Continuons à exploiter le contenu de la note de l'ambassade de France au Royaume-Uni, intitulée «Le point sur l'ESB au Royaume-Uni depuis novembre 2001», dont nous disions, la semaine dernière (Médecine et Hygiène du 27 février 2002) que la bonne logique diplomatique eût voulu qu'elle ne puisse atterrir sous les yeux d'un journaliste. Rassurons-nous : tout ce qui ne va pas en Grande-Bretagne en matière de sécurité sanitaire des aliments n'est pas du seul fait des Britanniques. «Le Meat Hygiene Service a découvert tout au cours de l'année 2001 des traces de moelle épinière ou de colonne vertébrale (plus récemment) sur des quartiers de buf en provenance des Etats membres. Vingt-trois infractions ont été relevées au total, écrit l'auteur de ce document. Les pays incriminés sont l'Allemagne (8), les Pays-Bas (5), l'Irlande (4), l'Espagne (2), l'Italie (1), le Danemark (1) et la Belgique (2), peut-on lire dans ce document. Les plus récentes concernent la Belgique et les Pays-Bas. De plus, depuis janvier 2002, des quartiers de bufs âgés de plus de 30 mois et originaires des Pays-Bas et d'Irlande ont été découverts. De telles carcasses ne peuvent pas être vendues sur le territoire britannique pour la consommation humaine, de par la législation au Royaume-Uni.»Au chapitre des «Actualités scientifiques et réglementaires», l'auteur traite du «Lien entre deux cas de la forme humaine de la vache folle et un vaccin contre la poliomyélite». «Les experts ont conseillé aux parents de continuer à faire vacciner leurs enfants contre la polio malgré des rumeurs indiquant que deux victimes du nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (nvMCJ) avaient reçu un vaccin provenant d'un même lot en 1994» écrit-il. En pratique, les membres du Spongiforme Encephalopathy Advisory Committee (SEAC) estiment que ce lien est purement fortuit puisque des millions de Britanniques ont été vaccinés depuis 1980 avec des lots produits en utilisant du matériel (en particulier du sérum de veau ftal) provenant de vaches britanniques. Aucune évidence ne montre qu'ils sont plus susceptibles de contracter le nvMCJ.«La révélation est assez embarrassante pour l'administration puisque de tels vaccins auraient dû avoir disparu de la circulation en 1989, peut-on lire dans le document de l'ambassade de France. En effet, une circulaire de 1989 indique que le matériel bovin utilisé pour faire des vaccins injectables doit provenir uniquement de pays indemnes d'ESB. Cependant, ce vaccin est resté sur le marché jusqu'en 2000 car il s'agissait d'un vaccin oral et non d'un vaccin injectable. Une loi plus stricte a été introduite en 2000 pour éviter qu'un tel problème se reproduise. Cette connexion éventuelle est apparue au cours d'une étude sur cinq victimes de nvMCJ qui vivaient dans une même région (Southampton).»A noter aussi la nomination d'un nouveau directeur du Centre National de Surveillance du nvMCJ à Edimbourg. «Cette unité de surveillance basée en Ecosse depuis 1990 est financée par le ministère de la Santé. Dirigée depuis sa création par le Pr Will, elle connaît depuis décembre 2001 un nouveau directeur, le Pr J. Ironside, qui est également membre du SEAC, écrit notre fidèle correspondant à Londres. Cette prise de fonction correspond à une restructuration de la direction de cette unité. Trois professeurs de médecine se partageront désormais ce poste à tour de rôle pour une période de trois ans afin qu'ils puissent parallèlement se consacrer à leurs travaux de recherche. Cette unité a été principalement créée pour suivre l'épidémiologie, l'évolution clinique, la biologie moléculaire et la neuropathologie de tous les cas de MCJ à travers tout le RU.»Dernier et brûlant chapitre : la réutilisation des instruments chirurgicaux. «Les autorités britanniques sont revenues sur leur décision de janvier 2001 d'utiliser des instruments chirurgicaux à usage unique pour les amygdalectomies, lit-on dans la note. Les incidents survenus depuis l'utilisation de ces instruments ont remis en question cette pratique. De nouvelles instructions relatives à la désinfection des instruments réutilisables viennent d'être données aux Services des Hôpitaux.»Passons directement, pour finir, à l'humain et aux derniers chiffres connus de la forme humaine de la maladie de la vache folle : «A ce jour, 114 cas de nvMCJ ont été répertoriés au RU, parmi les quelque 1000 à 140 000 individus potentiellement en incubation, huit personnes seulement sont encore vivantes. Un nouveau cas de nvMCJ a été diagnostiqué pour la deuxième fois depuis 1995 en Irlande du Nord. Bien que les dernières estimations soient encourageantes, le ministère de la Santé incite toujours à la vigilance en raison du grand nombre d'hypothèses.»Ce document a été écrit dans les premiers jours du mois de février 2002. Nous avons eu la chance de le lire et de pouvoir amplement le citer dans ces colonnes. C'est ainsi, sans emphase, un document pour l'histoire obtenu au titre de l'activité journalistique, cette activité qu'on a pu comparer à celle d'un historien travaillant au rythme du temps présent.