Les nouveautés diagnostiques en microbiologie à disposition du praticien concernent surtout le diagnostic rapide d'infections respiratoires bactériennes ou virales par détection d'antigènes ou amplification du génome (angine, coqueluche, grippe, certains agents de pneumonie, tuberculose). Les méthodes moléculaires (PCR) sont devenues l'examen de choix pour les agents de maladies sexuellement transmissibles tels que Chlamydia, HPV, voire gonocoque, ainsi que pour détecter certaines infections congénitales durant la grossesse (toxoplasmose, CMV). On peut espérer qu'un diagnostic étiologique plus précis de nombre d'infections en milieu ambulatoire conduira à une réduction de l'emploi des antibiotiques et, par voie de conséquence, de la résistance microbienne.
L'importance de la pathologie infectieuse dans l'activité d'un cabinet de médecin praticien n'a pas diminué ces dernières années, tant chez le médecin généraliste que chez le spécialiste s'occupant d'adultes ou d'enfants.
Les voyages, le vieillissement de la population, le nombre croissant de patients aux défenses immunitaires diminuées par une pathologie ou son traitement, sont autant de situations favorisant la survenue d'infections diverses, souvent détectées au cabinet du praticien.
Le laboratoire du praticien une enquête récente l'a bien démontré1 joue un rôle essentiel dans la prise en charge ambulatoire rationnelle de la majorité des patients. Les analyses strictement du domaine infectiologique figurant aujourd'hui sur la liste de base du praticien sont peu nombreuses (tests rapides de détection des antigènes du streptocoque du groupe A dans les frottis de gorge, urotubes pour détecter une bactériurie, examen direct avec coloration de Gram) et n'ont pas fait l'objet d'innovations spectaculaires ces dernières années.
Malgré cela, on attend à court terme le développement de tests rapides (de type point of care) pour de nombreuses pathologies infectieuses vues ambulatoirement. Ces tests concernent en particulier la recherche d'antigènes bactériens (streptocoques, pneumocoques), viraux (influenza, virus respiratoire syncitial (VRS)) ou parasitaires (malaria) utilisant des techniques fiables, d'exécution et d'interprétation suffisamment simples pour être pratiquées en cabinet.
Cependant, le rôle du praticien dans le diagnostic des infections ne s'arrête pas aux quelques tests qu'il peut pratiquer aujourd'hui dans son laboratoire. Il est primordial que les praticiens continuent à documenter microbiologiquement les infections qu'ils diagnostiquent ambulatoirement. La connaissance de l'épidémiologie infectieuse communautaire illustrée par le programme Sentinella de l'OFSP par exemple est indispensable à l'élaboration de stratégies préventives et thérapeutiques. De même, la connaissance de la sensibilité et de la résistance aux agents anti-infectieux des germes responsables d'infections dans la communauté est un guide essentiel pour l'utilisation rationnelle de ces agents anti-infectieux.
Ceci étant rappelé, nous aborderons maintenant les nouveautés diagnostiques dont le praticien peut disposer auprès des laboratoires de microbiologie privés et/ou publics. Nous les passerons en revue par système plutôt que par pathogène ou type de méthodes. Le diagnostic de l'infection VIH et des hépatites B et C notamment ne sera pas traité ici, des mises au point ayant fait l'objet de publications récentes.
Dans le domaine des infections respiratoires supérieures et de la sphère ORL, nous ne disposons toujours pas du test rapide idéal qui distinguerait les infections bactériennes justifiant un traitement antibiotique de celles dues à des virus qui, à l'exception de l'influenza et du VRS, ne sont pas encore traitables par des antiviraux.
I Le diagnostic rapide de grippe est disponible, mais les tests immunologiques de détection d'antigènes viraux actuellement sur le marché suisse sont d'une sensibilité insuffisante (60-80%),2-3 qui limite singulièrement leur impact pratique sur une décision thérapeutique au bénéfice limité lui aussi. Il est important de souligner que la sensibilité des tests immunologiques dépend fortement du type de prélèvement et du moment dans la maladie auquel il est effectué. L'aspiration ou le frottis naso-pharyngé ciblant les cellules épithéliales en brosse des voies aériennes supérieures, effectuée très tôt après l'apparition des symptômes, est associée à une sensibilité maximale (80%) comparée à la culture virale ou à l'amplification génique (PCR) qui servent de référence. Il est également important de savoir distinguer une infection due au virus de la grippe ou au virus respiratoire syncytial (VRS), surtout chez les enfants, en période hivernale lorsque les deux virus co-circulent. En effet, cliniquement, la distinction entre une infection causée par les virus de la grippe ou le VRS est difficile, voire impossible. Actuellement, un test immunologique est disponible pour le diagnostic rapide du VRS. Ce test a une spécificité et une valeur prédictive positive élevée, ce qui permet d'exclure ou de confirmer un tel diagnostic.4 Il est surtout utilisé chez les enfants hospitalisés et sur des aspirations nasopharyngées.5
Si l'emploi de ces tests rapides peut être envisagé en cabinet, il est utile de mentionner l'existence de tests combinés relativement rapides qui ciblent par immunofluorescence la grippe, le VRS, les para-influenzae (1-3) et les adénovirus.6 Ces tests sont cependant du ressort du laboratoire étant donné l'expertise requise pour les effectuer.
