Nous poursuivons ici la relation des troisièmes journées internationales sur la pathologie médullaire qui viennent de se tenir du 10 au 13 avril à Deauville (Calvados). Après la question de la régénération neuronale (Médecine et Hygiène du 15 mai 2002), l'un des thèmes importants fut celui consacré à la neuroprotection et à la régénération axonale dans les traumas médullaires. Les participants ont repris et discuté la méthodologie des différentes études déjà réalisées sur ce thème chez l'homme à partir notamment de la méthylprednisolone, des antagonistes des opiacés, de la nimodipine, de la gacyclidine et des interventions précoces de chirurgie. M. Tadié (France) a rappelé les grandes lignes de l'étude FLAMME (gacyclidine) randomisée en double-aveugle, avec une injection dans les deux heures après le traumatisme, suivie d'une deuxième injection quatre heures après. Cette étude a inclus 280 patients en France. Le suivi a été d'un an.«Si, globalement, il n'y a pas eu de différence significative entre la gacyclidine et le placebo, les résultats globaux de la série sont positifs, résument les organisateurs de cette manifestation. L'amélioration globale du score moteur de l'ASIA (+ 17,7) est très encourageante et ce d'autant plus que 72% des patients avaient une lésion complète. La prise en charge médico-chirurgicale rapide et adaptée, dès le ramassage, explique très probablement ce bon résultat. La gacyclidine (GK 11) n'a entraîné aucune complication ni effet secondaire notable. L'amélioration neurologique chez les patients ayant eu une lésion médullaire cervicale incomplète est plus importante avec la gacyclidine qu'avec le placebo. L'effectif faible de cette sous-population ne permet pas de conclure à une différence significative». Ils ajoutent qu'une étude clinique analysant les résultats de la chirurgie précoce (dans les huit heures après le trauma médullaire) est en cours en France.Dans la deuxième partie de son exposé, M. Tadié a résumé les études expérimentales (Aguayo, Horvat, Carlstedt, etc.) concernant la régénération axonale à travers des greffons de nerf périphérique (GNP). Il a aussi exposé ses propres travaux expérimentaux sur ce sujet et présenté un premier patient opéré de la sorte. Chez un patient paraplégique complet depuis plus d'un an par lésion dorsale basse, un GNP autologue (prélèvement de nerf sural) a été implanté dans la moelle épinière dorsale, sus-lésionnelle, en avant du ligament dentelé, puis connecté aux racines motrices L2, L3 et L4. Un deuxième GNP identique a été implanté de la même manière en controlatéral. «Il n'y a pas eu de complication chirurgicale. Neuf mois après, est apparue une contraction volontaire dans les muscles adducteurs et vaste latéral, peut-on lire dans le résumé de ces journées internationales. Ceci a été confirmé par l'électrophysiologie. A deux ans de recul, cette contraction musculaire volontaire semble se renforcer et une ébauche de sensibilité est apparue. Cette première intervention chez l'homme paraplégique, visant à reconnecter un muscle de topographie sous-lésionnelle à la moelle épinière dorsale sus-lésionnelle, confirme les possibilités de régénération axonale de la moelle épinière humaine. Le résultat, encore modeste pour le patient, implique la nécessité de poursuivre les recherches dans cette voie». Une publication dans le Journal of Neurotrauma est sous presse.Au chapitre de «la réparation des racines nerveuses de la corne ventrale après lésion du plexus brachial et du développement de nouvelles stratégies chez l'homme», H. D. Fournier (France) a rappelé le très mauvais pronostic fonctionnel des lésions du plexus brachial chez l'homme. Cependant, quelques équipes (Horvat, Bertelli, Tadié, etc.) ont montré l'existence, chez l'animal, d'une repousse axonale depuis la moelle épinière jusqu'à une cible musculaire par l'intermédiaire d'un greffon de nerf périphérique (GNP) en mettant en continuité la moelle épinière avec un muscle dénervé ou l'extrémité distale de son nerf. L'équipe de Carlstedt a réimplanté dans la moelle épinière cervicale, chez dix patients, par voie postérieure, des racines du plexus brachial, soit directement, soit par l'intermédiaire d'un GNP. Il a présenté la voie d'abord chirurgicale postérieure «classique» et une voie d'abord antérolatérale originale permettant l'abord direct de la corne antérieure de la moelle cervicale sans avoir recours ni à une arthrectomie ni à une ostéosynthèse.«Par ailleurs, l'auteur souligne l'intérêt d'implanter directement le GNP dans le sillon antérolatéral de la moelle pour atteindre la corne antérieure, ce qui n'est pas possible par la voie postérieure, résument les responsables de la manifestation. La deuxième partie de son exposé a concerné les résultats cliniques de trois patients opérés par voie postérieure avec un recul de quinze mois à trois ans, et de quatre patients opérés par voie antérolatérale avec un recul de trois semaines à huit mois. La réimplantation médullaire n'a entraîné aucune complication neurologique ni algologique. Aucun des patients ne présente de cocontraction musculaire. Une réinnervation partielle des muscles triceps, biceps et deltoïde a été obtenue, selon le type de lésion et de greffe, par voie postérieure. Concernant la voie antérolatérale, les résultats ne sont que partiels en raison du délai court depuis l'intervention. L'auteur a déjà noté deux réponses électrophysiologiques positives et une contraction musculaire utile».Ces résultats encourageants seront bien évidemment à comparer à plus long terme aux résultats modestes des traitements conventionnels de neurotisation à partir des nerfs intercostaux et spinaux.(A suivre)