stress sur le cerveau en développement. Un modèle comportemental du développement a donc été conçu, dans le but d'évaluer l'adéquation des contextes environnemental et soignant pour l'enfant. Ce modèle met l'accent sur les seuils observables du point de vue comportemental chez l'enfant confronté au stress : il prend en considération différents sous-systèmes tels que le système neurovégétatif, moteur et l'organisation des états de conscience. Le modèle proposé fournit une méthodologie détaillée d'observation comportementale, créée dans le but d'aider le clinicien et le personnel soignant à comprendre et soutenir chaque enfant nouveau-né dans sa singularité. La solution pour l'application de soins visant à soutenir le développement de l'enfant, réside dans la réduction des signaux de stress et dans l'amélioration des signaux d'autorégulation, lorsque l'enfant interagit avec l'environnement et les soignants.
L'enfant prématuré constitue un modèle intéressant pour la compréhension des effets du stress sur le cerveau en développement. Les études neurocomportementales et neurophysiologiques1-5 montrent que l'enfant prématuré est sujet à une désorganisation de sa capacité attentionnelle et à des difficultés d'autorégulation et de modulation, non seulement en ce qui concerne le système neurovégétatif, mais également au niveau des systèmes moteur et affectif-interactif. Ces difficultés nécessitent une structuration régulatrice de la part de l'environnement et des personnes qui s'occupent de l'enfant (parents, éducateurs, etc.), afin qu'ils puissent mettre en uvre des conduites fonctionnelles et efficaces.
De telles difficultés peuvent en partie être attribuées à la différence au niveau de l'expérience sensorielle vécue par le système nerveux ftal immature dans le contexte extra-utérin.
L'hypothèse découlant de ces observations implique que l'enfant né prématurément se trouve dans une situation de stress prolongée, due à la différence entre l'attente du cerveau et les stimuli environnementaux. Ces derniers induiraient une forme d'inhibition active de certaines voies, inhibition probablement liée à la charge sensorielle inattendue et trop importante.
Tout cela semble amener à un fonctionnement neuro-développemental pathologique, tel qu'il est observé sur le plan comportemental, électrophysiologique et au moyen de l'imagerie par résonance magnétique.3, 6-11
Un modèle comportemental du développement a donc été conçu, dans le but d'évaluer l'adéquation des contextes environnemental et soignant pour l'enfant. Ce modèle met l'accent sur les seuils observables du point de vue comportemental chez l'enfant confronté au stress : il prend en considération différents sous-systèmes tels que le système neurovégétatif, moteur et l'organisation des états de conscience.
Bien que le stress soit nécessaire du point de vue développemental pour améliorer l'intégration fonctionnelle et pour permettre la différenciation, le passage d'une désorganisation du système à un état d'équilibre davantage différencié semble être le point critique d'un développement efficace.
Le modèle proposé fournit une méthodologie détaillée d'observation comportementale, créée dans le but d'aider le clinicien et le personnel soignant à comprendre et soutenir chaque enfant nouveau-né dans sa singularité.
Une série de paramètres, inhérents aux aspects neurovégétatifs, moteurs et à l'état de conscience et d'attention, s'ajoutant au rythme respiratoire et cardiaque et à la saturation d'oxygène, sont enregistrés à chaque minute au cours des observations de l'enfant dans le contexte hospitalier. Ces observations fournissent les bases pour une prise en considération des soins spécifiques nécessaires dans une perspective développementale et individualisée.
Des professionnels ayant reçu une formation approfondie dans le domaine du modèle global de prise en charge développementale, donnent des conseils et un support à l'équipe soignante pour la prise en charge des enfants et de leurs familles, à l'intérieur d'un cadre basé sur la relation, la collaboration et la coresponsabilité.
Etudes sur l'efficacité de l'approche développementale
L'utilisation de cette approche a fait l'objet de différentes études concernant les enfants prématurés.
Une étude préliminaire12 montrait, chez des enfants pris en charge avec l'approche développementale, un sevrage significativement plus rapide du respirateur, de l'oxygène supplémentaire et de l'alimentation par gavage. Du point de vue développemental, les résultats des enfants du groupe expérimental à 1, 3, 6, 9, 18 et 36 mois, ainsi qu'à l'âge de 7 ans, mettent en évidence une nette amélioration, par rapport aux enfants du groupe contrôle, aux scores de l'APIB (Assessment of Preterm Infant Behavior), aux indices de développement mental et psychomoteur de l'échelle de Bayley, aux tests neuropsychologiques standardisés, ainsi qu'au niveau de l'organisation comportementale telle qu'elle est évaluée à travers un paradigme de jeu (Kangaroo-Box play paradigm).