I Le diagnostic de sinusite et d'otite aiguë reste en grande partie clinique et le traitement probabilistique. Une majorité ne sont pas d'origine bactérienne (surtout chez l'enfant), mais aucun test rapide ne permet d'en différencier les étiologies. Les cas compliqués, résistant au traitement ou récidivants, justifient une manuvre invasive (ponction, tympano-centèse) pour obtenir du matériel pour examen direct et culture dans de bonnes conditions.
I Le diagnostic microbiologique de la coqueluche, dont l'agent causal est Bordetella pertussis, est difficile mais reste d'actualité en raison de la recrudescence de cette infection dans de nombreux pays européens. La technique d'amplification génomique (PCR) remplace la culture bactérienne traditionnelle, peu sensible et lente. En effet, l'isolement et l'identification de B. pertussis peuvent prendre de 3 à 7 jours. Ce test très spécifique manque par contre de sensibilité du fait de la nature fastidieuse du microorganisme. Plusieurs facteurs peuvent influencer le résultat de la culture, notamment la nature de l'écouvillon, le système de transport de l'échantillon, le délai d'acheminement au laboratoire, ainsi qu'un traitement ou non par des antibiotiques. Ces difficultés ont laissé place aux techniques d'amplification génomique et de nombreuses études7 ont montré que le diagnostic de la coqueluche par PCR est le test le plus rapide (1-2 jours) et le plus sensible comparé à la culture (5 à 7 jours) et la sérologie (1 mois). Les prélèvements nécessaires pour ce type de tests sont les frottis nasopharyngés que l'on peut envoyer secs ou exsudés dans du NaCl, ainsi que les aspirations nasopharyngées natives gardées à 4°C. Dans notre pratique au laboratoire, de 1997 à 2001, nous avons reçu 239 échantillons provenant de patients chez qui une coqueluche était suspectée ou à exclure. Sur les 239 échantillons testés, 46 (19,2%) se sont révélés positifs par PCR.
I Le diagnostic rapide d'angine à streptocoques du groupe A est possible en cabinet depuis plusieurs années grâce à plusieurs tests de détection rapide d'antigènes. Ces tests ont des performances analogues, soit une sensibilité de 90%, voire plus (une angine ratée sur dix) et une spécificité voisine de 98 à 99%. Leur utilisation dans un contexte approprié devrait permettre de traiter la grande majorité des angines à streptocoques du groupe A et diminuer les traitements antibiotiques inappropriés. Une étude récente effectuée en Bourgogne est significative à ce sujet. Une campagne de dépistage rapide du streptocoque A, visant à une réduction de l'utilisation des antibiotiques, a dépassé toutes les espérances. Parmi les dix millions d'angines diagnostiquées en France chaque année, le streptocoque du groupe A représente 25% des étiologies chez les enfants et 10% chez les adultes. Cependant, près de 90% de tous les cas sont traités par antibiotiques. Dans cette étude, sur un peu plus de 1000 cas examinés, le test rapide a été effectué dans 98% des cas, avec un taux de positivité de 27%. Un traitement antibiotique a été instauré chez près de 99% des patients avec test rapide positif, et dans seulement 16% des cas avec test direct négatif.8
I Le diagnostic étiologique des pneumonies communautaires est souhaitable pour mieux cibler l'antibiothérapie et évaluer la sévérité de l'infection. Les sérieuses limites du diagnostic conventionnel par examen des expectorations sont connues de tous (absence d'expectorations, mauvaise qualité des prélèvements, flore colonisatrice versus infectante, germes non cultivables, ...). Des développements récents prometteurs ont été faits concernant la détection dans les urines d'antigènes bactériens pour le diagnostic de certains agents causals de pneumonies. Une telle approche est utilisée depuis plusieurs années pour le diagnostic de légionellose. Les tests actuellement dans le commerce ont une sensibilité proche de 80% et une spécificité supérieure à 97%.9 Dans ce contexte, des tests immuno-chromatographiques de détection d'antigènes dans les urines permettant le diagnostic rapide d'infections à Streptococcus pneumoniae ont été développés récemment. Les premières évaluations montrent une sensibilité d'environ 80% par rapport aux cultures bactériologiques conventionnelles qui ne représentent certainement pas le gold standard ; la spécificité est un peu inférieure à 80%. Actuellement, ce test est utile surtout lorsqu'il est positif, permettant un emploi d'antibiotiques ciblé et une aide à la décision d'hospitaliser les patients.10
