La fréquence des infections génitales avec le virus herpès simplex (VHS) est en augmentation dans le monde entier. L'infection par le VHS type II tend à se faire de plus en plus tôt, et le rôle du VHS type I dans l'infection génitale augmente également. Il en va de même pour les pathologies associées, par exemple l'herpès néonatal et l'infection par le VIH, dont la transmission est facilitée en cas de présence d'herpès génital. La majorité des infections par le VHS se transmettent en absence de lésions, et les infections non reconnues et atypiques représentent un réservoir de transmission important dans cette épidémie. Clairement, une meilleure identification des personnes infectées contribuera à une meilleure prévention. L'action des médicaments antiviraux systémiques sur les taux d'excrétion virale asymptomatique, vecteur principal de l'infection, a montré des résultats encourageants. Dans ce contexte, la récente disponibilité de la sérologie d'herpès type-spécifique sera très contributive.
Les rubriques dans la presse, les sites médicaux dans l'internet, et surtout les patients inquiétés par cette inflation d'informations en témoignent : l'herpès fait à nouveau partie des «unes» de l'actualité médicale, après avoir mené une existence moins médiatisée depuis l'arrivée de l'aciclovir au début des années 80. Pourquoi cette recrudescence d'intérêt ? Pour l'industrie pharmaceutique, le fait d'une augmentation de la séroprévalence de l'herpès simplex type II (VHS II) de 20 à 30% dans les vingt dernières années, et la persistance d'une certaine timidité chez les généralistes de prescrire les nouveaux antiviraux systémiques, signifient un important potentiel d'exploitation. Du côté de la santé publique, l'augmentation de l'incidence de l'herpès génital surtout chez les adolescents et les jeunes adultes est d'autant plus inquiétante que la présence d'ulcères érosifs génitaux augmente très fortement le risque de transmission du VIH. Dans le domaine de la prévention, on constate une augmentation des infections VHS I génitales, conséquence de pratiques sexuelles qui échappent aux principes du «safer sex». Concernant la perception de la maladie, la notion d'excrétion virale asymptomatique comme mode majeur de transmission de l'herpès simplex, confère un côté obscur et menaçant à cette infection dans la culture d'hygiène sans compromis qui est la nôtre. Finalement, l'arrivée sur le marché des immunosuppresseurs topiques (tacrolimus, pimecrolimus) demande une vigilance accrue afin d'éviter les complications dues au VHS durant le traitement (notamment des sites susceptibles de recrudescences herpétiques). Dans ce contexte, le rôle du clinicien, impliquant la reconnaissance des manifestations cliniques atypiques, l'information et le conseil des patients, et le suivi thérapeutique, est fortement sollicité. Cette revue présente un aperçu d'actualités récentes et pertinentes pour la prise en charge de l'herpès cutanéo-muqueux.
L'herpès génital est en forte augmentation partout dans le monde. Le rôle du VHS type 1 dans l'infection génitale augmente également. Cette pandémie entraîne un accroissement de pathologies associées, comme l'herpès néonatal, ou l'infection par le VIH.
Dans les pays industrialisés, une discordance entre les tendances épidémiologiques des deux types de VHS est actuellement observée : tandis que la séroprévalence du VHS II augmente de 20 à 30% durant les dernières vingt années,1 la prévalence du VHS I diminue dans les milieux socio-économiques favorisés, et son acquisition tend à se faire plus tardivement.2,3 Parallèlement, la proportion des infections au VHS génitales imputables au VHS I, qui se situe déjà entre 20 et 40%, est en augmentation. Le VHS II n'est par contre que très rarement trouvé dans des lésions VHS orofaciales. Ce fait pourrait indiquer un effet protecteur d'une infection orofaciale préalable avec le VHS I dans le sens d'une immunité partielle contre une infection subséquente avec le VHS II. Globalement, la séroprévalence pour le VHS II varie de 20 à 30% pour la tranche d'âge 15-29 ans et à 35-60% à 60 ans.2 En Europe, les chiffres reportés varient entre 4 et 18%, tandis qu'aux Etats-Unis le taux approche 25%.4 Pour le VHS I, 20 à 35% de la population sont séropositifs à l'âge de 5 ans, atteignant 40 à 70% chez les quadragénaires.5 Pourtant, la majorité des patients VHS-séropositifs ignorent leur infection, et donc également leur infectiosité : seuls 10 à 25% des patients connaissent l'existence de leur herpès génital, et la majorité des séroconversions VHS I et II sont asymptomatiques ou non reconnues. La transmission de l'hèrpes peut également se faire en l'absence de toute symptomatologie. Ce dernier phénomène concernant l'excrétion asymptomatique signifie que toute personne VHS séropositive est susceptible de transmettre l'infection même en l'absence de tout symptôme ou signe clinique. Ce point constitue le maillon faible dans tout effort de prévention.
