Organisées du 10 au 13 avril à Deauville (Calvados), les troisièmes journées internationales sur la pathologie médullaire viennent de fournir un ensemble de données actualisées concernant les recherches conduites dans ce domaine en pleine effervescence. Modérée par Christopher Henderson (Inserm unité 282, Marseille), l'une des cessions de cette manifestation organisée par l'Institut pour la recherche sur la moelle épinière était consacrée au problème, à bien des égards crucial, de la régénération neuronale. A travers différentes approches expérimentales, les conférenciers ont tenté de répondre à deux questions centrales : Quels nouveaux outils et réactifs sont disponibles pour favoriser la croissance axonale et la survie neuronale suite à un accident ? Quels sont les systèmes les mieux adaptés pour suivre et analyser la régénération fonctionnelle dans l'environnement souvent hostile que constitue le système nerveux central lésé ?«Analysés dans leur ensemble, les résultats ont montré que non seulement certaines des premières stratégies expérimentales commencent à porter leurs fruits dans des systèmes biologiques précis, mais également la neurobiologie moderne fournit de nouvelles cibles potentielles pour améliorer et raffiner davantage cette régénération» ont souligné les organisateurs de la réunion de Deauville.Le Pr Ron Oppenheim (Winston Salem, Etats-Unis), qui a fourni de nombreuses contributions sur le thème de la mort cellulaire neuronale et sa régulation, a présenté une vue d'ensemble des actions des facteurs neurotrophiques, des polypeptides qui favorisent la survie neuronale, dans la moelle épinière embryonnaire. On sait que les facteurs neurotrophiques sont capables de réduire la mort neuronale et d'augmenter la régénération dans des systèmes expérimentaux. Le Pr Oppenheim a souligné la complexité de leurs actions biologiques, à la fois en termes des sous-populations neuronales affectées et de phase du développement, autant d'éléments dont il faudra impérativement tenir compte lors de leur évaluation comme agents thérapeutiques.Pour sa part, le Dr Chris Henderson (Marseille) a présenté de nouveaux mécanismes pouvant conduire à une régénération neuronale accrue. Il a notamment montré que les facteurs agissant sur la croissance neuronale peuvent être ou intrinsèques (par exemple, facteurs de transcription nucléaires) ou autres (facteurs protéiques qui favorisent spécifiquement la croissance des dendrites par rapport à l'axone). Il a souligné l'importance pour les études de régénération d'une compréhension de la voie de signalisation intracellulaire impliquant la PI3 kinase, et des mécanismes de son activation spécifique dans les neurones.Célèbre pour ses travaux sur la «cicatrice gliale» (une structure cellulaire désorganisée impliquant les cellules non neuronales qui se forme autour des lésions de la moelle épinière, et qui constitue une barrière à la régénération), le Pr Jerry Silver (Cleveland) a, quant à lui, montré que des neurones transplantés dans une région non lésée de la substance blanche peuvent régénérer sur d'assez grandes distances. «Toutefois, les axones de ces neurones montrent une croissance anormale dès qu'ils arrivent dans la région d'une lésion médullaire. Ce système a permis au Pr Silver et à ses collègues d'analyser plus avant le rôle inhibiteur, dans ce système, de protéines de surface cellulaire portant des sucres (protéoglycanes)» résument les organisateurs. Ils soulignent d'autre part que le Pr Marie Filbin (New York) a montré des résultats «frappants» concernant la régénération des axones sensitifs dans la moelle épinière. Des traitements qui conduisent à une augmentation des taux intracellulaires d'AMP cyclique permettent aux neurones d'ignorer des signaux inhibiteurs dans leur environnement immédiat. Cette augmentation «remarquable» des capacités régénératrices «reflète vraisemblablement une synthèse accrue de composés appelés polyamines, dont le mode d'action précis est à l'étude.»On notera également que le Dr Patrick Gauthier (Marseille) a obtenu une récupération fonctionnelle intéressante dans un système expérimental élégant qui permet l'analyse d'aspects quantitatifs et qualitatifs : l'innervation des motoneurones qui à leur tour font contracter le diaphragme et qui sont donc essentiels pour la respiration. «Il a montré que des cellules gliales spécialisées appelées OEGC (cellules engainantes olfactives) favorisent de manière significative la régénération lorsqu'elles sont implantées au niveau de la lésion. Il a clairement démontré que la récupération fonctionnelle reflète une régénération, plutôt qu'une réponse adaptative du système nerveux central. Les mécanismes cellulaires sous-jacents sont actuellement à l'étude.»Enfin, le Dr Minerva Gimenez y Ribotta (Montpellier) étudie actuellement les bases moléculaires de l'inhibition de la croissance par la cicatrice gliale. Elle a montré que chez des souris déficientes pour deux protéines intracellulaires des cellules gliales, la vimentine et la GFAP, la régénération et la récupération fonctionnelle suite à une lésion étaient améliorées. L'étude des différences au niveau de l'expression de protéines membranaires chez ces souris fournira vraisemblablement des indices importants pour mieux comprendre et combattre l'inhibition de la croissance axonale.(A suivre)