I D'autres pathogènes atypiques tels que Chlamydia pneumoniae et Mycoplasma pneumoniae jouent un rôle encore mal précisé dans les pneumonies communautaires. Les méthodes classiques de détection (culture et sérologie) manquent soit de sensibilité ou donnent un diagnostic rétrospectif. La détection et l'identification de ces pathogènes se fait également actuellement de plus en plus par les techniques de PCR, plus rapides et plus sensibles que les méthodes traditionnelles.11,12 Une telle analyse a été développée dans notre laboratoire pour la détection simultanée de C. pneumoniae, M. pneumoniae et L. pneumophila dans les prélèvements respiratoires.
I La tuberculose reste une maladie non exceptionnelle, en particulier dans certains groupes de population (migrants, travailleurs étrangers, patients infectés par le virus VIH). Le diagnostic microbiologique de la tuberculose a beaucoup évolué ces dernières années.
L'examen microscopique (recherche de bacilles alcoolo-acido-résistants BAAR) et la culture des sécrétions respiratoires chaque fois que l'on suspecte une tuberculose chez un patient restent les examens de choix. La recherche de BAAR peut être obtenue rapidement (en quelques heures) et, si elle est positive, indique la présence de mycobactéries. Un examen PCR lors d'un prélèvement positif à la microscopie permet la détection de l'agent de la tuberculose. Le test diagnostique par PCR ne devrait pas être appliqué en cas de faible suspicion comme test de screening négatif (sensibilité insuffisante), ni pour le suivi thérapeutique.13
Dans beaucoup de situations cliniques, les praticiens renoncent à des examens microbiologiques potentiellement utiles. Paradoxalement, dans les investigations d'infections gastro-intestinales, le recours à des cultures de selles est parfois trop fréquent. Il a été bien démontré que la culture bactériologique des selles est un examen coûteux, peu rentable dans le contexte d'une gastro-entérite aiguë, à moins que l'on ne la limite à des indications bien précises : diarrhées sévères depuis plus de trois jours avec fièvre et symptômes généraux et/ou présence de sang dans les selles chez un patient qui n'a pas reçu d'antibiotiques dans les jours précédents ; la probabilité d'une culture positive augmente alors de l'ordre de cinq à dix fois.14
I L'analyse rapide d'infections gastro-intestinales à rotavirus ou à adénovirus peut être envisagée à l'aide de tests d'agglutination sur carte de billes de latex sensibilisées par un anticorps monoclonal dirigé contre le pathogène recherché. Ces tests présentent une sensibilité supérieure à 80%.15
I Chez certains patients (homosexuels masculins, patients VIH positifs avec diarrhées chroniques) un spectre plus large d'agents étiologiques que les bactéries entéropathogènes classiques doit être recherché (parasites opportunistes, mycobactéries).
I Certains laboratoires offrent aujourd'hui des tests moléculaires sophistiqués (et chers) pour détecter, par amplification du génome, les gènes codant pour les différentes toxines d'Escherichia coli, notamment les E. coli entéro-invasifs (ETEC) et entéro-agrégants (EaggEC). Ces tests sont même admis sur la dernière liste des analyses de l'OFAS !16 L'indication à une telle recherche devrait être exceptionnelle, comme la suspicion de syndrome hémolytique-urémique chez l'enfant, associé à certains E. coli entéro-hémorragiques (EHEC ou VTEC) par exemple, pathologie heureusement rare chez nous (2% des échantillons de selles diarrhéiques des enfants âgés de moins de 6 ans en Suisse).17
I Un autre domaine diagnostique devrait lui aussi être utilisé avec une certaine parcimonie sous nos contrées, à savoir la recherche de parasites dans les selles. Une telle recherche ne devrait pas être demandée avant plusieurs jours de diarrhées persistantes avec glaires ou présence de sang, surtout chez les personnes ayant voyagé ou immunocompromises. A côté de l'examen microscopique traditionnel à la recherche de formes végétatives ou kystes de protozoaires, d'ufs et de larves d'helminthes, plusieurs méthodes plus sensibles, basées sur des détections d'antigènes parasitaires par EIA le plus souvent, sont maintenant disponibles, en particulier pour Giardia (lamblia), Entamoeba histolytica (avec possibilité de différencier les souches pathogènes) ou Cryptosporidium.