Les succès du VHS comme pathogène réside dans sa capacité d'établir un stade d'infection latente dans les ganglions sensitifs de l'hôte, ainsi que dans le phénomène de l'excrétion virale asymptomatique.
L'infection par le VHS connaît trois stades : l'infection reproductive ou lytique, l'infection latente, et l'infection réactivée. Le VHS s'acquiert par contact direct avec du tissu ou de sécrétions infectées. Après pénétration dans les cellules au lieu d'inoculation, le virus se réplique rapidement à l'aide de protéines spécifiques : la VP16 déclenche la cascade de production de nouvelles protéines virales, tandis que le VHS et l'ICP27 interceptent les mécanismes de défense cellulaire en dégradant l'ARN de l'hôte et en bloquant leur synthèse de novo. Les virions pénètrent dans les terminaisons des fibres nerveuses sensitives pour ensuite accéder au ganglion respectif. Le tableau clinique de la primo-infection herpétique, caractérisée par l'apparition de bouquets vésiculeux dans une zone anatomique relativement étendue (par exemple, gingivostomatite herpétique, vulvovaginite herpétique), correspondrait à une dissémination aiguë de virions en périphérie par voie des axones des neurones infectés pendant le stade de l'infection reproductive.6 Bien que relativement spécifique, cette symptomatologie n'apparaît que dans une minorité des cas de primo-infection. Dans les neurones infectés, le virus entre ensuite au stade d'infection latente, caractérisée par la présence de la seule protéine virale LAT, l'expression d'autres gènes viraux étant restreinte. L'établissement et la persistance de l'infection latente ne peuvent être empêchés par les traitements antiviraux actuellement à disposition. L'amplitude de la dissémination virale dans les ganglions nerveux pendant le stade reproductif, qui détermine la quantité de LAT dans les neurones pendant le stade de l'infection latente, déterminerait également le taux d'infections réactivées. Dans cette phase de l'infection réactivée, l'hôte excrète des virions infectieux, ce qui n'est pas nécessairement associé à une symptomatologie cliniquement visible : on parle alors de l'excrétion virale asymptomatique. La recrudescence herpétique dans une zone anatomique restreinte, correspondant aux neurones concernés par la réactivation n'est donc qu'une variante de la phase de réactivation virale, dont les mécanismes des facteurs déclenchants (action au niveau systémique ou ganglionnaire (fièvre, stress, etc.), ou au niveau périphérique-cutané (rayons UV, traumatismes, etc.), restent mal connus.
Dans le contexte d'une séropositivité pour le VHS II, trois catégories de patients peuvent être distinguées : ceux qui présentent des symptômes sans s'en apercevoir (75%) ; ceux qui présentent des symptômes et les perçoivent ; ceux qui ne présentent pas de lésions (rares). Le taux d'excrétion virale asymptomatique est pourtant similaire chez tous.
