Une équipe de chercheurs franco-américains dirigée par Stanislas Lyonnet (unité INSERM 393, Hôpital Necker-Enfants malades, Paris) et Aravinda Chakravarti (Case Western Reserve University School of Medicine and University Hospitals of Cleveland OH 44 106, Etats-Unis) vient de fournir la démonstration de l'implication de trois gènes dans la survenue de la maladie de Hirschsprung, du nom du médecin danois qui l'a décrite pour la première fois en 1888. «C'est la première fois que l'implication de plusieurs gènes, phénomène pressenti de longue date pour les maladies multifactorielles, est mise expérimentalement en évidence, précise-t-on auprès de l'INSERM. Cette étude apporte ainsi la preuve de la pertinence de l'hypothèse formulée par les scientifiques pour décrire ce type de maladies. Elle ouvre également de nouvelles perspectives vers une meilleure compréhension des phénomènes impliqués dans le déclenchement de ces maladies».Ces travaux sont publiés dans la revue scientifique Nature Genetics datée de mai 2002 après avoir été placés on-line le 15 avril (Bolk S, Salomon R, Pelet A, et al. Splitting a multigenic disease : Segregation at three loci explains familial and population risk in Hirschsprung disease Nature Genetics Vol. 31, mai 2002). Rangée dans le groupe dit des «anomalies motrices intestinales» la maladie de Hirschsprung (ou mégacôlon congénital) est caractérisée par une absence de cellules ganglionnaires dans les plexus de Meissner et d'Auerbach de l'intestin terminal. La zone aganglionnaire débute au sphincter anal interne et couvre une zone plus ou moins vaste. Dans 80% des cas elle intéresse le rectum et la partie la plus basse du sigmoïde mais des formes plus longues peuvent concerner le côlon gauche voire la totalité du côlon.«L'aganglioninnie est liée à l'arrêt de la migration cranio-caudale des cellules dérivant de la crête neurale et destinées à former l'innervation intrinsèque du tube digestif, explique J.-C. Rambaud dans la dernière édition du Traité de médecine de Pierre Godeau, Serge Herson et Jean-Charles Piette (Editions Flammarion, Paris). Elle entraîne la disparition du réflexe recto-anal inhibiteur et une hypertonie permanente du muscle lisse intestinal dans son aire d'extension, y compris le sphincter anal interne. Ainsi se crée une sténose fonctionnelle, responsable de la dilatation, de l'hypertrophie de la musculeuse et parfois des lésions muqueuses du côlon d'amont».La fréquence de cette maladie multifactorielle est comprise, selon les auteurs, entre un cas pour 10 000 naissances et un cas pour 5000. Les garçons sont trois à quatre fois plus souvent atteints que les filles. A l'heure actuelle, les progrès de la réanimation et une ablation plus ou moins importante du gros intestin permettent de sauver les vies des malades au prix de lourdes séquelles digestives et nutritionnelles.Les chercheurs de l'équipe franco-américaine dirigée par Stanislas Lyonnet et Aravinda Chakravarti, est parvenue à mettre en évidence l'implication de trois gènes situés sur les chromosomes 3, 10 et 19, dans la forme la plus commune de cette maladie. L'implication du gène Ret, porté par le chromosome 10, avait déjà été mise en évidence en 1994 par l'équipe de Stanislas Lyonnet. Mais elle ne suffisait pas à expliquer à elle seule, la survenue des cas sporadiques de cette affection (80% des malades sont des cas isolés) et de la grande variabilité d'expression au sein d'une même famille.Avec la démonstration de l'implication de deux gènes supplémentaires, les chercheurs disposent désormais d'un modèle permettant d'expliquer ces différents phénomènes et confirment pour la première fois la pertinence de l'hypothèse qui avait été formulée pour décrire jusqu'alors les maladies multifactorielles. «Les chercheurs ont également mis en évidence l'influence directe exercée par ces deux nouveaux gènes (gènes modificateurs), sur le gène Ret (gène majeur) dans la survenue de cette maladie, souligne-t-on auprès de l'INSERM. Cette étude n'aurait jamais été possible sans la publication des cartes du génome humain réalisées par Généthon. Ces travaux ont reçu le soutien financier de l'Association française contre les myopathies grâce aux dons du Téléthon, de la Fondation pour la recherche médicale et de la Communauté européenne. Ils ont par ailleurs fait partie d'un appel d'offres sur les maladies rares. A ce titre, ils illustrent une nouvelle fois la pertinence de l'action concertée des organismes de recherche publics et du secteur associatif dans le combat mené contre les maladies rares».On peut espérer que ce travail ouvrira de réelles perspectives quant à la meilleure compréhension des phénomènes impliqués dans les maladies multifactorielles plus complexes que celle-ci. Le sujet est de taille puisque ces maladies multifactorielles, causées par des facteurs multiples, à la fois génétiques et environnementaux, couvrent un très large spectre allant des malformations congénitales (malformations digestives de l'enfant, fentes labio-palatines, malformations cardiaques, etc.) à de nombreuses maladies fréquentes de l'adulte telles que le diabète, l'hypertension, l'obésité, de nombreuses formes de cancers ainsi, dit-on, que de certaines maladies psychiatriques comme la schizophrénie ou la psychose maniaco-dépressive.