Parmi les infections parasitaires d'importation, la malaria reste un problème fréquent devant un état fébrile au retour d'un voyage en zone d'endémie, surtout si l'on a des doutes sur la prise d'une prophylaxie appropriée. Le nombre de demandes et le nombre de cas positifs ont ainsi triplé ces dix dernières années. Le diagnostic classique par examen microscopique d'un frottis de sang étalé et d'une goutte épaisse colorés au Giemsa est long, difficile et exige une grande expertise. Il existe actuellement sur le marché plusieurs tests rapides de détection d'antigènes, soit spécifiques à P. falciparum ou permettant de différencier P. falciparum des autres espèces de Plasmodium ; ces tests se comparent favorablement avec la recherche microscopique. Leur utilisation chez nous peut se concevoir comme test initial rapide, qui, en cas de positivité, permet d'instaurer un traitement immédiat. Ils ne remplacent pas l'examen microscopique qui permet d'une part d'identifier et de confirmer l'espèce et les cas d'infections mixtes, mais aussi de quantifier la parasitémie un paramètre fort utile lors de présentations sévères et de suivre l'efficacité du traitement.18
L'examen cytobactériologique des urines n'a pas connu de modifications notables ces dernières années. Citons cependant les nouveaux systèmes de mise en culture de type «tremper-tirer», qui présentent un plus grand confort d'utilisation que la classique lame immergée. Ces systèmes ne demandent qu'un très faible volume d'urine et sont donc potentiellement mieux adaptés aux besoins des pédiatres, par exemple.
I Dans le domaine des infections uro-génitales, les infections dues à Chlamydia trachomatis sont les maladies sexuellement transmissibles les plus fréquentes des pays industrialisés, et ceci est probablement également vrai en Suisse, où la prévalence de C. trachomatis est mal connue. Les données publiées par l'OFSP dans le cadre des déclarations «Sentinella» et portant sur 760 femmes se présentant chez leur gynécologue pour un check-up (donc sans symptôme) montraient, en 1999, que 2,9% d'entre elles étaient infectées par C. trachomatis, la prévalence s'élevant à 5,2% pour la population des 20-25 ans !19,20 Le problème majeur de ces infections est qu'elles sont souvent asymptomatiques (50 à 70% chez les femmes) et que leurs séquelles peuvent être très importantes (stérilité, annexite, grossesse extra-utérine, ...). Les méthodes classiques pour le diagnostic des infections à Chlamydia étaient la culture et la détection immunologique d'antigènes par immunofluorescence ou Elisa. Ces méthodes ont montré leurs limites, soit du fait de leur complexité (culture) et/ou de leur manque de sensibilité et spécificité (antigènes). Actuellement, les méthodes d'amplification génomique telles que la PCR (polymerase chain reaction) et la LCR (ligase chain reaction) sont les méthodes de choix pour la détection de C. trachomatis. Si les prélèvements d'endocol sont recommandés lors d'examen gynécologique, le grand avantage de ces méthodes est qu'elles s'appliquent également, avec une sensibilité et spécificité équivalentes, sur les urines.21 Ce prélèvement, facile à obtenir, présente également l'avantage de permettre le criblage d'une population ne présentant pas de symptômes, mais à risque d'avoir une infection à Chlamydia trachomatis.
I L'autre infection uro-génitale en augmentation actuellement en Suisse et dans d'autres pays européens est due à Neisseria gonorrhoeae. La culture reste la méthode de choix lorsque le prélèvement peut être ensemencé directement et si un antibiogramme est nécessaire, comme en cas d'acquisition de l'infection dans des pays avec résistance à de multiples antibiotiques. Comme pour C. trachomatis, la recherche de N. gonorrhoeae par amplification génomique peut se faire sur les urines. La sérologie des infections aiguës dues à l'un ou l'autre de ces pathogènes est fortement déconseillée.