L'excrétion virale asymptomatique signifie la détection du virus dans un prélèvement (culture ou PCR) provenant d'un site cutané ou muqueux en l'absence d'un signe clinique. Du fait que la majorité des personnes VHS II séropositives nient une histoire de lésions herpétiques génitales. Des travaux récents se sont consacrés à éclaircir la relation entre l'infection VHS génitale symptomatique méconnue, et l'infection véritablement asymptomatique.7 Les auteurs ont pu démontrer que, parmi un collectif avec une sérologie VHS II positive mais sans histoire de lésions cliniques génitales, trois quarts des patients reportaient la présence de lésions herpétiques après avoir reçu une formation concernant la nature et la reconnaissance de l'infection VHS.5,7 Ces résultats signifient que la majorité des personnes VHS II séropositives qui se disent asymptomatiques peuvent être converties en patients symptomatiques par une information adéquate. Seulement une minorité de ces patients semble être véritablement asymptomatique malgré l'excrétion virale documentée.4 Toutefois, le phénomène d'excrétion virale asymptomatique concerne tout patient VHS séropositif : Wald et coll. ont montré que le taux de ces épisodes d'excrétion virale asymptomatique du VHS II est similaire chez tous les patients porteurs d'anticorps anti-VHS II, qu'ils soient symptomatiques, symptomatiques sans le savoir, ou asymptomatiques.4 L'excrétion virale asymptomatique est donc un phénomène qui ne peut être réduit par des mesures éducatives et informatives. Des études prospectives avec des partenaires discordants pour une infection VHS II ont montré que la majorité des infections VHS s'acquièrent sans lésions cliniques reconnues, ce qui souligne l'importance de l'excrétion virale asymptomatique pour la transmission de l'infection VHS.7 L'analyse de prélèvements quotidiens montre que la fréquence de l'excrétion virale asymptomatique génitale pendant la première année après l'acquisition de l'infection se situe entre 2 et 4%, ce qui signifie qu'un patient VHS II-séropositif excrète, en dehors de ses épisodes de recrudescence symptomatique, du virus infectieux pendant un total de cinq à dix jours asymptomatiques dans l'année après son infection initiale. La fréquence des recrudescences herpétiques est positivement corrélée avec la fréquence des événements d'excrétion asymptomatique. Chez des patients VIH positifs, la fréquence de l'excrétion VHS asymptomatique génitale, ainsi que sa proportion par rapport à l'excrétion associée à des lésions cliniques, est élevée.7 L'infection génitale par le VHS I produit moins d'événements d'excrétion asymptomatique, ce qui indique une différence d'infectiosité entre les deux types de VHS. Pourtant, au niveau de la muqueuse orale, l'excrétion asymptomatique du VHS I se situerait entre 7 à 10%, bien que ces données doivent être confirmées dans des études plus grandes.7 La plupart des infections par le VHS I étant asymptomatiques, le rôle de l'excrétion asymptomatique buccale dans la transmission orogénitale du VHS I semble donc considérable.
La réalité de l'excrétion virale asymptomatique est problématique pour le patient ainsi que pour son médecin auquel des conseils sont demandés. Des situations difficiles se rencontrent surtout dans un contexte d'herpès génital chez des couples. Par exemple, il est possible qu'un patient développe un premier épisode de lésions d'herpès génital avec par la suite une manifestation clinique chez sa partenaire. Bien que la chronologie des événements semble indiquer que l'homme est le vecteur de l'infection, il est cependant possible que la partenaire ait transmis l'infection par l'intermédiaire d'excrétion virale asymptomatique, ou encore que les deux aient déjà été porteurs d'une infection VHS longtemps avant leur première rencontre. En fait, seule la sérologie VHS permet de faire le diagnostic d'une infection VHS et donc d'une infectiosité potentielle chez un patient asymptomatique avec une histoire VHS négative. Les discussions sur l'origine de l'infection, aussi inévitables qu'elles soient, sont donc rarement constructives. En situation de VHS II sérodiscordance dans un couple avec la femme indemne, le taux annuel de séroconversion est de 32%, ou 9% en cas de présence d'anticorps anti-VHS I.8 Pourtant, aucune étude n'a pu montrer l'efficacité au long cours des mesures de prévention conventionnelles chez des couples : comme la plupart des infections se transmettent par voie d'excrétion asymptomatique, l'abstention ou l'utilisation du préservatif devrait théoriquement être permanente, et il est encore incertain que le préservatif ou d'autres méthodes de barrière soient efficaces, étant donnée l'étendue des sites anatomiques potentiels des événements d'excrétion virale.7 Dans cette situation plutôt frustrante, les résultats d'une étude en cours chez des couples discordants, mesurant l'impact d'un traitement suppressif de valaciclovir (500 mg/j) du partenaire VHS II séropositif sur le taux de séroconversion chez l'autre, sont impatiemment attendues. En effet, des travaux préliminaires montrent qu'un traitement antiviral systémique réduit le taux d'excrétion virale asymptomatique de plus de 90%.7
Celui qui cherche, trouve : 50% des manifestations d'herpès génital sont extragénitales, et la majorité des patients avec une infection VHS non reconnue peuvent être convertis en patients symptomatiques par une information et un suivi clinique appropriés.