Une deuxième étude, évaluant l'apport d'un environnement calme et sombre et les soins individualisés, a également fourni des résultats prometteurs.13,14
Lors d'une étude ultérieure, les parents ont bénéficié d'un support dans l'observation et la compréhension du comportement de leur enfant au moyen du modèle NIDCAP (Newborn Individualized Developmental Care and Assessment Program) : cette approche aboutit à des performances développementales meilleures à 4 et 8 mois d'âge corrigé.15
La première étude randomisée et standardisée16 a pris en compte des enfants dont le poids était inférieur à 1251 g, nés avant trente semaines d'âge gestationnel, intubés dans les trois heures après l'accouchement et nécessitant une ventilation mécanique pendant au moins vingt-quatre des premières quarante-huit heures de vie. Le groupe contrôle comptait dix-huit enfants, vingt enfants constituaient le groupe expérimental. Concernant ce dernier groupe, les résultats montrent une réduction significative de la durée d'hospitalisation et de l'âge des enfants à la sortie, une amélioration de la prise pondérale à deux semaines d'âge corrigé, une diminution de l'incidence des hémorragies intra-ventriculaires et de la sévérité des maladies pulmonaires chroniques, ainsi que des coûts hospitaliers réduits. De meilleurs résultats sont aussi observables chez ces enfants du point de vue comportemental à l'âge de deux semaines et de neuf mois corrigés.
Certaines différences systématiques entre les deux groupes ont également été constatées à l'âge de deux semaines post-terme en ce qui concerne les aspects électrophysiologiques, objectivés à travers l'EEG quantitatif (qEEG) avec mapping topographique ou du Brain Electrical Activity Mapping (BEAM). Les résultats préliminaires disponibles pour l'âge de 8 ans semblent favoriser le groupe expérimental.
Une deuxième étude randomisée, menée depuis l'introduction du traitement par surfactant, met en évidence des résultats encourageants en ce qui concerne la réduction des besoins médicaux.17,18
Une troisième étude a permis de mesurer l'ampleur et le coût de la prise en charge du nouveau-né pendant les trente premiers jours aux soins intensifs, montrant une rentabilité plus élevée.19
L'étude la plus récente, menée en Suède, a confirmé des résultats médicaux significativement meilleurs.20 Concernant la population étudiée, constituée de prématurés sans problème médical majeur séjournant à l'Unité de néonatologie, les résultats observés à travers les examens APIB et de Prechtl et au moyen de l'EEG quantitatif, montrent une amélioration sur le plan neurocomportemental et électrophysiologique du groupe expérimental d'enfants prématurés, comparés aux enfants prématurés du groupe contrôle. Le groupe expérimental s'avère par ailleurs comparable, du point de vue comportemental, à un groupe de référence composé d'enfants nés à terme.21
La première étude randomisée multicentrique est actuellement en phase d'analyse des données, elle promet des résultats intéressants.
Une étude actuelle portant sur des enfants prématurés sains entre vingt-huit et trente-trois semaines, tente d'identifier, en complément de l'amélioration sur les plans électrophysiologique et comportemental observée précédemment, les éventuelles différences structurales du cerveau découlant de la prise en charge développementale.
Ces études mettent en évidence le fait que l'approche développementale dans la prise en charge des nouveau-nés prématurés constitue une condition importante pour l'amélioration du pronostic sur le plan médical et développemental de ces enfants ainsi que pour l'avenir de leurs familles.22,23
Dans chacune de ces recherches mentionnées des professionnels spécialement formés en matière de prise en charge développementale sont présents (tels que des éducateurs et des promoteurs soutenant l'équipe soignante). Ils opèrent dans le but d'assurer une approche individualisée et dynamique pour chaque enfant et sa famille, contribuent à une corégulation neurobiologique et émotionnelle constante, et soutiennent l'équipe soignante dans le passage d'une prise en charge basée sur le protocole à une prise en charge basée sur l'individu.
Les prérequis pour un travail efficace à travers un tel modèle de la prise en charge développementale dans le cadre des soins néonataux, sont la constitution d'équipes spécialisées et la présence d'éducateurs infirmiers, de même que la formation de professionnels dirigeants interdisciplinaires.
Les compétences de base pour une telle prise en charge comprennent la connaissance des développements ftal, néonatal et de l'enfant, ainsi que la connaissance des influences des problèmes somatiques sur le développement. Il est également nécessaire de prendre en compte le processus parental, le parcours familial, les systèmes hospitaliers, les cultures, ainsi que les processus de changement.
Un travail de réflexion régulier s'avère indispensable pour les promoteurs soutenant les équipes de l'unité de soins intensifs comme pour tous les autres professionnels dans ce contexte. La capacité de réflexion et la connaissance de soi en tant qu'instrument de soin, permettent un meilleur soutien de l'enfant et de sa famille, ainsi que davantage de collaboration et de confiance au sein de l'équipe.23-26