Sous le titre «Clonage : l'état de la technique», c'est un entretien fort intéressant qu'a publié, dans son numéro du 2 février, l'hebdomadaire français Le Concours Médical. Interrogé par Martine Lochouarn, Jean-Paul Renard, directeur de l'unité de recherche «Biologie du développement et biotechnologies» de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), y fait un constat clair et actualisé des possibilités et des interrogations actuelles concernant ce procédé qui, depuis l'annonce de la création de Dolly il y a six ans, fait l'objet de très nombreux travaux en même temps qu'il alimente de passionnantes controverses.«Le clonage, rappelle Jean-Paul Renard, c'est le transfert du noyau d'une cellule somatique adulte dans un ovocyte receveur de la même espèce, qu'on a énucléé. On sait aujourd'hui obtenir, par cette technique, des animaux physiologiquement normaux et fertiles chez six espèces : la souris, la vache et la brebis, la chèvre, le porc et le lapin. Toutefois, l'efficacité de cette technique reste faible. Moins de 2% des embryons clonés donnent un animal vivant, occasionnellement 5%. Une grande partie de ces embryons se développent normalement jusqu'au stade de blastocyste.» Plus précisément, chez la souris, jusqu'à 70% des embryons clonés atteignent ce stade, et, chez les bovins, environ 40% soit à peine moins qu'avec les techniques de fécondation in vitro. Les difficultés commencent avec la transplantation des embryons obtenus par clonage. Chez la souris, la mortalité est très précoce tandis que chez les bovins, elle peut survenir tout au long des neuf mois de gestation.«La nature des anomalies observées, différentes selon les espèces, n'est pas surprenante, car elles impliquent les interactions entre le ftus et l'embryon via le placenta, précise Jean-Paul Renard. Certaines de ces anomalies, aux causes inconnues, sont liées à la partie embryonnaire du placenta. D'autres révèlent des défauts d'organisation de l'embryon et du ftus. Chez la souris, ces défauts d'organisation apparaissent au cours de la gastrulation et concernent la mise en place des plans de développement de l'embryon. Les différents stades embryonnaires sont présents et reconnaissables, mais avec des anomalies qui semblent surtout dues à des défauts de migration et de prolifération cellulaire, comme si ces processus mêmes étaient directement touchés. Certains gènes soumis à l'empreinte parentale sont aussi dérégulés, mais ce n'est, semble-t-il, pas une constante. Ces anomalies reflètent probablement les aléas auxquels, lors du clonage, le noyau transféré est soumis lorsqu'il se réorganise pour devenir embryonnaire.»En ce qui concerne les anomalies observées après la naissance des animaux clonés, elles semblent résulter du fait que plusieurs fonctions ne parviennent pas à leur maturité, notamment la fonction respiratoire et la régulation thermique. Un vieillissement prématuré associé à un possible raccourcissement des télomères chez les animaux clonés a aussi un moment été évoqué. De fait, certains animaux présentent des télomères courts, mais d'autres disposent de télomères normaux et certains de télomères plus longs que la moyenne. Pour compliquer le tout, il faut savoir que la longueur moyenne des télomères est variable d'une espèce à l'autre et qu'elle varie au sein d'une même espèce selon les chromosomes. «Notre plus vieil animal cloné est une souris âgée de 2 ans et 7 mois ce qui est très vieux pour une souris et se porte très bien, souligne M. Renard. Pour Dolly, il faut attendre, car c'est un animal encore jeune. Mais on sait qu'un bovin âgé de 15-20 ans, ce qui est vieux, peut donner un clone normal.»En d'autres termes, le clonage et l'accumulation progressive d'erreurs qui y est associée viennent à leur façon confirmer le rôle irremplaçable de la reproduction sexuée comme facteur de correction de ces mêmes erreurs. Pour autant, le clonage reproductif est une technique qui peut aider à la compréhension des mécanismes intimes de la reproduction, du clonage de ces animaux. «Chez la souris, on utilise surtout le clonage pour essayer de comprendre les mécanismes cellulaires et moléculaires fondamentaux, précise le spécialiste de l'INRA. Nous n'avons donc pas multiplié les générations. Mais un laboratoire américain a produit des clones de clones de clones de souris
jusqu'à la septième génération. Au fur et à mesure des générations clonées, le nombre de souriceaux diminue, et, à la huitième génération, il n'y a plus d'animaux vivants.» Ces animaux présentent aussi des anomalies avec une fréquence croissante, par exemple, des hypertrophies. Pour M. Renard, il faut voir là une forte indication que le clonage induit des modifications qui se traduisent par des anomalies semblant liées à la méthylation des gènes, une réaction épigénétique nécessaire à leur fonctionnement normal. On ignore toutefois encore si cette perturbation est une cause ou une conséquence du clonage. Il faudra dans les années qui viennent comparer un très grand nombre d'animaux avant de pouvoir dire si ceux, apparemment normaux et issus de clones, sont identiques à ceux nés naturellement.A suivre