Bien que l'excrétion virale asymptomatique pose un problème de prévention non résolu, une meilleure reconnaissance des infections symptomatiques mais méconnues de l'herpès génital se révèle d'un grand intérêt de santé publique. L'excrétion virale, et donc l'infectiosité, est beaucoup plus importante en cas de présence de lésion. L'herpès génital symptomatique est largement sous-diagnostiqué : on estime qu'environ 60% des patients ont des lésions dont la nature herpétique n'est pas reconnue.9 Par exemple, parmi 62 femmes VHS II séropositives mais sans histoire personnelle de lésions herpétiques, 48 (80%) reportaient la présence de lésions après avoir reçu une formation sur la nature de leur infection et l'aspect des présentations cliniques possibles.3 Une étude récente menée en Suisse s'est donc consacrée à revoir, de manière rétrospective, le spectre des présentations cliniques des lésions confirmées VHS II positives chez 170 patients d'une policlinique spécialisée.10 Seulement 50% des patients présentaient le bouquet typique de vésicules génitales, et chez 20% les lésions étaient atypiques, ressemblant morphologiquement à un ulcère ou une érosion. Chez la moitié des patientes, les lésions avaient une localisation extra-génitale. Ce travail souligne à la fois l'importance d'un examen clinique très complet, et recommande un haut degré de suspicion devant une lésion d'aspect peu spécifique dans le cadre d'un status MST (maladie sexuellement transmissible).
Le VHS génital peut être considéré comme un cofacteur de transmission du VIH
La reconnaissance de lésions d'herpès atypiques au niveau anogénital est d'autant plus importante que le VHS II peut être considéré comme un cofacteur de transmission du VIH en cas de poussée symptomatique herpétique.11 Les mécanismes facilitant cette association sont à la fois la rupture de la barrière épidermique par la lésion herpétique, et l'afflux des cellules cibles pour le VIH au niveau de la lésion. Même en absence de symptômes, l'excrétion d'ADN viral de VHS II et de VIH est corrélée dans les sécrétions vaginales. On ignore pour l'instant le rôle d'un traitement anti-herpétique systémique sur l'infectivité des sujets VIH/VHS positifs. La réponse à cette question serait d'une grande pertinence dans des régions avec une haute prévalence de co-infection VHS-VIH, comme dans certaines régions d'Afrique.
L'utilisation des nouveaux immunosuppresseurs topiques demande un effort de précaution et de surveillance en ce qui concerne les complications dues au VHS
L'herpès simplex d'expression orofaciale est beaucoup moins étudié que son analogue génital. Les lésions en localisation orofaciale sont presque toujours dues au VHS type I. Tout comme chez le VHS II, la majorité des patients VHS I séropositifs ont une infection asymptomatique ou symptomatique non reconnue, et l'excrétion virale asymptomatique orofaciale est un important facteur de transmission. Une forme clinique particulière d'herpès simplex, presque toujours associée avec le VHS type I et la localisation orofaciale, est l'eczéma herpeticatum. Il s'agit d'une dissémination locorégionale de lésions virales monomorphes, qui peut être fulgurante et d'un pronostic grave. Cette complication est classiquement associée avec l'eczéma atopique, mais s'observe également dans d'autres conditions avec une altération étendue de la barrière cutanée (maladie de Darier, maladies bulleuses, brûlures, dermabrasions ou décollements épidermiques par laser CO2 à but esthétique, etc.). Classiquement associé à la petite enfance et interprété comme l'équivalent d'une primo-infection, une série plus récente suggère que l'eczéma herpeticatum chez l'atopique est en augmentation, concerne surtout le jeune adulte, peut récidiver et s'observe souvent dans un contexte de récurrence herpétique.12 Plusieurs cas d'eczéma herpeticatum ont été observés en association avec le traitement de la dermite atopique avec les nouveaux immunosuppresseurs topiques, tels que le tacrolimus ou le pimecrolimus.13 Dans notre série de cinquante-deux patients atopiques sous traitement de tacrolimus topique, quatorze cas de récurrences labiales du VHS I ont été observés, mais les quatre cas d'eczéma herpeticatum sont apparus chez des patients sans antécédent connu d'herpès simplex ni d'association apparente avec une récurrence herpétique. Chez deux de ces quatre cas, nous avons par la suite identifié des recrudescences d'herpès atypiques. L'identification d'infections symptomatiques méconnues pourrait donc éviter de traiter non intentionnellement des lésions virales, réduisant ainsi le risque de dissémination du VHS sous traitement avec un immunosuppresseur topique.