I Parmi les infections sexuellement transmissibles d'origine virale (Herpes simplex, papillomavirus), celles à papillomavirus (HPV) sont très fréquentes et transitoires chez 80% des personnes affectées.22 L'intérêt du diagnostic des infections à HPV repose sur l'association établie entre le risque de développement du cancer du col utérin et l'infection par certains types d'HPV. Parmi plus de cent types distincts d'HPV, une trentaine infectent le tractus ano-génital et sont répartis en deux groupes selon leur association avec le cancer : bas risque (types 6, 11, 40, 42-44, 53, etc.) et haut risque (types 16, 18, 31, 33, etc.).23 Les deux méthodes de diagnostic actuellement reconnues sont la capture d'hybride (hybridation à un cocktail de sondes spécifiques du groupe de risque) et la PCR suivie d'hybridation type spécifique à une trentaine de sondes distinctes. La PCR présente l'avantage d'une meilleure spécificité de détection des virus à haut risque et permet d'évaluer la persistance d'un HPV particulier chez une patiente, laquelle est associée à une augmentation drastique du risque de cancer in situ.24 La mise en évidence des HPV et l'identification des types sont complémentaires aux tests cytologiques de dépistage des lésions précancéreuses dans un frottis cervical par la méthode de Papanicolau. L'analyse virologique n'est effectuée qu'après le diagnostic du laboratoire de cytologie et concerne essentiellement les patientes présentant des cellules atypiques de signification indéterminée (ASCUS/AGCUS) persistantes à six mois et certaines patientes présentant des cytologies de bas grade (LSIL). La détection d'un virus à haut risque dans ces échantillons est un des éléments qui posent l'indication à un examen plus complet des patientes (colposcopie) et un traitement.
Le suivi de la grossesse en termes de risques infectieux est aujourd'hui un standard dans notre pays. A côté du statut vaccinal, il comprend le bilan anamnestique et sérologique des maladies infectieuses pouvant causer des embryopathies lors de primo-infection ou réactivation pendant la grossesse, ainsi que le statut VIH et hépatites.
I La primo-infection maternelle par le parasite Toxoplasma gondii expose le ftus aux risques de ftopathie avec ses séquelles oculaires et neurologiques. Le but du diagnostic prénatal de la toxoplasmose est l'identification des ftus infectés, mais aussi la prévention des séquelles par l'instauration d'un traitement antiparasitaire aussi précocement que possible. Les techniques d'amplification géniques ont, dans ce domaine également, trouvé une application ces dernières années.25 Réalisée à partir du liquide amniotique, la PCR est une aide au dépistage in utero des enfants infectés avec comme bénéfice l'instauration du traitement si nécessaire. Elle permet ainsi d'éviter le prélèvement de sang ftal et remplace avantageusement des méthodes plus lourdes, plus lentes et/ou moins sensibles, telles que l'inoculation à la souris ou à des cultures cellulaires. Les résultats de la PCR sont communiqués dans les 24 à 48 heures, alors que les résultats de l'inoculation à la souris dans la cavité péritonéale ne sont pas disponibles avant plusieurs semaines. Actuellement, la PCR pour T. gondii est effectuée dans les laboratoires spécialisés après une validation clinique. Dans notre laboratoire, nous avons testé une nouvelle technique de PCR (PCR en temps réel) sur 57 liquides amniotiques (57 patientes). Les résultats ont été comparés au statut sérologique de l'enfant à la naissance, en particulier au diagnostic néonatal précoce obtenu par la technique ELIFA (Enzyme-Linked-Immunofiltration Assay), qui compare le profil immunologique de la mère et de l'enfant.26 Une parfaite concordance entre les deux tests a été observée.25 Quel que soit le résultat de la PCR sur le liquide amniotique, il est important d'évaluer l'infection congénitale par sérologie (comprenant les IgM et les IgA), ainsi que par la comparaison des profils immunologiques mère-enfant à la naissance et vers dix jours de vie. L'assurance de l'absence d'infection congénitale est donnée par un suivi sérologique sur un an, démontrant la négativation du taux d'IgG.
La mesure de l'avidité des IgG est un test anténatal complémentaire qui permet d'évaluer de façon plus précise la date d'infection. La technique consiste à distinguer les anticorps de faible avidité, produits au début de l'infection, de ceux de forte avidité, signe d'une infection ancienne. Ainsi, un sérum présentant une avidité forte permettra d'exclure avec une haute probabilité une infection récente de moins de quatre mois. En revanche, un sérum avec une avidité faible ne permet pas de préciser la date de l'infection.
