Ainsi donc, après des années d'affirmations, de certitudes proclamées, de démonstrations tenues pour définitives, le prion serait dans la viande que certains d'entre nous continuent allègrement à consommer en dépit de tout ce qui s'écrit sur le sujet. Mais est-ce si simple ? Faut-il croire ce que nous disait la semaine dernière une équipe de chercheurs américains travaillant sous la férule du Pr Stanley B. Prusiner, prix Nobel de médecine 1997 ? A la veille du Vendredi saint, voilà la teneur du communiqué que vient de publier l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) ; un document versé à des archives qui, demain, seront essentielles.
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Maisons-Alfort, mercredi 27 mars 2002
Communiqué
Détection du prion dans le muscle Publication de S. Prusiner
L'article du groupe de Prusiner publié la semaine dernière rapportait la présence, au stade terminal de la maladie, de PrPres et d'infectiosité dans certains muscles de deux lignées différentes de souris conventionnelles inoculées par voie intracérébrale par deux souches différentes de tremblante adaptées aux rongeurs. Cette accumulation est, de manière très surprenante, spécifique à certains groupes musculaires (comme ceux des membres postérieurs) à l'exclusion d'autres (comme ceux du dos, du cou, des membres antérieurs). Les titres infectieux mis en évidence sont parfois élevés, et ne sont qu'environ 500 fois plus faibles que dans le cerveau.
Ces résultats nouveaux ont conduit à proposer que soient menées des expérimentations :
I d'une part, sur les modèles murins ESB pour différents groupes musculaires (Elisa et Western) prélevés chez des souris en fin d'incubation d'ESB disponibles au CEA.
I d'autre part, sur des carcasses de bovins ESB consignées avec résultat positif et d'ovins infectés expérimentalement par l'ESB. Il s'agit de prélèvements concernant de nombreux muscles testés par Western/Elisa, expérimentation qui vise à écarter que certains groupes musculaires qui auraient pu ne pas être inclus dans les expérimentations menées jusqu'à présent soient vecteurs de PrPres (et donc d'infectiosité) à des niveaux détectables.
Ces expérimentations ont pu être conduites sur un échantillonnage plus large que celui initialement envisagé. C'est ainsi qu'ont été analysés ces derniers jours, au laboratoire national de référence sur les ESST à Lyon d'une part et au CEA d'autre part, plusieurs prélèvements lymphoïdes, nerveux et musculaires (incluant différents groupes musculaires dont ceux des membres postérieurs), provenant de différentes espèces animales : deux bovins : l'un contaminé par l'agent de l'ESB détecté en abattoir, l'autre indemne d'ESB à titre de témoin négatif ; quatre souris infectées par l'agent de l'ESB : 2 au stade pré-clinique, 2 au stade terminal ; un mouton et une chèvre atteints de tremblante naturelle au stade clinique de la maladie ; deux moutons infectés par l'agent de l'ESB, au stade clinique de la maladie.
En outre, pour certains de ces animaux, ont été testés en parallèle le cerveau, la rate et le foie. Les tests se sont avérés négatifs pour la recherche de protéine prion pathologique pour l'ensemble des prélèvements, y compris ceux provenant des muscles des membres postérieurs des animaux. Pour ce qui concerne le bovin contaminé par l'ESB, les ganglions lymphoïdes testés, ainsi que le nerf sciatique se sont révélés négatifs, consolidant les résultats négatifs enregistrés pour les muscles. En effet, les tissus nerveux périphériques et/ou lymphoïdes devraient accumuler de la PrPres détectable en cas de dissémination large de l'agent infectieux pouvant intéresser le muscle. S'agissant des souris au stade pré-clinique de la maladie, une positivité a bien été observée dans le cerveau , ainsi que, à un niveau plus faible, dans la rate. En revanche, les résultats ont été négatifs dans tous les muscles, y compris ceux des membres postérieurs.
Ainsi, ces observations sont cohérentes avec les données acquises jusqu'à présent concernant la distribution de l'infectiosité liée à l'ESB chez le bovin. Les résultats détaillés seront examinés, à la lumière des données publiées par l'équipe de Prusiner, lors de la prochaine réunion du Comité d'experts spécialisés sur les ESST qui se tiendra le 11 avril 2002.
Afssa 23, avenue du Général de Gaulle
BP 19, 94701 Maisons-Alfort Cedex, France
Fax 01 49 77 26 12 www.afssa.fr
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«Contrairement à ce que l'on pourrait croire, il n'y a pas de véritable divergence entre les résultats obtenus par le Pr Stanley Prusiner et ceux obtenus au terme de nos premiers tests de dépistage, a expliqué au Monde, Martin Hirsch, directeur général de l'Afssa. Nous avons d'un côté une étude fort bien conduite à partir d'un modèle expérimental poussé à l'extrême et, de l'autre, la confirmation, obtenue de manière classique, que dans notre politique de précaution, nous ne sommes pas passés à côté d'un phénomène physiopathologique inconnu».