Edito: L'homo sedens : une espèce menacée !
Roger Darioli et Vincent Mooser
Rev Med Suisse
2002; volume -2.
21981
Résumé
L'homme assis, en position assise si l'on préfère, est devenu le symbole des temps modernes. Pendant des millénaires, la vie humaine a nécessité activité physique et mouvements. Mais l'apparition grandissante de la motorisation et de l'automatisation dans le monde du travail aussi bien que dans les activités domestiques a permis de se dispenser du minimum d'effort dont notre corps a besoin. De plus, ces bouleversements sont allés de pair avec d'autres changements de nos habitudes de vie : alimentation, tabagisme, stress, loisirs. Or, au plan génétique, nous sommes restés très proches des chasseurs de la préhistoire. L'homo sedens, cette nouvelle espèce humaine, s'est donc trouvé confronté à des menaces insidieuses se situant bien plus dans ses comportements que dans son environnement. Ainsi, cela s'est traduit par l'apparition d'une pandémie galopante des maladies cardiovasculaires ischémiques durant ces dernières décennies. Plus prosaïquement, les études épidémiologiques internationales révèlent une progression inquiétante de la sédentarité couplée à une plus forte prévalence des facteurs de risque cardiovasculaires majeurs, en particulier obésité, hypertension artérielle, diabète, tabagisme et dyslipidémies.Certes, pendant le même temps la médecine a pu s'enorgueillir de progrès et de succès éclatants, tant dans le traitement des facteurs de risque que dans celui de la maladie coronarienne. Comment ne pas se réjouir de la baisse de la mortalité dans la prise en charge de la phase aiguë de l'infarctus, passant de 30% à moins de 10%, voire même 5%. Pourtant, guère de progrès ont été accomplis pour réduire le risque de mortalité élevé dans la phase toute précoce du syndrome coronarien aigu. De plus, ces thérapies nouvelles ont engendré des coûts qui les mettent hors de portée du plus grand nombre de patients dans bon nombre de pays. Chez nous, ils ne vont pas sans besoins de limitations en regard du déséquilibre entre croissance des dépenses de santé et ressources disponibles.L'homo sedens est donc bien une espèce menacée tant par le risque accru d'accidents cardiovasculaires et autres comorbidités que par des limites aux financements thérapeutiques disponibles rencontrées dans bon nombre de pays. L'ajout sur l'ordonnance d'une prescription recommandant un minimum d'activité physique au quotidien n'est guère onéreux. En revanche, ainsi que l'ont démontré un grand nombre d'études d'intervention, le bénéfice thérapeutique est particulièrement évident pour les moins actifs. La réussite d'un tel défi devrait être à notre portée si chaque médecin en prend conscience et agit en se remémorant les paroles d'Eugène Paz datant, certes de 1880, mais combien d'actualité : «Tout le monde aujourd'hui veut la santé du corps, mais on ne sait donc pas que vouloir la santé sans exercice, c'est vouloir la vie sans air, le jour sans lumière, enfin l'impossible !».Outre le rappel de cette vérité première, le lecteur trouvera dans ce numéro une mise au point sur les facteurs de risque classiques de maladies cardiovasculaires ainsi que sur l'importance et la signification clinique de la dysfonction endothéliale étroitement liée au processus de l'athérosclérose. Enfin, ce numéro est également l'occasion de présenter les résultats d'un programme de promotion de la santé et de prévention des maladies cardiovasculaires sur le lieu de travail.Alors, bonne lecture !
Contact auteur(s)
Roger Darioli
Consultation lipides/athérosclérose
Policlinique médicale universitaire
Lausanne
et
Vincent
Mooser
Département de médecine
CHUV
Lausanne