Annoncée comme un miracle en 1996, la trithérapie pose aujourd'hui un certain nombre de problèmes, même si elle permet d'obtenir des résultats indiscutables.Grâce aux combinaisons thérapeutiques, la mortalité des personnes contaminées a chuté de 40%, et les infections opportunistes se sont raréfiées. La trithérapie relance en effet la production de cellules mémoire contre les germes opportunistes. Mais les complications liées à ces traitements ne peuvent plus être ignorées maintenant, alors que l'apparition, il y a quelques années, des lipodystrophies avait été jugée comme un simple préjudice esthétique. L'apparition de résistances à diverses molécules, notamment chez les personnes ayant reçu un, puis deux, puis trois médicaments, pose aussi des problèmes difficiles à résoudre parfois.Face à ces difficultés, deux voies se dessinent : chercher encore de nouvelles molécules, ou gérer au mieux celles dont on dispose actuellement. Cette alternative a été présentée au cours de la 9e Conférence sur les rétrovirus organisée à Seattle du 24 au 28 février.Une chose est certaine : la course aux armements continue, et l'industrie pharmaceutique tient à le faire savoir. Seattle aura été le «bal des débutantes» pour un certain nombre de molécules dont certaines ont à peine terminé leur séjour en éprouvette.Au rayon des nouveautés, les grandes vedettes sont les substances susceptibles d'inhiber l'entrée du virus dans la cellule. Le SCH C fait partie de ces produits nouveaux. C'est un inhibiteur du récepteur CCR5. C'est à ce récepteur que le virus vient s'amarrer après s'être lié au récepteur CD4. Cette porte d'entrée est un objectif très couru depuis qu'on a montré qu'une mutation du CCR5 permettait à des personnes infectées de ne pas développer la maladie. L'étude présentée à Seattle était une étude d'efficacité sur sept jours. Depuis ce protocole, le SCH C est étudié dans un essai en monothérapie sur des groupes de douze sujets et à différents dosages.Une autre molécule, non encore baptisée, et qui en est au stade de l'expérimentation animale, rejoint la famille des inhibiteurs d'entrée. Cette substance va interagir avec l'enveloppe glycoprotéique du virus, la gp 120, empêchant l'arrimage du virus avec le récepteur C. Cette aptitude s'est confirmée même sur des souches virales ayant une gp 120 mutée. Ces molécules viennent s'ajouter au T20 déjà utilisé, et qui bloque les processus de fusion. Mais les évaluations ne font que commencer pour ces molécules.Au rayon des nouveautés, il y a deux inhibitieurs non nucléosidiques de la reverse transcriptase à signaler. Le TNC-125 fait l'objet d'un essai en monothérapie chez des patients jamais traités par des molécules antivirales. Avec un recul d'une semaine, les promoteurs de l'essai disent que le produit est aussi efficace pour abaisser la charge virale qu'une pentathérapie.Un médicament de la même classe, le DPC-083 semble pouvoir pallier la résistance à l'efavirenz.L'heure des inhibiteurs de l'intégrase est peut-être arrivée également. Cette enzyme permet l'intégration du génome viral à celui de la cellule hôte. Le S-1360 a montré, in vitro, une efficacité anti-intégrase pure, et une synergie avec les autres antiviraux.Beaucoup d'annonces donc, mais pas de vrais résultats cliniques. C'est pour cela que d'autres travaux ont retenu l'attention des spécialistes.Le but de ces recherches : ménager le plus longtemps possible les effets bénéfiques des produits existants. L'une des stratégies qui se développe en Europe est la combinaison d'interruptions cycliques de traitement et d'une immunothérapie. Brigitte Autran et son équipe (CHU Pitié-Salpêtrière, Paris) suivent ainsi une cohorte de 70 patients. Le principe est d'interrompre de façon régulière et programmée le traitement, après avoir injecté à ces patients des fragments peptidiques viraux. Divers «candidats vaccinés» sont ainsi étudiés, et la production d'interféron gamma par les lymphocytes peut être précisément évaluée. Les résultats de ce travail devraient être connus dans un an environ.La reconstruction des défenses immunitaires des patients semble être une des pistes les plus prometteuses, mais elle ne fonctionnerait que dans les premières semaines suivant l'infection, ce qui suppose que les personnes concernées soient dépistées suffisamment tôt, et cela est une autre histoire.