Enfant et séjournant parfois chez grand-mère ou grand-tante, mes vacances automnales ont régulièrement été bercées par l'odeur envahissante et sucrée des traditionnelles cuissons de confiture.Peler les fruits, les couper en dés, les cuire dans leur suc et dans le sucre, mettre en bocaux et laisser refroidir. Procédure immuable, doux souvenirs avec encore sur les papilles le goût de cette préparation douce, un peu tiède et parfumée.Les bocaux prenaient ensuite place dans l'armoire ad hoc, dont l'accès était bien entendu interdit, sauf «sur ordre».Tout interdit suscite sa violation, et fréquentes furent les incursions, en groupe ou seul, vers ce coffre qui renfermait tant de douceurs offertes.Loin est ce temps, et les modes changent. On serait attiré aujourd'hui par la bouteille de «ketchup», la vodka et le «red bull», voire les «alcopops» ou autres douceurs malheureusement alcoolisées.Mais le principe reste le même. En cas de violation de l'interdit, il y a sanction. Sanction de mère-grand, outrée de ce menu larcin mais en même temps fière de l'attrait de sa confiture sur son petit-fils préféré, ou sanction du corps, dont l'estomac se rétracte et se contracte en conséquence devant ce soudain abus de douceurs.La LAMal et sa prochaine révision, c'est pareil. Les partis politiques affûtent leurs arguments et font force propositions. Tous, sauf l'UDC comme par hasard, embouchent la même trompette : la LAMal est bonne, le catalogue des prestations avantageux. N'y touchons pas ! Ce qu'il faut limiter, c'est l'accès. L'accès aux soins, aux médecins, aux physiothérapeutes, aux médicaments. Pauvre raisonnement ! C'est le même que celui des parents confrontés à la télé-manie de leurs chérubins. Plutôt que d'en parler et de gérer l'accès à cet outil qui a fait du cercle de famille un demi-cercle depuis qu'il a envahi tous les foyers on achète un système de blocage. Celui-ci, couplé à une minuterie, bloque l'accès de l'écran à certaines heures. Démission parentale, certes, mais l'exemple vient de haut.En matière d'assurance maladie, plutôt que de toucher à un catalogue des prestations dont la générosité a montré ses limites, les partis politiques érigent des barrages. Le catalogue reste, mais «pas touche» sans autorisation.C'est le mythe de l'interdit simplificateur, du terrorisme réducteur et de la punition judéo-chrétienne. Le fruit existe il est beau, il est mûr mais tu ne peux y toucher qu'à certaines conditions : autorisation de l'assureur, triage par «gake-keeper», bons, franchise
La méthode est mauvaise, car simple et sans imagination.L'avenir appartient au patient que nous sommes tous, à ce citoyen responsable que nous prétendons être. A quand donc une véritable éducation à la santé, en amont de nos aspirations d'être humain ? A quand cette responsabilisation, cet «empowerment» du patient que nous tous appelons pourtant de nos vux ? Lui seul pourra faire la part des choses et poser les limites entre notre désir d'immortalité et les moyens de nous l'offrir.