Le couple VHS discordant avec la femme enceinte indemne représente le contexte de risque maximal pour l'herpès néonatal. Les stratégies de prévention à évaluer reposent sur la faisabilité d'une identification à large échelle des femmes à risque, et sur l'efficacité d'un traitement antiviral préventif.
La prévention du risque de transmission materno-ftale est le point fondamental de la prise en charge de l'herpès chez la femme enceinte. Ce risque est maximal en cas de primo-infection de la mère dans le dernier mois de grossesse (environ 50%), beaucoup plus faible en cas de récurrence génitale symptomatique durant la dernière semaine avant l'accouchement (environ 5%).14 Dans ces deux situations, les recommandations actuelles indiquent la césarienne, avec traitement antiviral systémique du nouveau-né en cas de primo-infection chez la mère, ou en cas de césarienne tardive après rupture des membranes. Pourtant, chez 70% des cas d'infection néonatale, la transmission a lieu par excrétion virale asymptomatique. Actuellement, il manque une attitude de prévention évaluée et basée sur l'identification des primo-infections asymptomatiques par détection rapide du virus avant l'accouchement et pendant le travail ; les prélèvements hebdomadaires par culture virale en fin de grossesse ont été abandonnés. D'autres perspectives sont le traitement antiviral préventif de l'homme VHS II séropositif dans le couple discordant, ou encore le traitement antiviral systémique en fin de grossesse chez les femmes avec des antécédents de récurrences d'herpès génital, mais le rendement de ces mesures de prévention reste à être démontré.
Indications potentielles de la sérologie VHS type-spécifique en pratique clinique : identification des couples monogames VHS discordants en vue de la protection du partenaire indemne et de la prévention de l'herpès néonatal ; identification du statut d'infection VHS chez des patients à risque d'acquisition du VIH.
Le diagnostic de l'infection par l'herpesvirus simplex avec les outils standards actuels, c'est-à-dire la culture et l'immunofluorescence directe, aboutit à une sous-estimation importante du nombre de personnes infectées par le VHS. Ceci est une conséquence du fait que les symptômes de l'infection restent inaperçus chez une majorité de patients et échappent donc à l'analyse par culture ou immunofluorescence. Etant donné que chaque personne infectée par le VHS est susceptible de transmettre l'infection même en l'absence de lésions, l'état infectieux d'une personne est représenté au mieux par la sérologie. L'avantage de la spécificité de la sérologie concernant le type de VHS se manifeste surtout chez l'herpès génital, où le contexte d'une infection VHS type I orofaciale acquise précédemment est fréquent. La disponibilité des nouveaux kits de détection du VHS type-spécifique (ELISA identifiant les IgG contre des glycoprotéines virales type-spécifiques) élargit considérablement le champ d'indications potentielles de la sérologie VHS : l'identification des femmes enceintes et à risque d'acquérir une primo-infection dans le dernier trimestre de la grossesse, ainsi que l'identification des couples monogames VHS discordants en vue de la protection du partenaire indemne ; identification de patients asymptomatiques ou avec symptomatologie atypique du VHS ; identification du VHS comme facteur de risque dans la transmission du VIH. A l'heure actuelle, pourtant, il n'existe pas encore d'attitudes de prise en charge pour ces bénéficiaires potentiels de la sérologie type-spécifique. A moyen terme, la méthode servira donc surtout comme outil de recherche dans des études destinées à évaluer des nouvelles indications et à déterminer les cibles de stratégies d'intervention thérapeutique.15
Pour le traitement de l'herpès simplex chez l'immunocompétent, on dispose aujourd'hui de deux paires d'antiviraux, différenciés sur la base de leur mode d'action. Disponible depuis le début des années 80, l'aciclovir (Zovirax® i.v. ; comprimés et suspension orale ; pommade et crème) est le chef de file des antiviraux anti-herpétiques. Analogue structural de la guanosine, l'aciclovir agit sur la réplication virale en inhibant l'ADN polymérase des herpesvirus, de sorte que l'élongation de la chaîne d'ADN viral est complètement arrêtée. Précurseur oral de l'aciclovir et son L-valine ester, le valaciclovir (Valtrex® comprimés), converti rapidement en aciclovir après prise orale, agit de façon analogue. Le famciclovir (Famvir® comprimés) et le penciclovir (Famvir® crème), dont le famciclovir est le précurseur oral, agissent également par inhibition de l'ADN polymérase viral, sans pour autant arrêter complètement son élongation. Analogues nucléidiques, l'activité de ces médicaments dépend de l'activité de la tyrosine kinase virale, dont la mutation est le mécanisme principal de résistance, de sorte qu'il s'agit le plus souvent d'une résistance croisée. En pratique clinique, l'émergence de mutants résistants concerne avant tout le traitement chez l'immunodéprimé. Les antiviraux analogues nucléidiques agissent uniquement contre la phase réplicative et productive de l'infection, tandis que l'établissement et la persistance de l'infection latente ne sont pas accessibles au traitement.
