La classification des pneumopathies interstitielles diffuses (PID) idiopathiques comporte sept entités anatomocliniques. Le diagnostic nécessite une approche multidisciplinaire, qui intègre l'évaluation clinique (qui s'attache notamment à exclure une cause connue de la maladie), le scanner thoracique de haute résolution, et l'aspect histopathologique pulmonaire. Un diagnostic formel de fibrose pulmonaire idiopathique repose sur l'association d'un profil radioclinique évocateur et d'une histologie de type pneumopathie interstitielle commune. La pneumopathie interstitielle non spécifique est une entité anatomoclinique récemment individualisée, dont le pronostic est meilleur que celui de la fibrose pulmonaire idiopathique. La pneumopathie interstitielle aiguë est une forme rare de PID idiopathique rapidement fibrosante. Les autres groupes sont caractérisés par une relativement bonne réponse à la thérapeutique. Cette classification revêt un intérêt pronostique, notamment selon que l'affection considérée correspond ou non à la fibrose pulmonaire idiopathique.
Les pneumopathies interstitielles diffuses (PID) sont définies par un processus inflammatoire et diffus, souvent fibrosant, situé de façon prédominante dans l'interstitium pulmonaire, fréquemment associé à des lésions des voies aériennes, des alvéoles, et (ou) de la paroi des vaisseaux. L'infiltration anormale des structures anatomiques bronchopulmonaires interstitielles se traduit cliniquement par des symptômes non spécifiques dominés par la dyspnée et la toux, et radiologiquement par une pneumopathie infiltrante diffuse.
Sur le plan étiologique, les PID constituent un ensemble très hétérogène de maladies, au sein duquel on distingue : 1) les PID dont la cause est connue, qu'il s'agisse d'un médicament, d'un antigène organique inhalé, d'un agent minéral (silice, amiante), d'une infection (Mycoplasma pneumoniae, virus), d'un cancer, d'un dème pulmonaire ; 2) les PID de cause inconnue mais survenant dans le contexte des connectivites et de diverses maladies systémiques ; 3) les PID avec granulomatose, dont surtout la sarcoïdose ; 4) des affections de cause inconnue mais néanmoins bien individualisables de par leurs spécificités cliniques, radiologiques, ou histologiques (telles que la lymphangioléiomyomatose, l'histiocytose pulmonaire langerhansienne, la pneumopathie chronique idiopathique à éosinophiles, etc.) ; 5) le cadre des PID idiopathiques définies par l'absence d'appartenance aux groupes précédents.
Les PID idiopathiques ont été regroupées jusque récemment sous le terme générique de «fibrose pulmonaire idiopathique» (ou «alvéolite fibrosante cryptogénique»). Les manifestations cliniques des PID idiopathiques présentent cependant une hétérogénéité certaine, notamment quant à l'âge de survenue, le mode d'installation, l'évolution, ou la réponse à la thérapeutique. Cette hétérogénéité suggère la coexistence de plusieurs entités au sein de ce groupe, qui ont progressivement été décrites et individualisées au cours des trente dernières années.
La nouvelle classification des PID idiopathiques répond à plusieurs exigences : intégrer les entités de définition récente comme la pneumopathie interstitielle non spécifique ; restreindre le terme de fibrose pulmonaire idiopathique à une entité précise ; préciser la terminologie notamment en ce qui concerne les correspondances anatomo-cliniques ; standardiser la nomenclature et les critères diagnostiques de ces affections, afin de rendre possible la réalisation d'études cliniques et d'essais thérapeutiques multicentriques.
Le cadre nosologique des PID idiopathiques a fait l'objet d'un consensus de l'American Thoracic Society et de l'European Respiratory Society, qui définit des critères histologiques et cliniques pour chaque affection, et en décrit les manifestations cliniques et radiologiques.1 Le niveau de preuve de cette approche est celui du consensus d'experts. Largement acceptée, cette classification permet d'établir un lien entre un type histologique de définition précise, et certaines caractéristiques cliniques.
Elle comporte sept entités anatomocliniques qui forment le groupe des PID idiopathiques (tableau 1), les plus fréquentes étant la fibrose pulmonaire idiopathique, la pneumopathie interstitielle non spécifique, et la pneumopathie organisée cryptogénique. Pour chacune des entités ont été définis des critères histologiques précis ; l'entité clinique idiopathique correspondante (par exemple, fibrose pulmonaire idiopathique dans le cas du type histologique pneumopathie interstitielle commune) n'est reconnue qu'au terme d'une approche multidisciplinaire et dynamique, qui intègre l'évaluation clinique, la description tomodensitométrique, et l'aspect histopathologique pulmonaire. L'évaluation clinique s'attache notamment à identifier la présence d'une cause de la maladie (infection, connectivite, cancer, etc.) qui exclurait le diagnostic de PID idiopathique. En effet, chaque type histologique peut se rencontrer en l'absence de cause identifiable (et il s'agit alors d'une PID idiopathique), ou au contraire au cours de diverses conditions pathologiques identifiées : la pneumopathie interstitielle commune au cours des connectivites, de pneumopathies médicamenteuses, de l'asbestose ; la pneumopathie interstitielle non spécifique au cours des connectivites, de certaines alvéolites allergiques extrinsèques, de pneumopathies médicamenteuses ; la pneumopathie organisée au cours d'infections, de la radiothérapie après cancer du sein, des connectivites, des expositions à des toxiques inhalés, de pneumopathies médicamenteuses, etc.