I La primo-infection maternelle par le cytomégalovirus peut également avoir des conséquences dramatiques sur le ftus. Actuellement, le diagnostic prénatal repose essentiellement sur la surveillance des femmes séronégatives au début de la grossesse. Lors de ce suivi, les tests sérologiques montrant la présence d'IgM et de taux d'avidité faible des IgG, permettent d'identifier les femmes à risque susceptibles de transmettre le CMV à leur ftus. L'analyse du liquide amniotique permet d'identifier les ftus infectés. Plus que la technique de détection, le délai entre l'infection de la mère et l'initiation du diagnostic prénatal influe sur la sensibilité des tests de détection du CMV dans le liquide amniotique. Un délai d'au moins six semaines semble être nécessaire pour une bonne sensibilité des tests, qu'il s'agisse de la culture rapide ou de la PCR.27,28 L'analyse de la charge virale au niveau du liquide amniotique par PCR quantitative (PCR en temps réel) pourrait permettre d'identifier les ftus infectés qui présenteront des symptômes à la naissance.29,30 Enfin, la preuve d'une infection congénitale à CMV est fournie par la détection du virus dans les urines de l'enfant au cours des quinze premiers jours de vie (culture rapide).
I Plus près du terme, il est de règle de rechercher la présence au niveau du col utérin, de streptocoques b-hémolytiques du groupe B, afin d'empêcher leur transmission au nouveau-né à risque (prématuré notamment) lors de la naissance. A côté de la culture traditionnelle, on dispose actuellement de tests plus sensibles et bientôt d'une détection rapide par PCR.31
* * *
En plus des nouveaux tests diagnostiques pour des maladies et des agents connus, il y a lieu de mentionner aussi la découverte ou la caractérisation d'agents infectieux comme cause de maladies jusqu'ici d'étiologie peu claire. Nous en citerons deux qui peuvent se rencontrer en pratique ambulatoire. Dans les deux situations, les agents causals sont des bactéries difficilement cultivables pour lesquelles les méthodes de diagnostic moléculaire ont grandement facilité, ou même permis, leur mise en évidence ces dernières années.
I La maladie des griffes du chat, dont l'agent causal est Bartonella henselae, est transmise à l'homme par l'intermédiaire des chats porteurs sains de cette bactérie. Le diagnostic de cette maladie est évoqué essentiellement par la clinique, à savoir une lymphadénopathie isolée, associée à des contacts répétés avec un chat (surtout chaton), des marques de griffures ou de morsures. La culture de B. henselae a été décrite à partir d'une biopsie du ganglion. Elle est cependant très fastidieuse, demande une longue période d'incubation (7 à 30 jours) et a été abandonnée dans notre laboratoire. La description histologique d'une biopsie d'un ganglion, quoique peu spécifique, peut être une aide au diagnostic. Actuellement, la PCR et la sérologie plus tardive et nécessitant l'analyse de deux sérums sont les méthodes de choix pour le diagnostic de cette maladie.32,33 Les échantillons appropriés pour la PCR sont du pus obtenu par ponction ganglionnaire ou des biopsies de lésions cutanées ou du ganglion après excision. La recherche par PCR sur du matériel fixé est moins sensible et devrait être évitée. Depuis cinq ans que nous faisons la recherche par PCR de B. henselae, plus de 20% des prélèvements qui nous ont été adressés se sont avérés positifs.
I La maladie de Whipple est une maladie rare associée à une bactérie, Tropheryma whippelii. Actuellement, cette bactérie ne peut être cultivée mais est identifiée par les techniques de biologie moléculaire à partir d'une biopsie du côlon, des selles, du LCR ou autres liquides.34
Nous avons passé en revue les principales nouveautés diagnostiques en microbiologie à disposition du médecin praticien en les comparant aux tests conventionnels recommandés habituellement. De nombreux développements basés sur les découvertes récentes en biologie moléculaire se font actuellement, mais leur application pratique au diagnostic est encore réduite à ce jour. Il est concevable que dans les cinq à dix ans à venir, le médecin praticien pourra détecter simplement dans son cabinet un nombre important d'agents responsables d'infections en moins d'une heure, ce qui lui permettra de poser un diagnostic étiologique et de prescrire des agents anti-infectieux de manière rationnelle et non empirique. Il sera intéressant de mesurer si une telle pratique a des impacts positifs sur la morbidité infectieuse et en particulier sur la résistance des germes communautaires aux agents antimicrobiens.