Les indications principales d'un traitement systémique d'un herpès simplex chez l'immunocompétent sont les primo-infections orales ou génitales, les récurrences génitales, la suppression des récurrences génitales, et le traitement ou la prévention des surinfections ou des complications herpétiques (par exemple, eczéma herpeticatum dans le contexte d'une dermite atopique, de brûlures, ou lors d'interventions de relissage du visage ; prévention de l'érythème polymorphe). Le profil de sécurité de l'aciclovir/valaciclovir est très rassurant ; seul l'aciclovir comporte l'indication officielle pour le traitement des enfants. A titre d'exemple, les registres de surveillance après vente pour le traitement de l'herpès simplex pendant la grossesse (par aciclovir depuis 1984, par valaciclovir depuis 1977) n'ont, à présent, relevé aucune complication maternelle ni ftale.16 En cas d'hydratation insuffisante, l'aciclovir peut réversiblement cristalliser dans les tubules rénaux, ce qui peut provoquer ou aggraver une insuffisance rénale réversible. Lors de taux plasmatiques excessifs, des effets neurologiques réversibles ont été observés. Par précaution, on veillera à une hydratation suffisante, le dosage sera adapté en cas d'insuffisance rénale. La voie veineuse est réservée à l'aciclovir, tandis que le valaciclovir et le famciclovir sont préférables pour le traitement par voie orale en raison de leur biodisponibilité supérieure (50 à 75% versus 15% pour l'aciclovir). Dans le traitement de la récurrence herpétique génitale ainsi que dans sa prévention, ces trois médicaments antiviraux systémiques sont significativement efficaces par rapport au placebo et d'efficacité comparable entre eux aux dosages recommandés.
L'intérêt du traitement local des récurrences de l'herpès simplex buccal et génital par les antiviraux analogues nucléidiques topiques (penciclovir crème 1%, aciclovir crème 3%) ainsi que par les autres substances topiques avec indication anti-herpétique (édoxudine ; idoxuridine ; tromantadine ; sulfate de zinc ; héparine, etc.) est marginal. Un avantage réel par rapport aux soins locaux conventionnels n'a pas été mis en évidence. Certaines substances comportent un risque élevé de sensibilisation de contact (par exemple, tromantadine). Des indications particulières pour les antiviraux topiques existent en ophtalmologie, et chez le patient immunodéprimé. En pratique clinique, le but thérapeutique du traitement local est de limiter le risque de surinfection bactérienne des lésions herpétiques par des soins locaux appropriés (compresses, bains, préparations antiseptiques ou antibiotiques). Un travail récent a utilisé un modèle animal pour déterminer l'efficacité relative des crèmes au penciclovir et à l'aciclovir, et de la crème au n-docosanol 10%; le pencilovir a été supérieur dans ce modèle.17
Cette substance appartient à la classe des immunomodulateurs topiques. Par l'intermédiaire de récepteurs membranaires, ces molécules induisent des kinases activatrices de facteurs de transcription de cytokines, résultant en une stimulation principalement de la réponse immunitaire du type TH1 (TNFa, interféron, IL-2). Une étude phase II toute récente montre que l'application locale d'un gel au resiquimod 0,05% chez des patients avec de fréquentes récurrences herpétiques génitales en réduit significativement la fréquence. Les patients ont appliqué le gel dans les 24 heures après l'apparition des lésions, à raison de deux applications par semaine, pendant trois semaines ; sur une durée de six mois.18 Les effets secondaires se sont limités à des irritations locales. Ce résultat très prometteur nécessite d'être complété par une analyse de l'action du resiquimod sur l'excrétion virale asymptomatique.