Certains points de cette classification méritent une attention toute particulière : la restriction de la définition de la fibrose pulmonaire idiopathique aux cas de PID idiopathique caractérisés par un aspect histologique de pneumopathie interstitielle commune ; l'identification de la pneumopathie interstitielle non spécifique en tant qu'entité anatomoclinique, distincte en particulier de la fibrose pulmonaire idiopathique ; l'importance pronostique que revêt cette classification, notamment selon que l'affection considérée correspond ou non à une fibrose pulmonaire idiopathique.1
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C'est la forme clinique la plus fréquente de PID idiopathique, représentant environ 60% des cas. Selon la définition actuelle, le diagnostic de fibrose pulmonaire idiopathique repose sur l'association d'un profil radioclinique évocateur, d'une histologie de type pneumopathie interstitielle commune (usual interstitial pneumonia), et de l'absence de cause identifiable, notamment de connectivite, d'exposition à l'amiante ou de prise médicamenteuse faisant suspecter une pneumopathie iatrogénique médicamenteuse.
Les principales caractéristiques histopathologiques de la pneumopathie interstitielle commune sont la coexistence de lésions d'âges différents et leur répartition non uniforme au sein d'un même prélèvement, l'existence de lésions en rayon de miel, et de foyers de prolifération fibroblastique, qui traduisent «l'activité» de la maladie. Ce diagnostic histologique requiert le recours à la biopsie pulmonaire chirurgicale ou vidéo-chirurgicale (avec des prélèvements au niveau de plusieurs lobes). Le diagnostic de fibrose pulmonaire idiopathique n'est donc formel que dans les cas de PID idiopathique où une biopsie pulmonaire est pratiquée et montre l'aspect de pneumopathie interstitielle commune. Des critères diagnostiques en l'absence de biopsie pulmonaire ont cependant été proposés (tableau 2).
La fibrose pulmonaire idiopathique débute entre 60 et 70 ans par une dyspnée d'effort d'installation progressive, une toux non productive, et parfois des signes généraux. Les râles crépitants bilatéraux des bases (reproduisant le bruit du «velcro») sont constants. L'hippocratisme digital est présent dans près de la moitié des cas. La cyanose et les signes d'insuffisance ventriculaire droite s'observent à un stade avancé de la maladie. Le profil fonctionnel est marqué par un syndrome ventilatoire restrictif avec altération de la diffusion alvéolo-capillaire, et une hypoxémie d'exercice. La tomodensitométrie thoracique de haute résolution montre des opacités réticulaires des bases, un aspect pseudokystique sous-pleural, des bronchectasies de traction et des signes de distorsion du parenchyme pulmonaire ; les opacités en verre dépoli sont peu prononcées. L'évolution, lentement progressive vers l'insuffisance respiratoire chronique, est marquée par la faible efficacité de la thérapeutique, qui comporte des corticoïdes éventuellement associés à un immunosuppresseur (cyclophosphamide ou azathioprine).4 La médiane de survie est de 2,8 ans, et la survie à dix ans est de l'ordre de 10%.
Cette entité a été individualisée récemment de la fibrose pulmonaire idiopathique sur des critères histopathologiques.5,6 Elle est caractérisée par l'uniformité temporelle et spatiale des lésions, la prédominance des lésions interstitielles inflammatoires (infiltrats interstitiels par des cellules inflammatoires, principalement lymphoplasmocytaires) par rapport à la fibrose interstitielle des cloisons interalvéolaires, et l'absence de rayons de miel. On distingue des «formes cellulaires» et des «formes fibrosantes» (la réponse aux corticoïdes et le pronostic de ces dernières sont nettement inférieurs).
La présentation clinique de la pneumopathie interstitielle non spécifique (idiopathique) est voisine de celle de la fibrose pulmonaire idiopathique, avec cependant quelques différences notables :7,8 la maladie survient en moyenne plus tôt dans la vie (45-50 ans) ; les signes généraux sont habituels ; les râles crépitants ne sont pas constants ; l'hippocratisme digital est rare. Un aspect histologique de pneumopathie interstitielle non spécifique a été décrit au cours des connectivites (en particulier les myopathies idiopathiques inflammatoires dont la symptomatologie systémique n'apparaît parfois qu'après les manifestations pulmonaires) et des alvéolites allergiques extrinsèques. La mise en évidence d'un aspect histologique de pneumopathie interstitielle non spécifique doit donc conduire le clinicien à rechercher avec une particulière attention une connectivite, ou une exposition à un antigène organique inhalé.
Les anomalies les plus fréquemment observées en tomodensitométrie thoracique de haute résolution sont des opacités en verre dépoli, bilatérales et prédominant dans les bases pulmonaires, parfois des opacités réticulaires ou alvéolaires, mais rarement des images en rayons de miel. Le diagnostic nécessite le recours à la biopsie pulmonaire. La majorité des patients répondent au traitement corticoïde ou à l'association corticoïdes-immunosuppresseurs. L'évolution vers l'insuffisance respiratoire chronique ne concerne qu'une minorité de patients ; la survie à dix ans est de 60-70% (35% dans les «formes fibreuses», près de 100% dans les «formes cellulaires»).9-12 Le pronostic de cette affection, en tout cas à court et moyen terme, est donc nettement meilleur que celui de la fibrose pulmonaire idiopathique.
La pneumopathie organisée (ou bronchiolite oblitérante avec pneumopathie organisée) se traduit histologiquement par une obstruction endoluminale des espaces aériens distaux par un tissu de granulation fibreux constitué de cellules inflammatoires, de fibroblastes, et de tissu conjonctif. Elle peut s'observer au cours de nombreuses circonstances (infection bactérienne ou virale pulmonaire, prise médicamenteuse, connectivite, radiothérapie pour cancer du sein) ou être idiopathique.13 L'installation est subaiguë, associant une altération de l'état général, une toux sèche, et une dyspnée d'exercice. La présentation clinique typique de la pneumopathie organisée cryptogénique consiste en de multiples opacités alvéolaires migratrices et corticosensibles. Parfois cependant, cette affection se présente sous la forme d'une pneumopathie infiltrante diffuse. L'histologie permet alors de porter le diagnostic, mais il faut noter qu'il est fréquent dans ces cas d'observer des lésions interstitielles inflammatoires et fibrosantes significatives.
La pneumopathie interstitielle desquamative (pneumopathie alvéolaire à macrophages) et la bronchiolite respiratoire avec pneumopathie interstitielle sont des formes rares de PID idiopathique, qui atteignent préférentiellement l'adulte jeune de sexe masculin. Le tabagisme est considéré comme un facteur causal ; la maladie est souvent réversible avec l'arrêt du tabac et la corticothérapie. La pneumopathie interstitielle lymphocytaire est rare ; elle se rencontre notamment au cours du syndrome de Gougerot-Sjögren.14
La pneumopathie interstitielle aiguë (ou syndrome de Hamman et Rich) est une forme rare de PID idiopathique fibrosante, qui correspond en fait à un syndrome de détresse respiratoire aiguë de l'adulte sans cause décelable.15 Elle affecte avec prédilection les sujets jeunes, et se traduit par un syndrome de détresse respiratoire aiguë idiopathique d'installation brutale, qui évolue vers le décès en un à deux mois (60 à 70% des cas), ou la survie avec peu ou pas de séquelles pulmonaires.
La nouvelle classification des PID idiopathiques permet donc d'individualiser sur des critères diagnostiques très précis diverses entités qui ont longtemps été confondues sous le terme général de fibrose pulmonaire idiopathique. La distinction des différentes entités revêt un grand intérêt pratique, puisque chacune présente des caractéristiques bien identifiées en ce qui concerne la réponse à la thérapeutique, le pronostic (tableau 3), ou les contextes étiologiques à rechercher. Les mesures thérapeutiques à entreprendre sont parfois également distinctes (arrêt du tabac au cours de la bronchiolite respiratoire avec pneumopathie interstitielle par exemple).4
La principale difficulté liée à l'utilisation de cette classification est la nécessité de disposer d'un diagnostic histopathologique, ce qui implique de réaliser une biopsie pulmonaire (le plus souvent par vidéochirurgie). La tomodensitométrie de haute résolution (avec coupes millimétriques) est devenue indispensable dans la conduite du diagnostic d'une PID. Il a été récemment montré que lorsqu'un radiologue expérimenté dans le domaine des pneumopathies infiltrantes retient le diagnostic de fibrose pulmonaire idiopathique sur des arguments tomodensitométriques, et que les critères cliniques du diagnostic sont remplis (tableau 2), ce diagnostic est correct (avec une histologie de type pneumopathie interstitielle commune) dans près de 90% des cas.16,17 Un aspect tomodensitométrique typique n'est cependant pas toujours présent.18 Ainsi, chez la moitié environ des patients présentant une fibrose pulmonaire idiopathique, l'évaluation par un clinicien et un radiologue experts dans le domaine des PID est suffisante pour retenir avec sécurité le diagnostic de fibrose pulmonaire idiopathique. L'approche radioclinique est au contraire toujours insuffisante pour porter le diagnostic des autres PID idiopathiques.1,2 La biopsie pulmonaire reste donc nécessaire si l'aspect tomodensitométrique n'est pas typique de la fibrose pulmonaire idiopathique ou évoque une autre PID idiopathique. Cette attitude mérite d'être discutée selon l'âge et l'état général du patient, et selon les conséquences du diagnostic histopathologique sur le traitement. La réalisation d'une biopsie est souhaitable chez les sujets jeunes ; chez les sujets plus âgés ou fragiles, on peut en revanche se contenter d'un diagnostic clinique et tomodensitométrique. La biopsie pulmonaire est d'autant plus nécessaire si l'on envisage d'entreprendre un traitement corticoïde et (ou) immunosuppresseur, de morbidité non négligeable.